Corse Net Infos - Pure player corse

Le Conseil scientifique du patrimoine naturel de Corse monte au créneau pour défendre le Conservatoire du littoral


le Mercredi 13 Août 2025 à 08:04

Habituellement discret, le Conseil scientifique régional du patrimoine naturel de Corse prend publiquement position pour la première fois en quinze ans. L’organisme consultatif vient en effet d’adopter une motion appelant au maintien du Conservatoire du littoral, menacé de suppression par une proposition du Sénat. Un texte dans lequel il alerte sur les conséquences pour la préservation des côtes de l’île.



Le Conseil scientifique du patrimoine naturel de Corse monte au créneau pour défendre le Conservatoire du littoral
C’est un rapport qui n’en finit pas de faire des vagues. Au début du mois de juillet, les conclusions de la commission d’enquête du Sénat sur la mission des agences et organismes consultatifs de l’État préconisaient la suppression du Conservatoire du littoral et la réattribution de ses missions à l’Office Français de la Biodiversité. Depuis, élus et institutions ne cessent de manifester leur inquiétude quant à cette perspective. Lors de la dernière session avant la pause estivale, l’Assemblée de Corse s’était elle aussi opposée à cette potentielle suppression en adoptant une motion à l’unanimité.
 
Cette fois, c’est un organisme habituellement discret qui a décidé de faire entendre sa voix. Il y a quelques jours, le Conseil Scientifique Régional du Patrimoine Naturel de la Corse (CSRPN) a à son tour adopté une motion relative au devenir du Conservatoire du littoral. « En 15 ans, le CSRPN n'a jamais fait un seul communiqué public. C'est un organisme consultatif qui travaille dans la discrétion en rendant des avis techniques sur un certain nombre de sujets sur lesquels il est obligatoirement consulté. Le CSRPN a aussi le droit de s'auto-saisir de sujets qui rentrent dans son champ de compétences et le devenir du conservateur du littoral, typiquement, en est un. S’il n’est pas dans notre habitude de nous adresser au public, cela nous a semblé vraiment important de le faire pour dire que le Conservatoire du littoral est un outil qui fonctionne bien et qui est très utile, voire indispensable à la Corse et au littoral français en général. Sa disparition serait quelque chose de grave pour la protection du littoral », souligne le président du CSRPN de Corse, Michel-Jean Delaugerre en soulignant l’importance de l’établissement public pour la préservation de la biodiversité, des paysages littoraux, du patrimoine naturel et culturel, mais aussi pour garantir un accès libre et gratuit des citoyens aux rivages. 
 
À ce titre, la motion du CSRPN rappelle que dans les années 1970, face au « tropisme vers les côtes (qui) attire de nombreuses activités, industrielles, touristiques, se traduisant par un développement accéléré de l'urbanisation », les responsables de l’aménagement du territoire avaient déjà constaté la « nécessité d'une intervention publique forte sans laquelle on assisterait à une disparition du littoral naturel ». Une mission de laquelle s’est acquitté le Conservatoire du littoral depuis 50 ans cette année, contribuant à ce qu’un tiers du littoral français reste naturel en achetant des terrains sur les bords de la mer et des grands lacs. « Une fois acquis, ceux-ci rentrent dans le domaine public de l’État. Ils deviennent ainsi inaliénables et imprescriptibles », indique le texte en notant qu’en Corse « les premiers terrains ont été acquis à partir de 1976 » et que c’est aujourd’hui « un quart du linéaire côtier de l’île qui est définitivement préservé avec de très grands espaces s’étendant loin vers l’intérieur des terres (l’Agriate, Campumoru-Senetosa, Bunifaziu), des emblèmes de biodiversité (Scandula, Pointe du Cap Corse, Ricantu, lagunes de la côte occidentale) et de nombreux sites discrets ou emblématiques ». Soit au total, 74 sites représentant 21 700 hectares. 
 
« Le Conservatoire du littoral est un établissement de l'État qui est très léger. C'est 140 salariés au niveau national, moins de 10 en Corse », indique par ailleurs le président du CSRPN en reprenant : « Et en même temps, il a été conçu par des visionnaires de la décentralisation. Tout se fait avec une proximité totale avec l’échelon local, avec les acteurs du territoire, les élus, les communautés de communes … C’est extrêmement important car cela veut dire que le Conservatoire du littoral n’est pas un outil d’État qui arrive et qui impose sa loi. Il est condamné à convaincre et à travailler avec le local. En outre, les Conseils des rivages, les instances qui doivent valider tous les périmètres d'acquisition du conservatoire, sont composées à 100% d'élus. Et c’est bien pour cela que tout cela marche, qu'il y a un quart du littoral de la Corse qui est protégé de façon définitive par le conservatoire, et que ce n'est absolument pas vécu comme quelque chose qui serait imposé de l'extérieur ». 
 
Pour Michel-Jean Delaugerre, le Conservatoire du littoral est donc aujourd’hui « un rempart indispensable » pour protéger le littoral corse, d’autant plus qu’il n’a pas terminé son travail et a même prévu de doubler son intervention à horizon 2050. « Si demain il est englobé dans l'Office Français de la Biodiversité, cela ne pourra pas marcher. Parce que l'acquisition et l’aménagement du territoire, c'est un métier. C'est voir les choses sur un temps très long, un peu comme un forestier qui regarde sa forêt et qui réfléchit à ce qu'elle sera dans un siècle. De plus, un organe comme l'OFB n’aura pas cette proximité avec des acteurs locaux », avertit-il en raillant : « Si on veut tuer le futur de la protection du littoral, il faut donc suivre les propositions des sénateurs… ».
 
Alertant sur le danger qui pèserait notamment pour la Corse où les « appétits sur le littoral s'aiguisent », le CSRPN en appelle donc au Gouvernement et notamment à François Bayrou, le Premier ministre, et à Laurent Marcangeli, le ministre de l’Action publique, de la Fonction publique et de la Simplification, à reconsidérer « ce projet qui va à l’encontre de la préservation de nos côtes, de l’aménagement harmonieux du territoire et des engagements internationaux de la France pour la mise en place de zones de protection » et les exhorte à « ne pas s’engager dans une approche technocratique qui tourne le dos à la réalité des territoires ». Enfin, le CSRPN s’adresse également aux parlementaires insulaires « pour qu’ils pèsent de tout leur poids pour barrer la route à cette mauvaise réforme » et tout particulièrement aux sénateurs « qui devraient avoir à cœur de préserver un établissement où les collectivités locales ont une place privilégiée ».