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La semi-liberté de Pierre Alessandri, prélude au dégel des relations entre la Corse et Paris ?


le Mardi 31 Janvier 2023 à 19:11

Après que la cour d’appel de Paris ait fait droit à la demande de semi-liberté de Pierre Alessandri ce mardi matin, le ministre de l’Intérieur a confirmé dans l’après-midi qu’il se rendra en Corse le 6 février prochain. De premiers pas pour reprendre le contact et poursuivre le processus de discussion relatif à l’avenir institutionnel de l’île ?



Le ministre de l’Intérieur, Gérald Darmanin et le Président du Conseil exécutif de Corse, Gilles Simeoni, à Ajaccio le 16 mars 2022.
Le ministre de l’Intérieur, Gérald Darmanin et le Président du Conseil exécutif de Corse, Gilles Simeoni, à Ajaccio le 16 mars 2022.
Faut-il y voir un premier pas dans le déblocage des discussions entre la Corse et l’État ? Ce 31 janvier, la chambre d’application des peines de la cour d’appel de Paris a rendu un avis positif à la demande de semi-liberté de Pierre Alessandri. 
 
Condamné à la réclusion criminelle à perpétuité et incarcéré depuis près de 24 ans pour l’assassinat du préfet Erignac le 6 février 1998, ce dernier, tout comme Alain Ferrandi, avait vu par le passé ses demandes d’aménagement de peine systématiquement refusées, alors même que les deux hommes sont libérables depuis 2017. Un point qui n’avait pas manqué de cristalliser les tensions dans les rapports avec Paris, au point de bloquer le processus de négociations relatif à l’avenir institutionnel de l’île.
 
En effet, après un nouveau refus de la requête formulée par Pierre Alessandri le 29 septembre dernier, l’Assemblée de Corse avait interrompu ses travaux. Une manière pour les élus d’exprimer leur « indignation générale ». Le parti Core in Fronte avait même annoncé suspendre sa participation aux discussions, tant que la question des prisonniers politiques ne serait pas réglée. Un climat tendu qui avait dissuadé le ministre de l’Intérieur, Gérald Darmanin, en charge des négociations, de se rendre en Corse en octobre. Estimant que les conditions du dialogue n’étaient toujours pas réunies, il avait en outre annulé une nouvelle visite prévue en décembre.

Gérald Darmanin à Ajaccio le 6 février

De facto, depuis la réunion de travail du 16 septembre à Paris, le processus de négociations est au point mort. Mais cette décision pourrait bien en augurer la reprise.
Quelques heures à peine après la décision de la cour d’appel de Paris, confirmant une information qui circulait depuis quelques jours, Gérald Darmanin a en effet indiqué sur Twitter qu’il se rendra en Corse lundi prochain à la demande du Président de la République afin de « présider les 25 ans de l’assassinat du Préfet Erignac ». S’il n’a pas été précisé si une séquence politique fera également partie du déplacement, certains voient donc en cette journée un signe d’apaisement. 
 
« Désormais, rien ne s’oppose plus à ce que les discussions de Beauvau reprennent et que le dialogue soit renoué dans des conditions apaisées et constructives », a ainsi noté le groupe Un Soffiu Novu à l’Assemblée de Corse. Même logique pour le sénateur de Corse-du-Sud Jean-Jacques Panunzi : « Politiquement, une page se tourne. L’heure doit être à l’apaisement et à la construction de l’avenir de la Corse, loin de la violence et du climat de tension que l’on a pu connaître. Les discussions de Beauvau doivent reprendre dans les meilleurs délais pour que notre île puisse avoir les moyens de son développement ».

« Ouvrir une page nouvelle »

Du côté des partis nationalistes, l’heure reste toutefois à la prudence. « Cette décision, aux antipodes des mesures de clémence ou de faveur, n’est que l'application d’un droit trop longtemps bafoué par ceux-là mêmes qui en portent la garantie », a ainsi argué Core in Fronte en appuyant : « Elle en appelle d’autres, significatives, pour, d’une part, clairement indiquer l’arrêt des mécanismes répressifs et, d’autre part, inscrire le principe d’un dialogue dans le sens d’une véritable solution politique ».
Le PNC martèlera dans ce droit fil que c’est la libération de l’ensemble des prisonniers qui sera sine qua non d’une « réconciliation et (d’) une solution politique ». « Avàci tocc’à noi tutti di custruiscia una soluzioni pulitica mittendu in ballu un veru statutu istituziunali chì guarantisci a ricunniscenza di u nostru populu è di i so diritti », a encore fait savoir le parti.  
 
À la mi-journée, le Conseil Exécutif de Corse a, pour sa part, estimé que « le moment est venu d’ouvrir une page nouvelle des relations entre la Corse et l’État ». « Cette phase nouvelle doit conduire à reconnaître et assumer ensemble, à Paris et en Corse, l’ensemble des douleurs, drames et injustices vécus de part et d’autre et engendrés, pour la période contemporaine, par un demi-siècle de logique de conflitElle doit surtout permettre de construire, par un dialogue respectueux et loyal entre l’État et le peuple corse, ses élus et ses forces vives, une solution politique globale, incluant les dimensions économiques sociales, culturelles et sociétales et se concrétisant au plan institutionnel par un statut d’autonomie », a-t-il souligné dans un communiqué en ajoutant : « Le temps de la justice et de l’apaisement, s’il se confirme dans les jours et semaines à venir, ouvre la voie de façon irréversible au temps du dialogue et de la solution politique globale, dans le cadre du processus engagé en mars dernier avec le Ministre Gérald Darmanin ». 
 
 
Le 23 février, Alain Ferrandi sera à son tour fixé sur son sort. Une décision qui scellera sans doute l’avenir du processus de négociations.