La Corse pourrait compter deux fois plus de seniors que de jeunes en 2070

L'étude vient tout juste de sortir et certains chiffres sont édifiants. Publiée ce jeudi 24 novembre au midi par l'INSEE, cette projection de population dévoile des chiffres et un constat sans appels : si les tendances démographiques de ces dernières années se poursuivent, l'île de beauté va prendre un sacré coup de vieux.

"Ce ne sont pas des prévisions, rassure tout de suite Antonin Bretel, statisticien à l'INSEE de Corse qui a piloté cette projection de population rédigée par Isabelle Tourtin-Battini. C'est une projection de la population à l'horizon 2070 que l'on a effectué en appliquant certaines hypothèses aux tendances démographiques mesurées sur la période antérieure, notamment celles de migrations avec l'étranger, de la natalité via l'indice de fécondité et de la mortalité au travers de l'espérance de vie."

Les chiffres donnés s'étalent sur la période de 2018 à 2070 et ont pour intérêt premier de donner des indications sur ce que représentent les tendances fortes actuelles, et la nécessité de prendre en compte certaines problématiques. "Ça permet de se positionner sur ce vers quoi on irait si on continuait à tracer nos droites, ce qui peut donner des idées de politiques publiques à mener, explique Antonin Bretel. Il faut quand même rester mesuré, car l'histoire récente nous montre que ces comportements peuvent évoluer très vite selon les contextes : la crise sanitaire, la guerre, l'évolution des températures..." 

Le nombre d'habitants de l'île, estimé à 338 000 au début de l'étude, pourrait avoisiner les 371 000 à l'horizon 2070 selon la projection. Mais cette évolution, qui était d'1,3% par an entre 1998 et 2018, va progressivement diminuer jusqu'à devenir négative à partir de 2060, amorçant donc un recul de la population insulaire.

Une situation qui découlerait en premier lieux du faible taux de natalité, corrélé à une baisse de 9% du nombre de femmes en âge de procréer pour atteindre les 33% en 2070. Sans oublier que l'indicateur conjoncturel de fécondité, à savoir le nombre d'enfants qu'une femme habitante de l'île aura au cours de sa vie passerait lui aussi en dessous de 1,5 enfant par femme. "Depuis 2013, on a plus de décès que de naissances dans l'île et l'évolution positive de la population ne se fait que par des migrations résidentielles, donc de personnes de l'extérieur, clarifie Antonin Bretel. La pyramide des âges grimpe donc mécaniquement : la base s'affine et le sommet s'élargit."

Ce vieillissement de la population insulaire - plus marqué que sur le continent - s'opère malgré un solde migratoire positif (+ 0,72%), c'est-à-dire que davantage de personnes rejoignent le territoire que ne le quittent, dont les deux tiers sont en âge actif, entre 20 et 64 ans. Ce qui veut dire que le solde naturel - différence entre naissances et décès - prendrait le pas, pour passer de -0,25% entre 2018 et 2030 à -0,74% entre 2060 et 2070. La Corse perdrait alors son leadership des régions les plus dynamiques démographiquement, basculant sur le podium derrière l'Occitanie et les Pays de la Loire. 

Moins dynamique car plus âgée, l'île verrait le nombre de résidents de 65 ans ou plus exploser de 78 500 en 2018 à 134 600 en 2070. La Corse aurait alors la population la plus âgée de tous les régions françaises, avec 23% de ses habitants ayant 75 ans ou plus à la fin de la projection menée par l'INSEE. L'âge moyen insulaire, actuellement de 44 ans, passerait à 52 ans.

De 110 seniors (65 ans et plus) pour 100 jeunes (moins de 20 ans) en 2018, le marqueur prendrait son envol, atteignant les 240 seniors pour 100 jeunes. Une situation qui se retrouve certes à l'échelle nationale, avec un impact moins prononcé, mais où le nombre de seniors pour 100 jeunes passerait de 83 à 148 sur la période. 

En découleraient directement un nombre grandissant de problématiques pour l'économie insulaire, le monde du travail ou encore la prise en charge du manque d'autonomie liée à l'âge avancé, par exemple. "Il y aura évidemment des conséquences sur de nombreux aspects dont il faut prendre la mesure si la tendance actuelle se poursuit, avertit Antonin Bretel. Des questions de services à la personne, des problématiques de logement puisqu'on ne loge pas de la même manière à 20 ans qu'après 60 ans..."

Plus vieille, la population devrait en revanche s'équilibrer en genre au fil du temps. En 2070, les hommes résidant en Corse pourraient avoir une espérance de vie de 87,6 ans, tandis que celles des femmes insulaires serait de 89,2 ans.