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La résistante corse Noëlle Vincensini s’est éteinte à l’âge de 98 ans


MV le Jeudi 22 Mai 2025 à 15:49

Grande figure corse de la Résistance, Noëlle Vincensini s’est éteinte dans la nuit du 21 au 22 mai à l’âge de 98 ans.



Noëlle Vincensini. Photo AFP
Noëlle Vincensini. Photo AFP

Elle avait 17 ans lorsqu’elle s’est engagée, au cœur de la guerre, dans les réseaux clandestins. Ce choix de jeunesse, né de la lecture des journaux et d’une profonde révolte face à la montée du nazisme, ne l’a plus quittée.

Née en 1927 au couvent de Piedicroce, en Haute-Corse, Noëlle Vincensini était la quatrième d’une fratrie de neuf enfants. En 1941, elle quitte l’île pour suivre des études à Montpellier, hébergée chez une tante. C’est là qu’elle entre en résistance, en intégrant les Forces Unies de la Jeunesse Patriotique (FUJOP), puis le mouvement des Francs-Tireurs et Partisans (FTP), proche du Parti communiste. Elle participe à des actions de propagande et de logistique, transportant des valises contenant des tracts, des fonds ou des armes. En avril 1944, elle est arrêtée avec trois autres lycéennes par la Gestapo. Subissant des interrogatoires violents, elle est envoyée au fort de Romainville puis déportée au camp de concentration de Ravensbrück. Elle y découvre, selon ses propres mots, « l’univers concentrationnaire avec ces gens aux yeux fous qui grattaient la terre pour la manger ». Elle évoquait les appels glacés à l’aube, la robe humide qui ne séchait jamais, les cris des femmes la nuit, les douleurs, la faim, et la brutalité des gardiennes. Elle est libérée en avril 1945, à bout de forces.

Sa santé fragilisée ne lui permet pas de reprendre ses études. Elle se marie, a quatre enfants, puis revient en Corse en 1970. Toujours engagée, elle fonde Radio Balbuzard, une station pirate qui lui vaudra des poursuites judiciaires. Elle réalise également trois films documentaires sur la Corse, plusieurs fois récompensés.

En 1986, elle crée le comité anti-raciste Ava Basta (« Ça suffit »), devenu une association d’aide aux étrangers. En 2008, elle reçoit la Légion d’honneur, reconnaissance tardive mais méritée d’un parcours de vie exceptionnel.


Un hommage unanime à une vie de luttes

L’annonce de sa disparition, dans la nuit du 21 au 22 mai, a suscité de nombreuses réactions. À Piétroso, son village natal, le maire François Martinetti a salué la mémoire d’« une donna corsa di prima trinca », rappelant que Noëlle Vincensini avait été résistante, communiste, déportée, et militante infatigable pour la justice sociale, les droits des femmes, la liberté d’expression et contre le racisme. Il a également évoqué son engagement local contre le clanisme dans les années 1970, et son soutien à Edmond Simeoni lors du procès de 1979 devant la Cour de sûreté de l’État. « Senza rimore hè partuta una Anima Ribella… U Petrosu, ricunniscente ! », conclut-il.

La Ligue des droits de l’Homme, section Corse, a exprimé une profonde tristesse. « Son nom est à jamais associé à la déportation et à la Résistance, à son combat contre les racismes et pour le droit des étrangers. Noëlle était une belle conscience universelle », peut-on lire dans le communiqué. Rappelant ses engagements constants, la LDH souligne : « Il n’y a pas d’histoire déjà écrite. Il y a notre capacité, notre responsabilité à dire non. »

À l’Assemblée de Corse, plusieurs hommages ont également été rendus. La présidente Nanette Maupertuis a salué « un héritage qui nous oblige et doit continuer à éclairer notre chemin ». Pour Jean-Christophe Angelini, maire de Porto-Vecchio et président du groupe Avanzemu, « son engagement pour la liberté, son combat contre l’oubli et sa dignité face à l’indicible demeureront un puissant exemple pour notre jeunesse et notre peuple. »

Le Parti communiste de Corse a également exprimé son émotion. « L’annonce de la disparition de Noëlle Vincensini est un moment de grande émotion pour celles et ceux qui l’ont connue. Les communistes, dont elle partagea l’engagement politique et militant, sont de ceux-là. »