Jean-Guy Talamoni, président de l'Assemblée de Corse et leader des Indépendantistes. Photo Michel Luccioni.
- La prise de parole médiatique d’Emmanuel Macron sur la Corse est-elle de nature à modifier votre position ?
- Non ! Nous ne changeons pas de position. Cette interview n’apporte, finalement, aucune avancée. Malgré le titre prometteur : « Le dialogue pour l’histoire », on ne voit pas, ni ce qu’il y a d’historique, ni en quoi cela pourrait ouvrir le dialogue. Le président Macron ignore complètement toutes les demandes qui font partie du projet pour lequel nous avons été mandatés par les électeurs à la majorité absolue. Par conséquent, le déni de démocratie se poursuit en l’état actuel. S’il y avait eu quelque chose de nouveau, comme l’a dit Gilles Simeoni, par exemple une ouverture sur l’autonomie… On aurait pu imaginer qu’Emmanuel Macron soutienne, ne serait-ce que notre proposition d’article constitutionnel qui a été votée, non seulement par la majorité nationaliste, mais aussi par le groupe En Marche, c’est-à-dire ses soutiens en Corse… Mais même pas ça ! Rien !
- Maintenez-vous le mot d’ordre « Isula Morta » pour jeudi ?
- Oui ! Emmanuel Macron reste exactement sur ses positions. Je ne vois pas trop ce que cela peut changer. Maintenant, on peut toujours espérer que les choses s’améliorent. En ce qui me concerne, je l’espère. J’espère toujours qu’il va prendre en compte ce qu’il s’est passé en Corse en décembre 2017. Ce n’est pas le cas aujourd'hui. Donc, évidemment, le mot d’ordre « Isula Morta » demeure.
- Vous avez très tôt déclaré que vous n’iriez pas à Cuzzà. Pourriez-vous changer d’avis ?
- Non ! A priori, je n’ai pas du tout l’intention d’y aller ! Nous nous sommes parlés, hier soir et aujourd’hui encore, avec le président du Conseil exécutif, il n’y a pas, entre nos positions, l’épaisseur d’un papier de cigarette. Nous sommes sur la même position aujourd’hui qu’hier. Nous allons réunir nos amis, les partis de la majorité territoriale, les maires qui nous font confiance, tous nos soutiens pour discuter de tout cela. On verra bien si d’ici à jeudi, il se passe quelque chose de nouveau.
- Le président Macron liste le même inventaire que la préfète sur les bienfaits de l’action de l’Etat. Il vous dit : « Regardez ce que l’Etat fait pour vous ! » Que répondez-vous ?
- Il dit que tout va bien, que l’Etat est formidable pour la Corse, il fait des compliments à Mme Gourault et à la préfète qui sont, dit-il, extraordinaires ! Ce n’est pas mon avis et je ne crois pas que les Corses le pensent. Beaucoup de personnes, qui ne font pas partie de notre électorat et qui n’ont pas voté pour nous, commencent à trouver que cette histoire, ce déni de démocratie est insupportable.
- Le président a fini par reconnaître le combat pour l’identité corse. Il dit, lui-même, que « C’est un geste fort ». N’est-ce pas un signe de bonne volonté ?
- Oui, comme si vous dites qu’il fait jour à midi ! Que nous ayons mené un combat et que ce combat continue, nous sommes les mieux placés pour le savoir. Quand à l’identité, Mitterrand avait dit bien avant lui : « Vous portez en vous une indestructible identité ». On n’a pas besoin qu’on nous le dise, on le sait très bien ! A part ça, Emmanuel Macron ne dit pas ce qu’il va prendre en compte du projet qui est le nôtre et qui a été validé par le suffrage universel à la majorité absolue. Il ne dit pas : voilà pour la langue, le foncier, les institutions, les prisonniers… Non, il ne dit rien !
- Que pensez-vous de sa référence au Serment de Bastia ?
- Il ne va quand même pas nous donner des cours d’histoire corse ! Nous savons très bien ce que ce serment veut dire, je ne sais pas si lui le sait ? Je ne vois pas le rapport avec la situation actuelle. Le président Macron n’a pas compris ce qu’était la Corse, ni compris le degré d’exaspération des Corses, y compris ceux qui n’ont pas voté pour notre majorité. Ceux qui l’ont fait sont très remontés.
- Le chef de l’Etat se dit « ouvert et disponible au dialogue », mais pour vous, sa position n’a pas bougé d’un iota ?
- Exactement ! Dans la forme peut-être en parlant de dialogue… Mais le dialogue, il ne suffit pas d’en parler, il faut le pratiquer. Là, il ne le pratique pas. En plus, la façon dont il procède est très étonnante : il a organisé le débat à Cuzzà en invitant les maires, Gilles et moi, mais pas les membres de l’Assemblée de Corse, même pas les présidents de groupe, ni même le président du groupe En Marche, en tous cas pas à ce titre... Il se croît dans la même situation que lors d’une réunion en Ardèche. Il a fait le tour de France et veut faire ici la même chose qu’il a faite ailleurs. Tout est formaté pour qu’il ait le dernier mot et pour que ses interlocuteurs ne puissent que louer ses qualités. Quand on veut dialoguer, ce n’est pas comme cela qu’on agit ! Aujourd’hui, le compte n’y est pas. Peut-être y sera-t-il demain ou après-demain ou la semaine prochaine, ou dans six mois… on verra bien, mais là, il n’est pas à la hauteur des enjeux. Il continue à se moquer des Corses, ce n’est pas bien ! Cela dure depuis un an et demi, ça commence à faire long !
- S’achemine-t-on vers un second rendez-vous raté entre le président et la Corse ?
- Oui ! C’est ennuyeux, mais c’est bien parti pour. Sauf si d’ici là, il fait une déclaration différente, mais nous avons peu d’espoir. Son attitude est complètement déphasée par rapport aux aspirations de la société corse. Manifestement, il ne comprend pas ce qu’il s’est passé en décembre 2015, puis en décembre 2017, ensuite à l’occasion des Législatives… Une majorité absolue de Corses qui votent pour la nation Corse à travers une liste entièrement nationaliste, cela ne veut pas dire un référendum d’indépendance dimanche prochain, mais cela veut dire qu’il faut revoir les relations entre la Corse et Paris, qu’il faut au moins discuter de la demande d’autonomie. L’attitude de déni d’Emmanuel Macron est consternante.
- Ne craigniez-vous pas que l’on vous reproche de refuser le dialogue ?
- Non ! Nous ne pratiquons pas la politique de la chaise vide. La preuve, c’est que nous avons rencontré, lundi, Jean-Michel Blanquer sur un ordre du jour qui nous intéressait : la langue corse. Si demain, le président Macron ouvre une vraie discussion avec un ordre du jour sur nos problèmes, il n’y aurait aucune raison de lui tourner le dos. Mais aujourd’hui, en l’état actuel, ce n’est pas possible ! Surtout après avoir humilié la Corse l’an dernier avec tout le cinéma qu'il a fait à l’Alb’Oru jusqu’à la fouille de certains élus. J’en parle avec détachement parce que je n’ai pas été fouillé, je n’ai pas accepté ce traitement. L’état d’esprit était détestable, l’an dernier. Peut-être est-il, cette fois-ci, meilleur dans la forme et sur le ton ?
- Le concédez-vous ?
- Oui. Il y a une évolution dans le ton employé. Les paroles sont moins abruptes et moins provocatrices, mais dans le fond, il n’y a pas d’avancée. S’il y en avait une, nous l’aurions prise en compte. Nous n’avons aucun désir de fermeture ou de jusqu’au-boutisme, nous savons très bien qu’il faut discuter avec Paris. Notre attitude correspond à la réalité de la société corse qui est dans le refus total de la situation qui nous est faite. Le refus ne vient pas seulement de notre majorité. Je rencontre de plus en plus de gens qui me disent : « Je n’ai pas voté pour vous, je ne suis pas nationaliste, mais je vous reconnais comme nos élus. Que vous soyez traités avec cette indifférence et ce mépris total par Paris, c’est inacceptable ! ». La tension au sein de la société est forte. Il est temps de mettre un terme à cette situation qui m’inquiète.
Propos recueillis par Nicole MARI.
- Non ! Nous ne changeons pas de position. Cette interview n’apporte, finalement, aucune avancée. Malgré le titre prometteur : « Le dialogue pour l’histoire », on ne voit pas, ni ce qu’il y a d’historique, ni en quoi cela pourrait ouvrir le dialogue. Le président Macron ignore complètement toutes les demandes qui font partie du projet pour lequel nous avons été mandatés par les électeurs à la majorité absolue. Par conséquent, le déni de démocratie se poursuit en l’état actuel. S’il y avait eu quelque chose de nouveau, comme l’a dit Gilles Simeoni, par exemple une ouverture sur l’autonomie… On aurait pu imaginer qu’Emmanuel Macron soutienne, ne serait-ce que notre proposition d’article constitutionnel qui a été votée, non seulement par la majorité nationaliste, mais aussi par le groupe En Marche, c’est-à-dire ses soutiens en Corse… Mais même pas ça ! Rien !
- Maintenez-vous le mot d’ordre « Isula Morta » pour jeudi ?
- Oui ! Emmanuel Macron reste exactement sur ses positions. Je ne vois pas trop ce que cela peut changer. Maintenant, on peut toujours espérer que les choses s’améliorent. En ce qui me concerne, je l’espère. J’espère toujours qu’il va prendre en compte ce qu’il s’est passé en Corse en décembre 2017. Ce n’est pas le cas aujourd'hui. Donc, évidemment, le mot d’ordre « Isula Morta » demeure.
- Vous avez très tôt déclaré que vous n’iriez pas à Cuzzà. Pourriez-vous changer d’avis ?
- Non ! A priori, je n’ai pas du tout l’intention d’y aller ! Nous nous sommes parlés, hier soir et aujourd’hui encore, avec le président du Conseil exécutif, il n’y a pas, entre nos positions, l’épaisseur d’un papier de cigarette. Nous sommes sur la même position aujourd’hui qu’hier. Nous allons réunir nos amis, les partis de la majorité territoriale, les maires qui nous font confiance, tous nos soutiens pour discuter de tout cela. On verra bien si d’ici à jeudi, il se passe quelque chose de nouveau.
- Le président Macron liste le même inventaire que la préfète sur les bienfaits de l’action de l’Etat. Il vous dit : « Regardez ce que l’Etat fait pour vous ! » Que répondez-vous ?
- Il dit que tout va bien, que l’Etat est formidable pour la Corse, il fait des compliments à Mme Gourault et à la préfète qui sont, dit-il, extraordinaires ! Ce n’est pas mon avis et je ne crois pas que les Corses le pensent. Beaucoup de personnes, qui ne font pas partie de notre électorat et qui n’ont pas voté pour nous, commencent à trouver que cette histoire, ce déni de démocratie est insupportable.
- Le président a fini par reconnaître le combat pour l’identité corse. Il dit, lui-même, que « C’est un geste fort ». N’est-ce pas un signe de bonne volonté ?
- Oui, comme si vous dites qu’il fait jour à midi ! Que nous ayons mené un combat et que ce combat continue, nous sommes les mieux placés pour le savoir. Quand à l’identité, Mitterrand avait dit bien avant lui : « Vous portez en vous une indestructible identité ». On n’a pas besoin qu’on nous le dise, on le sait très bien ! A part ça, Emmanuel Macron ne dit pas ce qu’il va prendre en compte du projet qui est le nôtre et qui a été validé par le suffrage universel à la majorité absolue. Il ne dit pas : voilà pour la langue, le foncier, les institutions, les prisonniers… Non, il ne dit rien !
- Que pensez-vous de sa référence au Serment de Bastia ?
- Il ne va quand même pas nous donner des cours d’histoire corse ! Nous savons très bien ce que ce serment veut dire, je ne sais pas si lui le sait ? Je ne vois pas le rapport avec la situation actuelle. Le président Macron n’a pas compris ce qu’était la Corse, ni compris le degré d’exaspération des Corses, y compris ceux qui n’ont pas voté pour notre majorité. Ceux qui l’ont fait sont très remontés.
- Le chef de l’Etat se dit « ouvert et disponible au dialogue », mais pour vous, sa position n’a pas bougé d’un iota ?
- Exactement ! Dans la forme peut-être en parlant de dialogue… Mais le dialogue, il ne suffit pas d’en parler, il faut le pratiquer. Là, il ne le pratique pas. En plus, la façon dont il procède est très étonnante : il a organisé le débat à Cuzzà en invitant les maires, Gilles et moi, mais pas les membres de l’Assemblée de Corse, même pas les présidents de groupe, ni même le président du groupe En Marche, en tous cas pas à ce titre... Il se croît dans la même situation que lors d’une réunion en Ardèche. Il a fait le tour de France et veut faire ici la même chose qu’il a faite ailleurs. Tout est formaté pour qu’il ait le dernier mot et pour que ses interlocuteurs ne puissent que louer ses qualités. Quand on veut dialoguer, ce n’est pas comme cela qu’on agit ! Aujourd’hui, le compte n’y est pas. Peut-être y sera-t-il demain ou après-demain ou la semaine prochaine, ou dans six mois… on verra bien, mais là, il n’est pas à la hauteur des enjeux. Il continue à se moquer des Corses, ce n’est pas bien ! Cela dure depuis un an et demi, ça commence à faire long !
- S’achemine-t-on vers un second rendez-vous raté entre le président et la Corse ?
- Oui ! C’est ennuyeux, mais c’est bien parti pour. Sauf si d’ici là, il fait une déclaration différente, mais nous avons peu d’espoir. Son attitude est complètement déphasée par rapport aux aspirations de la société corse. Manifestement, il ne comprend pas ce qu’il s’est passé en décembre 2015, puis en décembre 2017, ensuite à l’occasion des Législatives… Une majorité absolue de Corses qui votent pour la nation Corse à travers une liste entièrement nationaliste, cela ne veut pas dire un référendum d’indépendance dimanche prochain, mais cela veut dire qu’il faut revoir les relations entre la Corse et Paris, qu’il faut au moins discuter de la demande d’autonomie. L’attitude de déni d’Emmanuel Macron est consternante.
- Ne craigniez-vous pas que l’on vous reproche de refuser le dialogue ?
- Non ! Nous ne pratiquons pas la politique de la chaise vide. La preuve, c’est que nous avons rencontré, lundi, Jean-Michel Blanquer sur un ordre du jour qui nous intéressait : la langue corse. Si demain, le président Macron ouvre une vraie discussion avec un ordre du jour sur nos problèmes, il n’y aurait aucune raison de lui tourner le dos. Mais aujourd’hui, en l’état actuel, ce n’est pas possible ! Surtout après avoir humilié la Corse l’an dernier avec tout le cinéma qu'il a fait à l’Alb’Oru jusqu’à la fouille de certains élus. J’en parle avec détachement parce que je n’ai pas été fouillé, je n’ai pas accepté ce traitement. L’état d’esprit était détestable, l’an dernier. Peut-être est-il, cette fois-ci, meilleur dans la forme et sur le ton ?
- Le concédez-vous ?
- Oui. Il y a une évolution dans le ton employé. Les paroles sont moins abruptes et moins provocatrices, mais dans le fond, il n’y a pas d’avancée. S’il y en avait une, nous l’aurions prise en compte. Nous n’avons aucun désir de fermeture ou de jusqu’au-boutisme, nous savons très bien qu’il faut discuter avec Paris. Notre attitude correspond à la réalité de la société corse qui est dans le refus total de la situation qui nous est faite. Le refus ne vient pas seulement de notre majorité. Je rencontre de plus en plus de gens qui me disent : « Je n’ai pas voté pour vous, je ne suis pas nationaliste, mais je vous reconnais comme nos élus. Que vous soyez traités avec cette indifférence et ce mépris total par Paris, c’est inacceptable ! ». La tension au sein de la société est forte. Il est temps de mettre un terme à cette situation qui m’inquiète.
Propos recueillis par Nicole MARI.