Corse Net Infos - Pure player corse

L’Assemblée de Corse demande la suppression des taxes sur la création des titres de propriété


Nicole Mari le Jeudi 27 Décembre 2018 à 21:22

L’Assemblée de Corse a voté, à l’unanimité, lors de la dernière session de l’année, une motion demandant la suppression de quatre taxes dans le cadre de la création de titres de propriété de biens situés en Corse et de taxes liées à l’attestation immobilière, acte permettant la mutation des biens. Une motion déposée par Me Annette Pieri, notaire et conseillère territoriale du groupe Per l’Avvene. Elle explique, à Corse Net Infos, les raisons et les enjeux d’une telle demande qui vise à résorber le désordre foncier et à encourager les propriétaires à reconstituer leurs titres de propriété.



Annette Pieri, notaire et conseillère territoriale du groupe Per l’Avvene à l’Assemblée de Corse.
Annette Pieri, notaire et conseillère territoriale du groupe Per l’Avvene à l’Assemblée de Corse.
- Qu’est-ce qui motive une telle motion ?
- Le 22 novembre dernier, le notariat de Corse a été interpelé par le ministre de l’économie, Bruno Le Maire, sur la procédure de titrement et son coût pour l’usager. Il a dit qu’il fallait que la création de titres de propriété coûte le moins cher à l’usager, qu’elle soit la plus abordable possible. Ce coût dépend de la valeur du bien, mais est surtout fonction du nombre de taxes attachées à la procédure de titrement et perçues par l’Etat. La motion, que j’ai portée et qui a été adoptée à l’unanimité par l’Assemblée de Corse, demande solennellement au gouvernement de neutraliser l’ensemble de ces taxes. Cette demande devrait être prise en compte à la faveur de la Loi de finances rectificative.
 
- Quelles sont ces taxes que paye l’usager ?
- Quand on crée un titre de propriété, l’Etat perçoit un certain nombre de taxes : les taxes sur la publicité foncière qui représentent 0,75 % de la valeur du bien, une contribution à la sécurité immobilière qui atteint 0,10 % de la valeur du bien, une TVA (taxe sur la valeur ajoutée) de 20 % et un certain nombre de documents, que nous demandons à la conservation des hypothèques, du lieu de situation du bien. Ce sont les fameux états hypothécaires qui sont payants pour l’usager et peuvent coûter jusqu’à 1000 €. C’est très cher !
 
- Quel est leur intérêt ?
- La conservation des hypothèques est comme une grande bibliothèque où sont recensés tous les titres de propriétés des usagers. Un notaire l’interroge pour vérifier comment l’usager est propriétaire : par donation, par succession, par titre… Quand on fait une création de titres, on vérifie qu’il n’existe pas déjà un titre de propriété. Quand on publie un acte de création de titres, on verse ces taxes à la conservation des hypothèques, taxes qui vont directement à l’Etat. Le problème est qu’aujourd’hui, on se trouve confronté à des biens qui ont une valeur vénale inférieure aux frais d’actes attachés.
 
- D’autres taxes peuvent-elles être neutralisées ?
- Oui ! Nous demandons également que les taxes sur les actes de succession soient neutralisées. Notamment les taxes sur l’attestation immobilière, qui est le premier acte de succession que nous établissons après la création de titres : à savoir un droit fixe de 125 € et une contribution à la sécurité immobilière. Prenons des exemples simples : Pour une création de titres d’une valeur de 400 000 €, l’impact des taxes perçues par l’Etat dépasse 70% ! C’est énorme ! Sur une valeur de 15 000 €, l’honoraire du notaire est de 91 €, le reste représente les taxes perçues par l’Etat. Pour un titrement de 35 000 €, l’usager paye près de 2000 €, le notaire ne perçoit que 170 € de cette somme, le reste va à l’Etat.
 
- Y aurait-il d’autres frais à supprimer ?
- Un autre poste important est l’insertion dans le journal. Quand on crée un titre de propriété, on fait une insertion dans la presse pour l’opposabilité aux tiers. Dans le cadre de la circulaire Badinter, le notariat de Corse avait conventionné avec les deux quotidiens régionaux pour forfaitiser cette insertion dans les annonces légales. L’usager payait 50 à 100 francs par insertion, quelque soit la longueur de celle-ci. Aujourd’hui, l’insertion est payée à la ligne. Par exemple, l’insertion d’un titrement coûte 700 € pour trois ou quatre parcelles, 1800 € pour 10 parcelles. Il faudrait qu’une nouvelle convention de forfaitisation soit passée entre le notariat de Corse et le journal qui publie ces insertions.
 
- Combien de titres de propriétés ont-ils déjà été créés ?
- Depuis la circulaire Badinter de 1989, le notariat de Corse a créé 12 000 titres de propriété. Nous avons été vraiment très mobilisés dans la procédure de titrement. Cette procédure a été validée par la Loi du 6 mars 2017 qui est entrée en vigueur le 1er janvier 2018. Cette loi dite flottante a une durée de vie de dix ans. C’est pour cela que le ministre nous a demandé d’aller plus vite pour respecter ce délai et de rendre la procédure quasiment gratuite pour l’usager. Très bien ! Mais pour que ce soit gratuit, commençons par supprimer les taxes !
 
- Reste-t-il beaucoup de titres à créer ?
- Oui ! Pas tant sur le bâti, mais sur le non-bâti. Il reste toutes les parcelles en biens non-délimités qui représentent 35% du territoire de la Corse. C’est énorme ! C’est un archaïsme de la rénovation cadastrale. La Corse, contrairement au continent, n’a pas eu de véritable rénovation cadastrale, notre cadastre n’est pas comparable à ceux du continent. C’est pour cela que nous avons besoin de cette aide au titrement. Créer un titre de propriété est l’essence même du notariat : on donne un acte de naissance à une terre ou un bâti qui n’en avait pas, on les fait revivre. C’est un acte très important ! C’est le cœur du travail du notaire qui exerce là vraiment sa profession dans le cadre de la notion de service public. Là, nous faisons du social, nous le faisons à bon escient dans la mesure où nous permettons la réhabilitation d’un bien et sa transmission.
 
Propos recueillis par Nicole MARI.