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L’Assemblée de Corse rejette une motion de soutien au Permis de conduire


Nicole Mari le Vendredi 21 Décembre 2018 à 22:47

C’est une motion déposée par le groupe Per l’Avvene et rejetée par la majorité territoriale. Son objet : la mise en place d’un dispositif de soutien à l’obtention du permis de conduire pour des jeunes en situation de précarité et dont le manque de mobilité constitue un handicap professionnel. Si le principe fait l’unanimité, l’Exécutif le récuse sur le moment, expliquant qu’il entend l’intégrer, plus tard, dans son Pattu per a Ghjuventu. Des arguments que Jean-Martin Mondoloni, président du groupe Per l’Avvene, juge peu convaincants. Il explique à Corse Net Infos que l’un n’exclut pas l’autre et avoue son incompréhension.



Jean-Martin Mondoloni, président du groupe Per l’Avvene à l'Assemblée de Corse. Photo Michel Luccioni.
Jean-Martin Mondoloni, président du groupe Per l’Avvene à l'Assemblée de Corse. Photo Michel Luccioni.
- Quel est le problème ?
- Le problème vient du décor que nous connaissons tous et qui, hélas, reste figé avec un chiffre qui fixe les esprits : 20% des gens vivent en Corse sous le seuil de pauvreté. Quasiment un quart de la population vit avec moins de 1000 € par mois. Ce qui fait de nous la région et les départements, lorsqu’ils existaient, les plus pauvres de France. Partant de là, on ne peut, aujourd’hui, s’enrichir que si on trouve un emploi, et on ne peut trouver un emploi qu’à certaines conditions. La Corse se distingue, aussi, par le taux de non-employabilité des plus jeunes, c’est-à-dire la tranche 20-30 ans, et un taux moyen de chômage de 11 %. Parmi les causes de difficultés d’accès à l’emploi est posé très clairement le problème de la mobilité.
 
- C’est-à-dire ?
- Un jeune a besoin d’être mobile. Sur un territoire insulaire constitué de reliefs, confronté aux carences des transports en commun, trouver un emploi passe nécessairement par la capacité à se déplacer, donc d’avoir un véhicule. Mais pour avoir un véhicule, encore faut-il disposer du permis de conduire ! Le coût d’un permis de conduire, code compris, peut aller de 700 € jusqu’à 1400 €. Les jeunes Corses, qui débutent dans la vie active, ne disposent pas, tous, de cette somme.
 
- N’existe-t-il pas déjà un dispositif d’Etat pour y remédier ?
- Oui ! Le dispositif du « permis à 1 euro par jour », mis en place par l’Etat, consiste à octroyer des facilités de paiement, un établissement bancaire avançant la somme et l’Etat payant les intérêts. Mais ce dispositif a trouvé ses limites du fait qu’il nécessite le cautionnement des parents et un remboursement bancaire rapide. Mais si les jeunes ont besoin de cette aide, c’est que leurs parents n’ont pas les moyens de payer, ils n’ont pas plus les moyens de se porter caution ! Ces limites ont été authentifiées comme attentatoires au bon fonctionnement de cette mesure. Cela a conduit des territoires, tels que les Hauts-de-France, à mettre en place des dispositifs plus adaptés et régis localement, que la Collectivité de Corse pourrait légitimement expérimenter.
 
- De quoi s’agit-il exactement ?
- L’idée est que la Collectivité de Corse prenne le relais et joue le rôle d’un organisme de prêt en avançant, aux jeunes âgés de 16 à 30 ans, une somme forfaitaire de 1000 €. Il ne lui en coûtera rien. Cette somme sera versée sous certaines conditions de revenus et sous condition que les intéressés puissent témoigner d’une résidence en Corse. Il faut concrètement créer les conditions pour que le fait de disposer ou pas d’un permis ne soit plus un obstacle pour obtenir un emploi.
 
- Comment l’Exécutif a-t-il accueilli votre demande ?
- Il apparaît qu’en dehors des positions de principe et en termes de méthode, l’Exécutif souhaite englober ce dispositif dans u pattu di a ghjuventu (Pacte pour la jeunesse) que nous avons adopté, il y a quelques mois, à l’unanimité et que nous continuons à partager de façon unanime. Mais la partie n’est pas exclusive du tout ! Le fait d’adopter une mesure singulière, aujourd’hui, n’est pas attentatoire à la nouvelle idée dans l’offre qui sera proposée, le moment venu, par l’Exécutif.
 
- N’acceptez-vous pas cet argument ?
- Non ! C’est un argument que nous ne pouvons pas recevoir ! Nous avons, donc, maintenu, la motion en l’état. C’est un mauvais signal que donne l’Exécutif ! Pour des raisons de méthode, il fait abstraction de cette mesure qui nous semble aller dans le sens de ce que, de façon très contestataire et exacerbée, nous avons vécu ces derniers jours, concernant la contre-propension de la puissance publique à aider les plus démunis, les publics les plus en difficulté.
 
- Y-a-t-il urgence ?
- L’urgence est permanente ! On ne peut pas dire qu’il y a urgence et lorsqu’il y a des propositions qui visent à satisfaire, de façon partielle, la difficulté et l’urgence, les repousser aux calendes grecques.
 
Propos recueillis par Nicole MARI.