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La ComCom de Castagniccia-Casinca se porte candidate pour la reprise des Eaux d’Orezza


Nicole Mari le Jeudi 4 Octobre 2018 à 13:40

La concession attribuée à la Société nouvelle d’exploitation des Eaux minérales d’Orezza a pris fin le 23 août 2018. La Collectivité de Corse, désormais propriétaire du site depuis la fusion des Conseils départementaux, l’a prolongée d’un an, le temps de lancer un appel d’offres en novembre en vue d’établir une nouvelle convention censée mieux assurer les retombées économiques pour la microrégion et la Corse. Mardi soir, lors d’une réunion extraordinaire, la Communauté de communes de Castagniccia-Casinca a décidé, à la surprise générale, de poser sa candidature pour la gestion de ce site stratégique, de mettre en place une Commission ad hoc pour étudier le dossier et de donner mandat à son président, Tony Poli, pour le faire avancer.



Crédit photo Corse Net Infos.
Crédit photo Corse Net Infos.
Le secret était bien gardé et la proposition a pris les élus de court, en suffoquant même quelques-uns ! Convoqués mardi soir à 17 heures pour une réunion extraordinaire du Conseil communautaire de la Castagniccia-Casinca, lesdits élus ignoraient l’ordre du jour que le président Tony Poli avait refusé de divulguer pour garder le suspense. Il s’était borné à annoncer une grande surprise et un ordre du jour unique. Quelques minutes avant le début de la réunion qui se tenait à la Médiathèque de Folelli, la curiosité et les supputations allaient bon train. « C’est un mystère ! », avoue Ange Strafforelli, le maire de Silvareccio. « C’est une annonce par rapport au tourisme et au patrimoine, nous sommes en train de travailler dessus », croit savoir un de ses collègues. « Ça a peut-être un rapport avec la visite de la ministre » avance une autre élue communautaire. C’est dire si personne ne s’attendait dans la salle au « scoop » du président, ignorant qu’il était au même moment en train de prévenir les membres de son bureau, les seuls que l’annonce laissera impassible.
 
Une chance à saisir
A peine la séance ouverte, Tony Poli entre dans le vif du sujet : l’appel d’offres pour l’exploitation de la source des Eaux d’Orezza, auparavant propriété du département de Haute-Corse et, depuis le 1er janvier 2018, de la Collectivité unie. « Nous voulons proposer que notre Communauté de Communes se porte candidate pour gérer les eaux d’Orezza. Qui mieux que les élus du territoire peuvent savoir quoi faire sur cette microrégion de Castagniccia ! Il est important pour notre territoire de saisir cette occasion qui ne se présentera pas deux fois ». Parant d’avance les objections, il concède : « Notre budget est limité. Nous sommes peut-être la Communauté de communes la plus pauvre, mais je vous demande de nous emboîter le pas. J’espère que la Collectivité de Corse nous soutiendra dans notre démarche, une réunion est prévue dans quelques jours. Compte tenu de l’enjeu économique et touristique que représente l’exploitation des eaux d’Orezza pour la microrégion de Castagniccia et les retombées stratégiques potentielles d’une telle exploitation, on peut créer une Commission ad hoc pour étudier le dossier et discuter avec l’Exécutif… Pourquoi ne pas prendre notre destin en main et que les élus s’occupent eux-mêmes du territoire ! »
 
Un risque énorme
Le moins que l’on puisse dire est que le président Poli a réussi son coup : l’effet de surprise est total ! Dans la salle, le silence est de plomb. Les élus, notamment ceux d’Orezza-Castagniccia, sont abasourdis. La première à réagir sera la principale intéressée : Stella Pieri, la mairesse de Rapaghju, commune où surgit a sorgente sottana, la source ferrugineuse et carbogazeuse des Eaux d’Orezza, et qui abrite l’outil industriel permettant son exploitation. Choquée et sceptique, elle va droit au but : « Je suis très surprise ! Je ne m’attendais pas à ça ! Nous n’avons pas les compétences pour gérer une entreprise ! Il faut une expérience industrielle et s’appuyer sur des compétences pour exploiter les Eaux d’Orezza. Il y a 30 emplois à protéger. On ne peut pas faire n’importe quoi ! On ne doit pas prendre ce risque énorme avec une entreprise qui fonctionne, le risque de la pousser dans le mur ! Que faites-vous de l’outil industriel ? ». Ledit outil est, depuis le 18 décembre 1998, entre les mains de la famille Mora à travers la SNEEMO, la Société nouvelle d’exploitation des eaux minérales d’Orezza, qui entend bien continuer. La mairesse, qui n’apprécie guère d’être quasiment mise devant un fait accompli, argue aussi que les délais sont trop courts, à peine un mois avant le lancement de l’appel d’offres. « Prendre ce soir la décision de nous engager me paraît un peu rapide ».

Le bureau autour du président Poli.
Le bureau autour du président Poli.
Une étude de faisabilité
Le président Poli reconnaît volontiers que la Comcom n’a pas les compétences idoines : « Nous n’avons pas les moyens de gérer en interne. Il faudra s’attacher des professionnels. Il ne s’agit pas de mettre en péril l’outil industriel ». Mais pour lui, l’essentiel n’est pas là : « Le but n’est pas de gérer les eaux, mais de se positionner : est-ce qu’on se donne la chance de pouvoir gérer la structure ou pas ? ». Il avance une idée en apparence simple : faire une étude de faisabilité, étudier la possibilité de créer une SEM (Société d’économie mixte) avec un conseil d’administration composé d’élus, de mettre en place un partenariat entre plusieurs collectivités et de confier l’outil industriel à des professionnels. Et tente de rassurer : « Les élus donneront la ligne politique et s’assureront que les retombées profitent bien au territoire. Ils ne peuvent pas toujours se plaindre, il faut aussi qu’ils s’impliquent. Il faut tenter le coup, relever le défi ! Si dans un mois, c’est mission impossible, on abandonne… ».

Un défi à relever
Relever le défi séduit certains élus. Le maire de Penta-di-Casinca, Yannick Castelli, y souscrit : « Les élus, que nous sommes, ne donneront que le cap, la gestion quotidienne sera faite par des professionnels. Même si le délai est court, je pense qu’il faut que nous ayons des ambitions. C’est une ambition très haute, mais les Eaux d’Orezza font partie de notre histoire et de notre patrimoine. C’est une idée à creuser. On verra bien si ça marche… ». Paul-Jean Emmanuelli, le maire de Piazzole d’Orezza, salue « une initiative courageuse ». Il estime que « les maires doivent être consultés sur les projets d’éventuels repreneurs » et « associés à ce processus dont les conséquences seront déterminantes pour l’avenir de leurs communes et de la vallée d’Orezza, et la défense de leur village, abandonné par les politiques publiques depuis des décennies et, aujourd’hui plus que jamais, menacé d’extinction. Nous souhaitons que cet outil profite à cette région. Aujourd’hui, ce n’est pas le cas. Ce n’est pas parce qu’il y a les Eaux d’Orezza que nous avons un meilleur réseau routier, que nous avons la téléphonie mobile et la fibre. Nous n’avons pas grand chose ! ». Il avance l’idée d’un partenariat avec l’actuelle gérante, Mme Mora.
 
Peser dans la balance
Pour les élus des petites communes de l’intérieur qui tirent, pour certains depuis des années, le diable par la queue, l’offre, si hasardeuse soit-elle, est tentante. C’est une opportunité inédite de se faire entendre et de peser dans la balance. « Je suis partisan de l’implication des élus, surtout de l’intérieur, dans cette valorisation du potentiel de leur territoire. Il faut qu’ils jouent le jeu. C’est une bonne occasion de mettre en place une Commission qui réfléchit dans un calendrier court sur le développement de l’intérieur. Nous n’avons rien à perdre et tout à gagner. C’est l’occasion de se mobiliser », lance le maire de Verdese, Francis Pomponi. C’est également l’avis du maire de Scata, Joseph Pastini : « Se positionner n’engage à rien, ça permet d’être dans le jeu, de peser dans les discussions. On attendra l’étude pour prendre une décision. Mais, pour une fois qu’on est impliqué et qu’on peut peser sur quelque chose qui concerne principalement la microrégion, qu’est-ce qu’on risque à laisser le président discuter ? ».
 
Un projet à négocier
Toujours aussi réticente, Stella Pieri demande au président Poli de prendre langue avec le président de l’Exécutif territorial et la Collectivité de Corse. Ce que Tony Poli s’engage à faire « immédiatement » après le vote de la délibération entérinant la candidature de la Comcom et la création de la Commission ad hoc. La délibération est adoptée à une grande majorité. Aucun vote contre, seulement trois abstentions. Dans la foulée, les membres de la Commission sont désignés. Le prochain acte se jouera le 10 octobre devant la Commission du développement économique de l’Assemblée de Corse qui auditionnera les maires de la microrégion à Rapaghju. La réunion, programmée antérieurement, s’inscrit dans le cycle de discussions voulues par l’Exécutif territorial en vue d’associer toutes les parties prenantes au cahier des charges du prochain appel d’offres. La Commission est missionnée pour produire un rapport sur les retombées économiques directes et indirectes souhaitées pour la région de Castagniccia et la Corse toute entière. La réaction des élus territoriaux face à cette initiative des élus locaux promet d’être savoureuse…
 
N.M.

Les élus communautaires de Castagniccia-Casinca.
Les élus communautaires de Castagniccia-Casinca.
La Commission ad hoc composé de 14 membres
 
  • Président : Emilie Albertini-Franceschi, maire de Carchetu è Brusticu
  • Stella Pieri, maire de Rapaghju
  • Joseph Pastini, maire de Scata
  • Francis Pomponi, maire de Verdese
  • Sauveur Vallesi, maire d’U Pianu
  • Alex Gambotti, maire de Ficaghja
  • Paul-Jean Emmanuelli, maire de Piazzole d’Orezza
  • Marcel Ferrari, maire de Carpinetu
  • Fernand Vincentelli, maire de Casabianca
  • Pierre-Jean Stefani, maire d’U Pedipartinu
  • Tony Poli, président de la Comcom Castagniccia-Casinca et adjoint à la mairie d’A Venzulasca
  • Claude Pinson, adjoint à La Porta
  • Julien Battesti, adjoint à E Valle d’Orezza
  • Antoine Berlinghi, adjoint à Campana