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La chambre régionale des comptes épingle les Agences et Offices de Corse


Philippe Jammes le Mardi 25 Février 2020 à 15:31

La Cour des Comptes a publié ce mardi son rapport public annuel (voir ci-joint). Il comprend 22 chapitres, répartis en deux tomes, mettant l'accent sur les services rendus au travers des politiques publiques. Le tome 1 porte sur les finances publiques, les politiques et la gestion publique. Le second est consacré, pour la première fois, à une thématique transversale : le numérique au service de la transformation de l'action publique. Ce mardi, Jacques Delmas, président de la Chambre Régionale des Comptes de Corse, est revenu sur le chapitre du rapport public annuel de la Cour des comptes 2020 consacré aux agences et offices de Corse.



Jacques Delmas (à gauche), président de la Chambre Régionale des Comptes de Corse, est revenu sur le chapitre du rapport public annuel de la Cour des comptes 2020 sur les agences et offices de Corse.
Jacques Delmas (à gauche), président de la Chambre Régionale des Comptes de Corse, est revenu sur le chapitre du rapport public annuel de la Cour des comptes 2020 sur les agences et offices de Corse.

Ces  huit  agences  et  offices  de  Corse  ont  pour  la  plupart  été  institués par la loi du 13 mai 1991 portant statut de la Corse.
Chargés de  mettre  en  œuvre  les  politiques  publiques  décidées  par  la  collectivité  de  Corse,  à  laquelle  ils  sont  rattachés,  ces  Etablissements Publics  Industriels et Commerciaux (EPIC) ont peiné à trouver leur place dans le  cadre institutionnel insulaire.


Les rapports de la chambre régionale  des comptes Corse (CRC Corse) ont de manière récurrente critiqué le mode de fonctionnement des  agences et offices et souligné, pour plusieurs d’entre eux, l’inadaptation de  leur  statut.  En 2017, soit avant la fusion de la CTC et des départements de la Corse du-Sud et de la Haute-Corse, les effectifs budgétaires des agences et offices  constituaient près de la moitié de ceux de la Collectivité de Corse. Avec un total  de 664 salariés en 2018, ils représentent 15 % de ceux de la CTC.


Il  ressort  des  travaux  récents  de  la  Chambre Régionale des Comptes de Corse que  "leur  modèle  économique  s’avère contestable  et  que  leur  gestion  des  ressources  humaines  est  coûteuse . Dès  lors,  la reconfiguration  des  agences et offices paraît nécessaire".


« Il s’agit d’un rapport de longue haleine effectué depuis 2018 » explique Jacques Delmas. «On a voulu comprendre comment fonctionnaient ces agences et offices. Pourquoi 8 ?  Les plus-values apportées ? Le personnel ?. On a ainsi contrôlé tous les offices sauf l’office hydraulique. Par manque de temps mais aussi  parce qu’à nos yeux c’est le seul qui soit un véritable EPIC et on le fera plus tard ».


Ouvrons une parenthèse pour préciser qu’un EPIC est  normalement largement régi par le droit privé : son personnel est soumis en principe au Code du travail et s’assimile très largement aux salariés du secteur privé, et les contrats qu’il passe avec ses usagers relèvent du droit privé. Ce qui ne semble pas être le cas selon la Cour des Comptes. «On a constaté que pour la majorité des offices et agences, les règles de fonctionnements  s’apparentent plus à celles des fonctionnaires du public. Seuls 2 offices, l’Office Foncier de Corse et l’Office Hydraulique disposent de recettes commerciales comme cela doit être le cas. Les autres reçoivent des subventions importantes de la Collectivité de Corse. En 2018, ces subventions ont atteint 56 millions d’euros, soit 6% de ses dépenses. Ces  dotations  constituent  une  part  déterminante  des recettes  réelles  de  fonctionnement  de  ces  satellites  de  la  collectivité  de
Corse, puisqu’elles dépassent 85 % des recettes pour six des huit agences et offices. Deux  de  ces  établissements, ATC  et  OEC,  présentent  des  coûts  élevés de gestion des aides. Pour 1 € d’aide versé aux professionnels du  tourisme en 2018 par l’ATC, la collectivité de Corse a dû verser 2,20 €  à cette agence, soit des frais de gestion de 1,20 €. À l’OEC, les frais de  gestion  sont  de  50  centimes  pour  1 €  d’aide  versé  aux  acteurs  de l’environnement, en hausse de 25 % entre 2011 et 2018.».


Autre question qui taraude les magistrats de la CRC de Corse : Ces offices et agences ne sont-ils pas redondants ?
«On a remarqué que 3 des 6 offices contrôlés exercent  des  missions  qui recoupent celles des services de la Collectivité de Corse. Une clarification de la répartition des compétences respectives de la collectivité et de ses opérateurs est donc nécessaire. Il s’agit de l’Agence de l’Urbanisme, de l’Office de l’Environnement et de l’Office des transports ». Des activités qui ont forcement un coût. «Entre 2009 et 2019 le poids des charges pour la CTC a augmenté de 60 % pour les charges de personnel, 30 % pour les subventions d’exploitation versées par la tutelle et 20 % pour les effectifs » indique encore le président Delmas qui pointe une carence de pilotage de la Collectivité de corse. «Le contrôle  de tutelle n’est pas rigoureux, il n’y a pas de suivi même si ces dernières années on a noté une volonté de cadrage et de maîtrise ».


Selon la CRC de Corse «les  directeurs  des  agences  et  offices  ont  bénéficié de  conditions  particulièrement  favorables  de  recrutement,  en  contrat  à  durée  indéterminée,  et  de  rémunération,  à  hauteur  de  6 500  €  nets  mensuels. Six d’entre eux ont fait l’objet de licenciements entre 2010 et  2015, tous dans des conditions irrégulières. Le coût total des indemnités, allocations, des reconstitutions de carrière et des frais de justice s’élève à 1,3  M€.  Depuis  2017,  un  nouveau  statut  prévoit  un  alignement  de  leur gestion sur celle des hauts fonctionnaires territoriaux ».
Et la CRC de Corse de pointer une gestion des ressources humaines très avantageuse pour les salariés des agences et offices avec des salaires  supérieurs  à ceux  de la fonction publique territoriale et des promotions offrant des progressions salariales très avantageuses.


À titre d’exemple, la CRC Corse a constaté qu’au sein de l’OEC,  chaque  année,  un  tiers  de  l’effectif  voit  sa  rémunération  augmenter mécaniquement. Le coût de l’avancement s’élève pour la seule année 2015  à 130 000 €.  En plus des avancements automatiques à l’ancienneté, les salariés  des agences et offices peuvent bénéficier d’une promotion de grade ou de  catégorie, que celle-ci résulte de l’application du statut du personnel ou de la  volonté  de  la  direction.  Le  critère  de  la  mobilité  fonctionnelle  est quasiment toujours imposé par les dits statuts. En revanche, souligne la Cour des Comptes, «le mérite du salarié n’apparaît pas comme un critère déterminant  pour  bénéficier  d’une  promotion »…


La CRC pointe aussi la gestion de l’ADEC :  «Si on se projette dans l’avenir, le fait de l’augmentation de la masse salariale fait qu’en 2023, la subvention versée par la Collectivité de Corse, qui représente 91% des recettes de l’ADEC, ne suffira pas à payer la masse salariale » souligne J. Delmas. 
En conclusion, le décalage entre la nature administrative des agences et offices et leur statut d’EPIC, en fait de faux EPIC., est bien réel.
 «Cette  situation est à la fois  irrégulière et génératrice de surcoûts budgétaires » explique Jacques Delmas. « La  Cour  recommande  donc  de  la  faire  évoluer  en  substituant  la collectivité à certains opérateurs, en en transformant d’autres en EPA ou en harmonisant les statuts des personnels de deux offices qui resteraient des EPIC ».
 Ainsi pour l’OEC (office de l’environnement),  l’OTC (Office des Transports)  et  l’AUE (Agence de l’Urbanisme),  l’existence  de  compétences qui recoupent celles exercées par certaines directions de la  collectivité de Corse,  milite pour un rattachement de leurs  missions  respectives  à  celles  de  la  Collectivité  de Corse.
À  l’instar  de  la  substitution  de  la  collectivité  de Corse  à  l’OEC, l’OTC  et  l’AUE,  la transformation  en  EPA (Etablissements Publics Administratifs de certains EPIC serait source d’économies budgétaires; les personnels des EPA  seraient  soumis  aux  règles  de  gestion  des  ressources  humaines applicables  aux  agents  publics  :  rémunération  alignée  sur  celle  des fonctionnaires ; absence d’indemnités de départ à la retraite ; encadrement des règles de recrutement et de promotion.
Pour la CRC de Corse de telles économies pourraient être réalisées en fusionnant l’ATC (Agence du Tourisme) et l’ADEC (Agence de Développement) et en constituant le nouvel ensemble en EPA. Leur  fusion favoriserait, à terme, une  économie  de  dépenses  de  personnel  par  la  mutualisation  de  leurs fonctions administratives. D’autre part, il est également préconisé de transformer l’ODARC en EPA. Cet opérateur, dont la fonction essentielle porte sur la gestion des  aides agricoles au nom de la collectivité de Corse, ne perçoit quasiment  aucune ressource propre.


Enfin, Dans les cas de l’OEHC (Office Hydraulique) et de l’OFC (Office Foncier), le maintien du  statut d’EPIC peut  en  revanche  être  envisagé  en  raison  de  l’existence  d’importantes ressources  autres  que  les  subventions  d’exploitation  versées  par  la collectivité.
Si la Cour des Comptes ne préconise ni licenciements ni baisse de salaires, elle souhaite que la collectivité réfléchisse dès aujourd’hui au remplacement ou non des personnels. «Toutes nos propositions s’inscrivent dans le moyen ou le long terme » précise bien le président Delmas. «Ainsi en 2028, 28% des effectifs des offices et agences, soit 664 personnes, auront plus de 60 ans. L’idée est donc de réfléchir à leur remplacement ou non, ou bien si on recrute, de se poser la question d’une embauche avec un système aussi avantageux. Mais il faut le faire dès aujourd’hui ».


Le président a enfin évoqué les prochains contrôles : Les Chambres de Commerce et d’industrie, le chauffage urbain  et les déchets ménagers.
Voilà qui risque encore de faire couler beaucoup d’encre dans les prochains mois !    .