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L’Université de Corse développe des solutions naturelles contre la Tapinoma Magnum


le Dimanche 15 Juin 2025 à 18:50

Afin de limiter l’expansion de cette petite fourmi devenu le cauchemar de nombreux Corses, le laboratoire chimie des produits naturels de l’Université de Corse travaille actuellement sur deux projets innovants et prometteurs




(Photo : Office de l'Environnement de la Corse)
(Photo : Office de l'Environnement de la Corse)
Elle envahit les cultures, jardins, et même les maisons au grand dam des agriculteurs et habitants qui se trouvent sur son chemin. Depuis quelques années, la Tapinoma Magnum ne finit pas de faire parler d’elle. Désormais présente quasiment partout en Corse, cette petite fourmi qui mesure entre 1 et 3 mm y a entrepris une véritable invasion, depuis son arrivée dans les années 1970, tout droit importée du sud de la Méditerranée. Sans qu’une solution n’ait encore été trouvée pour enrayer l’expansion de ses colonies sur l’île. Si les insecticides classiques fonctionnent en effet sur le moment sur la Tapinoma Magnum, ils déciment dans le même temps les colonies d’autres fourmis, réduisant ainsi sa concurrence, et ont au final tendance à renforcer sa présence sur le long terme, du fait de son impressionnante rapidité de reproduction. Afin de pouvoir agir plus spécifiquement sur cette espèce, au sein de l’Unité Mixte de Recherches science pour l’environnement de l’Université de Corse, le laboratoire chimie des produits naturels s’est engagé dans un projet qui pourrait enfin permettre de freiner cette colonisation qui met les nerfs de ceux qui la subissent à rude épreuve. 
 
« Depuis 2018, nous nous intéressons au développement de solutions naturelles issues des plantes, comme alternatives aux substances phytosanitaires. Dans un premier temps, nous avons cherché à développer des insecticides contre les nuisibles des vergers d’agrumes dans le cadre d’un programme de recherches appelé Protect’Agrumes. C’est comme cela que nous en sommes venus à nous intéresser à la Tapinoma Magnum », explique Alain Muselli, directeur du laboratoire chimie des produits naturels à l’Université de Corse. Si au départ la Tapinoma Magnum ne représentait qu’un tiers du travail des chercheurs, un projet a été recentré sur la fourmi en 2022, en collaboration étroite avec l’Office de Développement Agricole et Rural de la Corse (Odarc). « Avec deux personnels mis à disposition par l’Odarc - un ingénieur et un doctorant qui a débuté sa thèse en novembre 2024 - nous avons monté une collection d’extraits dans laquelle nous disposons actuellement de plus de 300 échantillons, principalement d’huiles essentielles issues de plantes aromatiques corses, d’hydrolats et d’extraits de plantes qui ne sont pas forcément aromatiques ou médicinalesC’est dans cette extractothèque que nous allons puiser pour trouver des solutions insecticides contre la Tapinoma Magnum », indique le scientifique en déroulant : « Nous avons monté un protocole de tests insecticides et nous sommes en train de tester tous ces échantillons à la recherche de la perle rare. Nous avons la volonté de développer un biocide qui serait sélectif. C’est quelque chose de très complexe. Pour le moment nous cherchons déjà des molécules ou des mélanges qui sont actifs contre la Tapinoma en particulier. Il faudra ensuite qu’on arrive à un dispositif qui ne gênerait pas les espèces végétales et les vergers que l’on souhaite protéger ». Dans cette optique, concomitamment aux tests insecticides, les chercheurs s’astreignent également à mener des protocoles de phyto-toxicité des huiles essentielles sur des semences potagères. 
 
Deux projets prometteurs qui témoignent de la dynamique de la recherche de l’Université de Corse
 
Un projet prometteur sur lequel les chercheurs ont déjà bien avancé et qui pourrait bien intéresser au-delà des frontières de l’île, tant la Tapinoma a étendu sa présence sur des territoires de plus en plus nombreux. « Nous avons déjà développé quatre solutions avec des cinétiques d’action très importantes qui arrivent à décimer une population de 20 à 40 fourmis en 30 minutes », dévoile Alain Muselli. « Nous avons donc déposé une demande d’invention et pris contact avec des professionnels car notre objectif est d’une part de protéger ces résultats, mais aussi ensuite d’aboutir rapidement à un produit qui est commercialisable », ajoute-t-il. Toutefois, pour le directeur du laboratoire de recherches, il est aujourd’hui difficile de dire d’ici combien de temps le produit miracle pourrait se retrouver sur le marché. « Avec l’Odarc, nous cherchons vraiment à développer un produit pour les agriculteurs, donc qui va s’inscrire en tant que produit phytosanitaire. Or pour avoir un produit stable et obtenir les autorisations d’utilisation, cela prend beaucoup plus de temps que si l’on voulait faire un biocide utilisable par tout un chacun », indique-t-il en précisant espérer une commercialisation d’ici 5 ans. « Nous ne nous interdisons pas également de pouvoir mettre sur le marché un produit biocide utilisable par tout un chacun », pose-t-il par ailleurs. 
 
De plus, en parallèle de cet insecticide, le laboratoire de chimie des produits naturels de l’Université de Corse travaille également sur une autre solution pour freiner les ravages de la Tapinoma Magnum. « Les fourmis sont des insectes sociaux qui communiquent entre eux, notamment par des phéromones. Nous travaillons sur une autre approche plus délicate qui consiste à développer un mélange mimétique synthétique qui serait produit en laboratoire et qui pourrait brouiller cette communication chimique pour dérouter les fourmis. L’idée c’est de les leurrer afin de les envoyer vers des appâts insecticides ou vers des espaces où elles seront moins gênantes », détaille Alain Muselli. 
 
Deux projets innovants qui viennent une nouvelle fois démontrer la belle dynamique des laboratoires de recherches de l’Université de Corse. « Nous essayons de répondre aux problématiques sociétales », sourit Alain Muselli. « Nous travaillons aussi avec l’Odarc sur d’autres types de nuisibles comme la cicadelle dans les vignes », confie-t-il.