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Jean-Jacques Panunzi : « L’arrêt immédiat de la violence est un préalable à tout débat »


Nicole Mari le Dimanche 23 Décembre 2012 à 23:05

La motion condamnant la violence, présentée par l'élu territorial UMP, également président du conseil général de Corse-du-Sud, Jean-Jacques Panunzi, a suscité une vive polémique à l'Assemblée de Corse (CTC), vendredi dernier. La motion, dénaturée par un amendement du Front de Gauche et vilipendée par les groupes nationalistes, est tombée, remplacée par une nouvelle mouture qui a provoqué la colère du groupe de droite qui a quitté l’hémicycle. Jean-Jacques Panunzi revient, pour Corse Net Infos, sur les raisons qui, pour lui, justifient cette motion. Il réagit aux propos tenus par le ministre de l’intérieur contre les élus corses et aux mesures prises par le gouvernement pour lutter contre la violence. Et explique sa position anti-statut de coofficialité et anti-réforme institutionnelle.



Jean-Jacques Panunzi : « L’arrêt immédiat de la violence est un préalable à tout débat »
- Pourquoi teniez-vous tant à votre motion contre la violence ?
- C’était, d'abord, une manière de réagir à tous ces attentats qui ont eu lieu, ces derniers jours, et à cette vague d'assassinats qui a défrayé la chronique. Je voulais prouver à l'opinion publique que tous les élus de la CTC, unanimement, condamnent toutes formes de violences. J'estime qu'il ne peut pas y avoir plusieurs formes de violence, d'un côté la violence politique que certains condamnent ou pas, et, de l'autre, une violence de droit commun que nous condamnons fermement. Non ! Toute forme de violence doit être condamnée. C'est la base essentielle pour un débat serein. Tant qu'il y aura de la violence, que ce soit au niveau des attentats ou des assassinats, on ne pourra pas construire un débat qui nous permettra de créer toutes les conditions pour que la Corse se redresse. C'est impossible !
 
- Vous avez cru que cette motion ferait l'unanimité. Ce fut loin d’être le cas !
- Je suis surpris que la motion n’ait pas fait l'unanimité puisque que le Président de l'Assemblée a constitué une Commission Violence où tous les groupes sont représentés. Depuis un an, cette Commission se réunit régulièrement pour discuter et condamner, notamment, la violence. Je pars du principe que tout préalable pour engager une discussion, que ce soit sur la réforme institutionnelle ou d'une façon plus générale sur l'avenir de la Corse, impose que tous les élus de la CTC soient, d'abord, tous d'accord, pour condamner toute forme de violence. Il ne peut pas y avoir de discussion tant que l'on ne pose pas, comme préalable, tout arrêt immédiat de la violence.
 
- Comment réagissez-vous aux propos de Manuel Valls sur la Corse ?
- Je ne suis pas fanatique des grandes virées ministérielles parce qu'une fois l'émotion passée, au bout de 2 ou 3 jours, les ministres nous oublient. Nous en avons eu les preuves avec les gouvernements précédents. C'est ce qui décourage un peu les Corses aujourd'hui. Le ministre de l'Intérieur a dit de bonnes choses, mais il a aussi stigmatisé et caricaturé la Corse et les Corses. J'ai été surpris des propos qu'il a tenu, notamment ceux faisant croire à l'opinion publique que les Corses savaient et ne voulaient pas parler. Les Corses sont victimes de tout ce qui se passe. Il ne faudrait pas que l'interprétation, faite par certains ministres, puisse nous faire passer de victimes à coupables.
 
- Comment jugez-vous les mesures prises par le gouvernement pour endiguer la violence ?
- Parmi les résolutions proposées, la remise en place du pôle financier au Tribunal de Bastia est une bonne chose. Encore faut-il qu'il ait les moyens de pouvoir fonctionner ! Pour l’instant, faute de moyens, il n'a pu fournir le travail pour lequel il a été créé. Aujourd'hui, les Corses demandent la justice, une justice ferme, mais en même temps lucide et exercée avec discernement.
 
- Que vous inspire la mise en cause des élus corses par Manuel Valls ?
- La motion était une façon de réagir aux propos tenus par le ministre de l'Intérieur et de montrer que, loin de ce qu'il a pu faire croire, les élus sont tous d'accord pour rejeter toute forme de violence. Il était important que cette motion soit votée pour aussi faire savoir à l'opinion publique qu'il n'y a pas de malentendu, pas d'ambiguïté, que tous les membres de la CTC, qui représente le peuple, s'engagent dans une voie qui condamne la violence.
 
- Une Commission plénière s'est réunie, il y a 10 jours, pour débattre du statut de coofficialité, dont vous êtes un farouche opposant. Pourquoi êtes-vous contre ?
- Je ne suis contre rien. J'essaye d'être pragmatique. Je prends acte du fait que la langue corse, effectivement, a tendance à décliner. Le fait de s'arc-bouter sur une modification constitutionnelle va-t-il sauver la langue ? Je ne le crois pas. D'autres expériences, faites dans d'autres régions d'Europe, n'ont pas marché. Par exemple, en Irlande, les gens ne parlent pas davantage gaélique.
 
- Qu’entendez-vous par : pragmatisme ?
- Le Président de la République, lorsqu'il est venu en Corse en campagne présidentielle, a été très clair en disant qu'il n'y aurait pas de modification constitutionnelle. La Commission chargée de la langue corse a auditionné deux professeurs de droit constitutionnel qui ont dit qu'il serait, pour la France, déjà très difficile de ratifier la Charte des langues régionales et pratiquement impossible de modifier l'article 2 de la Constitution pour la coofficialité. Plutôt que de s'arc-bouter sur un statut de coofficialité et sur la modification de la Constitution que l'on n'obtiendra jamais, essayons de réfléchir, tous ensemble, sur la façon de sauver notre langue, autrement !
 
- C’est-à-dire ?
- Le moment est venu de se demander pourquoi avec les moyens, alloués jusqu'à présent, la langue ne s'est pas plus développée. Il faut essayer de corriger les erreurs du passé et faire en sorte que la langue corse devienne vivante. Il faut la parler. Il faut que les gens aient envie de la parler. Il ne faut rien imposer. Imposer quelque chose est la meilleure façon de s’opposer. Je ne suis pas contre la langue corse. Je ne dis pas qu'il ne faut pas déployer davantage de moyens pour enseigner et former des personnes à la langue corse. Bien au contraire ! Je suis favorable à plus de formation et d’enseignement, à ce que la langue intervienne dans toutes les associations et dans tous les services publics, mais naturellement. On ne peut pas demander à des personnes qui vont venir travailler en Corse d’avoir un niveau B2 de langue pour pouvoir accéder à un poste. C’est discriminatoire ! Ce ne peut pas être accepté ! C’est impossible ! 
 
- Quelle est votre position sur la réforme institutionnelle ?
- La Commission Chaubon y travaille. Je suis, quand même, surpris que les Présidents des Conseils Généraux, qui sont les principaux intéressés, n’aient pas encore été consultés. Nous pourrions, éventuellement, faire des propositions sur une évolution institutionnelle qu’on pourrait dire à minima. Pourquoi ne pas imaginer de réfléchir et de travailler sur une évolution institutionnelle un peu plus en profondeur, à beaucoup plus long terme ?
 
- Pourtant, vous ne semblez guère favorable à cette réforme. Pourquoi ?
- La première chose sur laquelle nous devrions être tous d’accord et où il faudrait agir rapidement pour que les débats sur la réforme institutionnelle soient légitimes : c’est une nouvelle consultation du peuple. Le peuple a été consulté en 2003. Aujourd’hui, que je sache, les élus territoriaux n’ont pas reçu, des électeurs, la mission de modifier les institutions. Bien au contraire ! Beaucoup d'élus ont tenu, pendant la campagne électorale, le discours inverse. Ils ont dit qu’ils ne toucheraient pas aux institutions. Pour que le débat puisse être ouvert et légitime, il faudrait, en premier lieu, à nouveau, re-consulter le peuple par référendum, comme en 2003, et attendre de savoir ce qu'il veut. S'il traduit, à travers son vote, le souhait d’une modification institutionnelle, les élus auront, alors, toute légitimité pour réfléchir et proposer un débat. Aujourd’hui, ce n’est pas le cas. Pour ma part, je reste sur ce que le peuple a choisi en 2003.
Propos recueillis par Nicole MARI