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L'astronaute Claudie Haigneré à Bastia : "J'ai vécu une aventure humaine absolument fantastique"


Philippe Jammes le Samedi 17 Juin 2023 à 11:02

Après Thomas Pesquet, Laurence Monnoyer-Smith, Géraldine Naja ou encore Francis Rocard, A Casa di e Scenze di Bastia clôturera samedi 24 juin son cycle de conférences autour de la conquête spatiale en recevant Claudie Haigneré, ancienne ministre et astronaute de l’Agence Spatiale Européenne. Elle proposera un tour d’horizon sur la conquête spatiale, sur son expérience et sur l’avenir de cette exploration incarnée par la récente sélection d’astronautes de l’ESA.

En amont de cette balade dans l’espace, CNI a rencontré Claudie Haigneré, première française à être aller dans l’espace et la première européenne à rejoindre l’ISS, la station orbitale internationale.



​Claudie Haigneré
​Claudie Haigneré
- Vous avez commencé votre carrière scientifique en tant que médecin rhumatologue à l’hôpital Cochin de Paris. Qu'est-ce qui a inspiré votre passion pour l'espace ?
- J'ai un rêve qui s'est installé dans ma tête quand j'avais douze ans, en juillet 69, quand j'ai vu le premier pas sur la Lune à la télévision. Ça a été un grand moment de fascination pour moi dans ma tête d'enfant. Ensuite, j'ai continué à nourrir tout cet imaginaire en lisant, en regardant des documentaires, en passant à la science-fiction. C'était très présent dans ma tête mais à l’époque n’existait pas d'école d'astronautes. En plus, les astronautes de l'époque de 1969 étaient tous des militaires, des pilotes d’avion. Je me suis donc dirigé vers la médecine. Un jour, alors que j’exerçais mon activité de médecin rhumatologue à l'hôpital Cochin, j'ai eu la chance de tomber sur cet appel à candidatures du CNES, l'Agence Française de l'Espace, qui recrutait des astronautes avec des profils très différents puisqu'ils recherchaient des chercheurs, des médecins, des ingénieurs, des gens qui avaient un doctorat pour mener à bien des programmes scientifiques à bord des stations. Pour moi, c'était la rencontre de ce rêve d'enfant avec cette opportunité. Pour moi, c'était une évidence. Il fallait que je candidate. Après avoir rempli le dossier j’ai eu la chance d'être sélectionnée.

-  Quels ont été les moments marquants de votre parcours spatial ?
- Sélectionnée en 1985, je suis partie à l'entraînement à la Cité des Etoiles, près de Moscou, en 1992 et j’y suis restée jusqu’en 2001. J'ai alors participé à deux missions spatiales, dans deux stations spatiales différentes. Jusqu'en 96, j'ai volé à bord de MIR, la station russe, et en 2001, j'ai volé à bord de la Station Spatiale Internationale. L’aboutissement de longues années d'entraînement et de préparation. J'ai vécu une aventure humaine absolument fantastique. On a démarré avec de la coopération bilatérale entre la France et la Russie, puis ça s'est ouvert à l'Europe, ça s'est ouvert aux Etats-Unis avec la construction de la Station Spatiale Internationale. Sur le plan de l'opérationnel, des ingénieurs, de la coopération, c’était quelque chose de très fort à vivre sur le plan de l'aventure humaine. Une aventure magnifique.

- Pouvez-vous nous parler de votre venue à Bastia et de votre participation à la conférence ?
- Je suis très heureuse de venir à Bastia et cette conférence du 24 juin entre dans le cadre de tout le programme qui a été proposé par A Casa di e Scenze depuis plus d'un an, avec plein de conférences fantastiques. Ce qui est super aussi, c'est que dans tout ce cycle qui a été organisé, il y a eu vraiment plein de choses pour inspirer et attirer les jeunes en particulier mais aussi leurs parents ou grands-parents à la science avec des ateliers, des films, des constructions de robots, le planétarium, plein de choses qui sont de l'éveil scientifique. Un programme vraiment très très complet et je suis très admirative de ce qui a été proposé

- Quel est le thème de votre conférence à Bastia et quelles sont les idées principales que vous souhaitez partager avec le public ?
- J’arrive à la fin de ce cycle et j'ai proposé à Bertrand Thibault, le directeur de cette Maison des sciences, de prendre un petit peu de distance. Je vais commencer par raconter mon expérience personnelle. Thomas Pesquet qui était l'invité d'honneur il y a quelques mois ici même est déjà rentré un petit peu sur ce qu'il a vécu. Moi aussi je vais raconter ce que j'ai vécu et aussi comment ça s'est transformé. Il y a eu en effet beaucoup de changements entre le XXᵉ siècle et le XXIᵉ siècle. J’évoquerai les nouveaux partenaires, les nouveaux acteurs, les nouveaux enjeux, les nouvelles responsabilités. Il est important de faire prendre conscience qu'il y a aujourd’hui plein de métiers, plein de domaines qui sont concernés par l'espace. Il y a bien sûr les ingénieurs, les chercheurs, les opérationnels des centres de contrôle. Mais aujourd'hui, on se pose des questions sur la régulation car il y a plein de satellites dans l'espace. C'est le bazar !  On parle de débris spatiaux, on parle d'aller extraire des ressources sur des corps célestes. Et tout ça au XXᵉ siècle, on n’en parlait pas et c’est aujourd’hui d’actualité. Donc il y a plein de nouveaux métiers, et je les évoquerai aussi comme cette nouvelle génération d’astronautes de l'Agence Spatiale Européenne.

- On reparle beaucoup de la Lune et de Mars, quels sont les projets actuels concernant ces deux planètes ?
- Il y a en effet la destination Lune avec le programme Artemis et c'est pour très bientôt : 2024, 2025, 2026. Donc c'est maintenant. J’évoquerai aussi Mars et même si récemment Francis Rocard l'a fait dans sa conférence. Là, on n’est pas encore tout à fait prêt à y faire de l'exploration habitée. Il y a quand même encore pas mal de petits problèmes technologiques, médicaux, opérationnels, mais ça fait partie du chemin. Et il y un point sur lequel je m’arrêterai particulièrement, c'est quelle place l'Europe veut-elle jouer dans l'exploration spatiale? C'est un sujet important qui est discuté, un sujet politique. Et alors qu’on vient d’assister au dernier tour d’Arianne 5 !

-  Comment les acteurs privés influencent-ils le domaine spatial ?
- Effectivement la présence d'acteurs privés est aujourd'hui de plus en plus grande et cela va apporter des innovations, de nouvelles façons de faire et qui vont diminuer le coût des choses, de l'accès à l'espace. Ça donne une nouvelle impulsion. En ce qui concerne l'exploration spatiale habitée, ça fait plus de 20 ans qu'on utilise la Station Spatiale Internationale, qu'elle est habitée en permanence, qu'on y fait des recherches tout à fait remarquables dans un laboratoire où il n'y a pas l'effet de la gravité. Et il y a des acteurs privés qui commencent à être intéressés par l’utilisation des stations spatiales en orbite. Ça va permettre aux grandes agences spatiales de libérer du budget pour repartir vers des destinations plus lointaines. Deuxième point à souligner : On est entré dans une course entre la Chine et les Etats-Unis et j’en reviens à ce que je vous disais : il est grand temps que l'Europe se pose la question de savoir si elle est partenaire de l'un ou de l'autre ou si elle souhaite être plus autonome dans ses décisions. 

- Revenons sur terre… la Corse ?
- Elle est magnifique, vue depuis l'espace. C'est un grand bonheur quand on passe en orbite au-dessus et qu'il n’y a pas de nuages. C’est magnifique car on peut la mettre tout entière dans l'objectif. On a une chance extraordinaire en France d'avoir une telle diversité de paysages et de cultures. Parce qu'il y a une spécificité de la culture corse qui est un bonheur, une culture dotée de plein d'atouts.
 

Infos ++

La conférence se déroulera à quelques pas de la Maison des Sciences, au Centre Culturel l’Alb’Oru à 15h donc le samedi 24 juin. 

Le thème en sera « Les vols spatiaux habités: expérience de vie et de recherche à bord des stations en orbite basse et au-delà ».


Conférence tout public – Tarif unique de 2€
Réservation au 04 95 55 9671
casadiescenze@bastia.corsica