Corse Net Infos - Pure player corse

La famille d’Antoine Carlotti, le signadore d'Aleria, lance une cagnotte après son décès


le Samedi 11 Octobre 2025 à 16:00

Berger de métier et signadore respecté, Antoine Carlotti s’est éteint brutalement le 6 octobre dernier à l’âge de 88 ans. Sa famille a lancé une cagnotte en ligne pour l’aider à financer les dernières démarches.



(Photo : DR)
(Photo : DR)
Antoine Carlotti si n’hè andatu à l’eternu. Bien connu en Corse et même au-delà, le 6 octobre dernier, cet homme de 88 ans originaire de Pianellu et installé depuis longtemps à Aleria a effectué son dernier voyage après avoir consacré sa vie à aider les autres. Berger avant tout, il avait suivi la voie de sa famille, « sans se poser de questions », raconte sa petite-fille Marina Massiani.

« Notre famille a toujours eu des bêtes, donc c’était naturel pour lui d’être berger. Il a toujours vécu simplement, à l’ancienne. Il n’a jamais pris le virage de l’automatisation, il vivotait mais ça lui suffisait », explique-t-elle en reprenant : « Il a longtemps apporté du lait à la société Roquefort. Il vendait aussi des agneaux. Mais il est toujours resté dans une agriculture comme on la faisait avant ». 
 
Mais c’est surtout un autre don qui avait fait la renommée de celui que beaucoup connaissaient sous le surnom de Cruchjinu : celui de signadore. Un rôle qui lui tenait à cœur par-dessus tout. « Pour lui, c’était une vraie mission d’avoir ce don », confie sa petite-fille, « Nous avons ce don de guérisseur dans la famille. Les prières se transmettent, mais il y en a chez qui cela marche, tandis que chez d’autres non. Cela fait partie aussi du mystère de cette tradition orale. Mon grand-père, lui, avait vraiment un don extraordinaire. Il soignait tout le monde, les adultes, les enfants, les animaux, toujours avec beaucoup d’humilité. Et surtout, il n’a jamais accepté aucune somme d’argent pour cela ».
 
Dans l’arrière-salle du bar L’Opus à Aleria, où il passait souvent ses soirées, il signait sans rendez-vous, sans carnet, simplement au hasard des rencontres. Attirés par sa renommée gonflée par le bouche à oreille, certains venaient de loin, parfois de l’autre côté de la mer, pour bénéficier de ses prières. « Tous les soirs, il passait au bar après avoir fait ses courses et c’était improvisé. Il n’a jamais refusé de signer qui que ce soit, pourtant c’est vraiment un don de soi et cela puise en énergie. Et il l’a toujours fait avec le sourire, et avec humour et simplicité », se souvient sa petite-fille en soulignant qu’il est aujourd’hui impossible de quantifier le nombre de personnes qu’il a pu aider par son don. Outre guérir les maux, il a également aidé de nombreuses femmes qui éprouvaient des difficultés à tomber enceinte, à avoir un enfant. « Plus de 150 », selon Marina Massiani. « C’était vraiment sa prière à lui, plus confidentielle », sourit-elle. 
 

Désireux de perpétuer cet héritage, au fil des années, Antoine Carlotti avait accepté de transmettre une partie de ses prières, non sans prudence. « Il avait été déçu qu’une personne à qui il avait appris une partie de ses prières ouvre ensuite un cabinet », livre sa petite-fille. « Mais à la fin de sa vie, il avait accepté de partager ses prières avec quelques personnes. »
 
Une cagnotte pour aider la famille à couvrir les dernières démarches

Homme de caractère et de parole, profondément attaché à Aleria et à la Corse, Antoine Carlotti était aussi poète à sa manière. « Il n’avait pas été à l’école longtemps, mais il était très bon pour faire rimer les mots, jouer avec les sons et avoir l’esprit de répartie », sourit Marina Massiani. Ancien d’Algérie, marqué par les événements d’Aleria, il restait animé « par des valeurs simples, celles qu’on perd un peu aujourd’hui », témoigne-t-elle encore. 
 
Les obsèques d’Antoine Carlotti ont été célébrées dans la discrétion ce jeudi, « comme il l’aurait voulu ». Ses proches, touchés par l’immense vague d’hommages reçue depuis son décès, tiennent aujourd’hui à remercier tous les anonymes, la commune d’Aleria, son maire, le conseil municipal et le député François-Xavier Ceccoli pour leur soutien. « Nous avons été impressionnés par tout ce que nous avons reçu, il est impossible de remercier tout le monde », souffle Marina Massiani.
 
Afin de l’aider à financer ses obsèques, la famille d’Antoine Carlotti vient d’ouvrir une cagnotte en ligne et appelle ceux que son don a pu toucher à faire un geste. « Il n’avait rien prévu du tout, ce n’est pas quelque chose dont on parlait. Nous avons organisé des obsèques dans la hâte et très simples », indique-t-elle en ajoutant avoir ouvert cette cagnotte, « en guise de signe d'affection, pour permettre aux personnes qui le souhaitaient d'y participer ». Les dons permettront d’aider la famille à couvrir les dernières démarches, tout en prolongeant un peu l’élan de solidarité et d’affection suscité par celui dont le don a aidé tant de personnes.