
C’est une annonce attendue depuis plusieurs semaines. Le ferry Giraglia, propriété de la compagnie Moby, a repris la mer samedi dernier, rétablissant une liaison maritime régulière entre Bonifacio et Santa Teresa di Gallura. Le navire assure désormais quatre allers-retours quotidiens, auxquels s’ajoute une liaison Porto Torres–Ajaccio. Une reprise tardive mais bienvenue, à l’approche de la haute saison touristique.
Initialement, deux compagnies devaient assurer la ligne à partir du 1er avril, dans le cadre de la continuité territoriale renforcée entre les deux îles. Sept traversées étaient prévues chaque jour, réparties entre les navires Giraglia et Liburna de Moby, ainsi que le ferry Ichnusa. Mais comme en 2024, rien ne s’est passé comme prévu. Les deux navires de Moby sont restés immobilisés pendant plusieurs mois dans les chantiers navals de Livourne, en raison de pannes techniques et de travaux d’adaptation. En leur absence, seul le petit Ichnusa a assuré la desserte, se retrouvant seul à la manœuvre pour répondre à la demande croissante. Mais cette situation n’a pas permis d’assurer la fréquence annoncée. Sur les rotations quotidiennes prévues, seules trois ou quatre ont été maintenues. Le service, en sous-capacité, a engendré retards, files d’attente et incertitudes pour les passagers et transporteurs entre les deux îles.
Une liaison fragile,
Chaque année, près de 250 000 passagers empruntent la liaison maritime entre Bonifacio et Santa Teresa di Gallura. Bien que la traversée ne dure qu’une cinquantaine de minutes, elle est classée comme une liaison internationale car elle relie deux États. Cela implique le recours à des navires certifiés SOLAS 74 – une norme habituellement réservée aux traversées plus longues – et des caractéristiques techniques précises pour pouvoir accoster dans les ports exigus des deux rives.
Mais ces contraintes renforcent la fragilité d’un service déjà jugé peu fiable. Ces derniers mois, retards, interruptions et indisponibilités de navires se sont multipliés. Face à cette situation jugée intenable à l’approche de l’été, les élus corses et sardes ont tiré la sonnette d’alarme. Le 27 mai dernier, à Bonifacio, ils se sont réunis pour évoquer la « crise permanente » qui affecte cette desserte stratégique. Deux semaines plus tard, dans une lettre adressée aux ministres des Transports français et italiens, Jean-Félix Acquaviva, président de l’Office des transports de Corse, et Barbara Manca, conseillère régionale sarde, ont tiré la sonnette d’alarme.
Selon eux, l’ancienneté des navires, les pannes fréquentes et l’absence d’un marché concurrentiel entre opérateurs menacent directement la continuité territoriale entre les deux « îles sœurs ». Les deux élus plaident pour une solution structurelle, via la création d’une structure publique transfrontalière capable de gérer la desserte et de lancer un appel d’offres conjoint pour la construction de nouveaux navires adaptés à cette ligne.
Si la reprise du service avec quatre allers-retours quotidiens constitue un soulagement, elle ne règle rien sur le fond. Pour les élus corses et sardes, la question de la souveraineté logistique est clairement posée : tant que la desserte maritime entre Bonifacio et Santa Teresa reposera sur une flotte vétuste et un équilibre précaire, aucune stabilité ne pourra être garantie.