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L’Ochju Corsu, le compte parodique qui utilise l’intelligence artificielle pour créer des fake news


Léana Serve le Samedi 4 Octobre 2025 à 20:24

Depuis un an et demi, un créateur corse détourne l’intelligence artificielle pour produire de fausses actualités locales sur les réseaux sociaux. Arrêté préfectoral contre les photos de paysages, interdiction de faire des châteaux de sable ou animaux coincés sur des balcons : ses vidéos, volontairement absurdes, circulent massivement en ligne et cumulent plusieurs millions de vues.



Sur les réseaux sociaux, L'Ochju Corsu utilise l'intelligence artificielle pour créer des vidéos humoristiques
Sur les réseaux sociaux, L'Ochju Corsu utilise l'intelligence artificielle pour créer des vidéos humoristiques

Interdiction de faire des châteaux de sable, arrêté préfectoral contre les photos de paysages, animaux coincés sur des balcons… Sur les réseaux sociaux, les vidéos de L’Ochju Corsu font souvent le tour de la toile. Derrière ce compte humoristique se cache un Corse qui détourne l’intelligence artificielle pour créer de fausses informations locales, parfois absurdes. Une aventure qui a débuté il y a un an et demi, un peu par hasard. “Je trainais beaucoup sur les réseaux sociaux, mais je travaillais dans le bâtiment. Lorsque j’ai fait une reconversion professionnelle et une formation dans le digital, j’ai découvert l’IA, et je me suis dit qu’il y avait moyen de faire quelque chose de décalé”, explique-t-il. Photographe amateur, il récupère son compte dédié à la photographie de la Corse pour se lancer dans la création de vidéos réalisées avec de l’intelligence artificielle.
 

S’il commence à publier ses vidéos “pour utiliser l’IA et pour amuser la galerie”, très vite, le ton parodique séduit. “J’ai vu que ça marchait et que j’avais des réactions plutôt positives alors je me suis pris au jeu.” Le créateur enchaîne les vidéos, poussant parfois le concept plus loin avec des deepfakes de personnalités politiques, une technique visant à superposer des parties d'images, de vidéos ou de fichiers audio existants sur d'autres fichiers, notamment pour reproduire la voix d'une personne afin de lui faire dire des choses inventées. “Je leur faisais dire n’importe quoi, et ça m’a même valu de passer au 20h. C’est vraiment ce qui m’a propulsé, j’ai gagné beaucoup d’abonnés et je faisais des millions de vues. Mais j'ai vite arrêté, parce que j’avais peur que mon compte soit bloqué. Du moment qu’on touche à la politique, ça peut vite ne pas plaire. Alors je me suis dit que j’allais rester dans ce que je faisais, c'est-à-dire des informations parodiques.”
 

Toutes ses vidéos partent d’une idée, griffonnée sur un carnet. “Je note tout ce qui me passe par la tête, et ensuite j’essaie de construire autour”, détaille-t-il. Pour donner vie à ses vidéos, il utilise quatre logiciels d’intelligence artificielle : un premier pour générer des images photoréalistes, un deuxième pour les animer, un troisième pour créer la voix-off, puis un dernier pour monter l’ensemble. “Une vidéo peut être prête en une heure quand tout est clair, mais parfois je mets deux jours à trouver l’idée. Le plus dur, c’est ça : avoir une idée qui fait réagir.” Pour que l’image corresponde au résultat imaginé, chaque détail compte, comme le fond, la lumière, la mise en scène. “Ce n’est pas juste taper une phrase et attendre que ça sorte. Il faut vraiment penser à son prompt.”
 

Face à des vidéos souvent absurdes, les réactions ne se font pas attendre. Si beaucoup rient, commentent et partagent, certains tombent aussi dans le panneau. “Il y a des gens qui croient vraiment que ce sont de vraies informations. Pourtant, je précise toujours que c’est parodique, et quand on regarde bien, on voit que c’est de l’IA. Mais certains foncent tête baissée.” L’interdiction de faire des châteaux de sable sur la plage ou encore l’idée d’un arrêté préfectoral interdisant les photos de paysage ont par exemple déclenché une vague de commentaires. “Je suis mort de rire quand je lis certains messages, ça peut me faire toute ma soirée. Il y en a qui s’énervent contre le gouvernement, alors que c’est totalement inventé, comme l’interdiction de faire des châteaux de sable. Bon, il me semble que c’est le cas sur certaines plages italiennes, mais pas chez nous !”
 

Au fil du temps, L’Ochju Corsu a élargi son terrain de jeu. S’il reste très attaché à la Corse, il s’amuse aussi à créer des vidéos dans d’autres régions, comme cette vache sur un balcon à Rennes ou un cheval à Marseille, qui cumule plusieurs millions de vues. “J’avais envie de toucher d’autres publics. Et puis, ça fait plaisir aux gens de voir leur région détournée avec humour. J’ai reçu plusieurs commentaires de Bretons après ma vidéo sur la vache. Ça me permet aussi d’élargir les possibilités, parce que si je reste sur la Corse, je tourne vite en rond. Ça ouvre le champ des idées.”

Derrière le ton léger, le créateur garde pourtant un regard lucide sur les outils qu’il utilise. “Je m’en amuse, mais je me rends bien compte du danger. Quelqu’un de mal intentionné pourrait faire croire n’importe quoi à n’importe qui. L’IA peut aller très loin. Et ce que je vois, c’est que beaucoup de gens consomment l’image sans se poser de questions.” Malgré tout, il continue, encouragé par sa communauté fidèle et l’envie d’apporter une touche d’humour au quotidien. “Je sais que je fais sourire des gens et que je leur apporte de la bonne humeur. Moi, ça m’occupe, ça m’amuse, et comme je suis rémunéré sur TikTok, ça me permet de financer mes logiciels. Tant que j’ai des idées, je continue.”