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Jean-Guy Talamoni : « Macron ne respectait pas le fait démocratique, il ne respecte même plus les institutions »


Nicole Mari le Jeudi 25 Avril 2019 à 15:43

La Conférence des maires contre la Chambre des territoires. Dans sa traditionnelle allocution d’ouverture de la session de fin mars qui se tient ce jeudi à l’Assemblée de Corse, le président Jean-Guy Talamoni a, in lingua nustrale, tiré à boulets rouges sur la Conférence des maires, qui vient d’être créée par l’Etat, pour, selon lui, contrer l’influence du pouvoir nationaliste dans l’île. Il estime qu’existe déjà pour le même usage la Chambre des territoires, tout en reconnaissant que celle-ci a besoin d’être améliorée. Il appelle à ouvrir le débat avec les maires.



Jean-Guy Talamoni, président de l'Assemblée de Corse. Photo Michel Luccioni.
Jean-Guy Talamoni, président de l'Assemblée de Corse. Photo Michel Luccioni.
Voici le texte de son discours :
 
« Le peuple corse respecte les institutions.
Pour notre part, nous sommes les garants de ce respect. Nous connaissons les sacrifices, les malheurs, la longue route que nous avons faite pour construire les institutions démocratiques de la Corse. Il a fallu défendre une vision, la partager avec les autres forces politiques de l’île, construire des compromis au fil des années et des évolutions institutionnelles. Nous avons défendu ensemble cette vision face aux gouvernements français, avec François Mitterrand, Michel Rocard, Pierre Joxe, Jean-Louis Debré, Lionel Jospin, Nicolas Sarkozy, Marylise Lebranchu, Bernard Cazeneuve ou Jean-Michel Baylet.
 
Aujourd’hui, ces institutions nées de nos luttes, de nos pactes, de nos malheurs et de nos accolades, créées aussi par le parlement français, sont remises en question par l’Etat, par le Président de la République française lui-même qui crée, par exemple, une conférence des maires, sans aucun appui juridique, pour dévier, pour affaiblir, pour piétiner les institutions de la Corse. Pire, la compétence de notre collectivité en matière d’urbanisme est niée par le prétendu garant du droit.
 
Si nous suivons cette voie, pour l’Etat, il n’y a plus ni Assemblée de Corse, ni Conseil exécutif, ni Chambre des territoires... Emmanuel Macron ne respectait pas le fait démocratique ; voilà maintenant qu’il ne respecte même plus les institutions.
 
Un an après la création de la Collectivité de Corse, l’Etat, avec la préfecture en tête, cherche à faire croire que l’on peut construire la Corse sans les élus de l’Assemblée de Corse. Quelle sera la prochaine étape ? La révision du PADDUC réécrit par les services de l’Etat ? Cela semble étrange dans une démocratie, alors même que les plus hauts représentants de l’Etat nous avaient dit, durant des années, quand nous étions minoritaires, de gagner les élections et de choisir exclusivement l’espace public. Tout ce travail de construction de la paix a été fait par nous-même, sans l’aide de Paris, sans aucun investissement des différents gouvernements. Nous n’abandonnerons pas ce travail aux faucons qui préfèrent le conflit au débat, les coups à la paix. Nous suivons notre voie et nous n’en sortirons pas parce qu’il n’y a pas d’autre voie possible pour la Corse d’aujourd’hui.
 
Ceci dit, nous avons conscience qu’il y a encore de nombreuses améliorations à apporter au fonctionnement de nos institutions et à leurs liens avec les territoires. La Chambre des territoires est un outil en faveur du lien entre notre Assemblée et les élus locaux. Je veux saluer ici le travail des élus qui y siègent et de son secrétariat général. Je veux rappeler que les maires qui y sont élus, eux-mêmes ont choisi de travailler sur des sujets qui sont leurs préoccupations quotidiennes comme les incendies par exemple, les intempéries, la désertification ou les problématiques rencontrées par les communes de montagne. Leurs réflexions et leur travail avance.
 
La structure de cette Chambre comporte des faiblesses. Par exemple, plusieurs communautés de communes n’y sont pas représentées. Nous avions prévu ces faiblesses et avons cherché à les éviter. Je vous rappelle notre délibération de 2017 dans laquelle nous demandions l’évolution de la composition et des compétences de la Chambre des territoires. Vous le savez, nous avons demandé que chaque communauté de communes soit représentée et que la parité femmes/hommes soit assurée. En vain. Il s’agit là d’une réelle carence, d’un véritable vice dans la construction de ce nouvel édifice. Mais la loi n’a pas voulu tenir compte de nos demandes.
 
Pour autant, à mon sens, la Chambre des territoires demeure le cadre naturel d’expression des maires et des responsables des communautés de communes. Nous connaissons leurs difficultés.
Nous savons qu’ils attendent plus de proximité avec la Collectivité. Pour cela, il me semble que la Chambre des territoires doit être très élargie et que sa structuration doit être améliorée.
De la même manière, nous connaissons les difficultés des représentants élus des entreprises, des chambres de commerce, d’artisanat et d’agriculture. Eux aussi ont besoin d’un lien plus étroit avec la Collectivité de Corse.
 
Nous savons que notre collectivité doit être structurée de façon à ce que les maires et les autres élus soient plus accompagnés et plus soutenus. Une structuration nouvelle, plus efficace, qui permettrait à chaque commune, à chaque intercommunalité de bénéficier d’une assistance personnalisée. Une idée, par exemple, serait d’avoir un interlocuteur unique qui puisse avoir une vision large de tous les dossiers portés par l’institution et apporter un soutien administratif, technique ou en ingénierie. J’avais d’ailleurs rappelé cette nécessité d’aider les maires dans l’exercice de leurs responsabilités au Congrès des maires de Corse-du-Sud en février dernier.
Il me semble important d’aller plus avant et je pense que notre Assemblée doit être ma matrice du débat public.
 
Contrairement à ce que pense Emmanuel Macron, nous croyons que les élus locaux et les corps intermédiaires sont une composante essentielle de la démocratie. A nous de mieux organiser le lien entre ces responsables politiques et professionnels et notre collectivité. Il me semble que le moment est venu d’ouvrir ce débat, le plus largement possible ».