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Jean-Guy Talamoni : « La Corse doit déclarer l’état d’urgence climatique et écologique »


Nicole Mari le Jeudi 19 Décembre 2019 à 12:48

En préambule de la dernière session de l’année de l’Assemblée de Corse qui se tient ces deux jours à Aiacciu, le président Jean-Guy Talamoni a consacré sa traditionnelle allocution d’ouverture au rapport sur l’urgence climatique qu’il présentera dans la foulée. In lingua nustrale, il affirme la nécessité de déclarer, comme d’autres pays l’ont déjà fait, l’état d’urgence climatique et écologique en Corse. Rappelant que l'île a toujours été à la pointe du combat notamment dans l’affaire des boues rouges ou des essais nucléaires de l’Argentellu, il appelle les Corses à se mobiliser de nouveau pour défendre leur environnement et celui de la Méditerranée.



Jean-Guy Talamoni, président de l'Assemblée de Corse.
Jean-Guy Talamoni, président de l'Assemblée de Corse.
Voici le texte de son discours :
 
« Avant de commencer, je voudrais revenir sur un fait nouveau qui nous rappelle une époque passée : l’arrestation d’une dizaine de jeunes corses et leur transfert de l’autre côté de la mer. Trois d’entre eux y sont restés. Certains, à Paris, veulent que nous reculions mais nous nous y opposons car notre peuple, lui, veut avancer. Nous n’accepterons jamais la répression, ni en tant que militants, ni en tant qu’élus de la Corse.
Je veux saluer également la libération de Charles Santoni, le plus ancien prisonnier politique. Si cette libération n’est pas un cadeau, nous sommes heureux qu’il puisse, après 23 ans de prison, fêter Noël en famille. Je salue enfin le courage de sa mère, notre amie Maria.
Enfin, dans un autre registre, nous saluerons notre collègue Petru Antone Tomasi, nouveau Docteur de l’Université de Corse et nous lui adressons nos félicitations !
 
***
La terre est en surchauffe. Ce n’est pas moi qui le dis, ce sont les scientifiques de niveau international. C’est le GIEC, groupe intergouvernemental d’experts sur l’évolution du climat, qui le dit dans tous ses rapports. Ce sont aussi les experts du Programme des Nations Unies pour l’Environnement. Selon eux, les années 2009-2019 sont une décennie perdue dans la lutte pour contenir le réchauffement sous la limite de 2 degrés.
 
Tous disent également que l’impact sera plus fort en Méditerranée.
 
La Corse n’est pas préservée. Malheureusement, elle n’a pas échappé à la mondialisation, au phénomène de consommation excessive et à un mode de vie toujours plus citadin, lesquels sont générateurs de nombreux déchets et très consommateurs d’énergie. Chacun a pu observer un changement progressif et continue, une altération de notre environnement. En lien avec cette pollution, nous constatons plusieurs effets du réchauffement climatique. Discuter avec les agriculteurs par exemple, observer les températures de ces derniers jours ou la fréquence et la violence des tempêtes, suffisent pour affirmer que l’urgence est bien réelle !
 
Pourtant, nous en sommes convaincus, il y a encore de l’espoir. Parce que les experts disent aussi qu’il est encore temps d’agir. Et c’est ce que nous voulons faire. Bien entendu, notre collectivité est déjà engagée dans la préservation de l’environnement. Je pense aux travaux des offices et des agences dans tous les domaines, et particulièrement ceux qui concernent l’énergie, l’urbanisme, l’environnement, l’eau ou l’agriculture.
 
Pour notre part, nous pensons qu’il est nécessaire d’aller plus loin en déclarant l’état d’urgence climatique et écologique.
 
Pourquoi ? D’abord parce que la Corse a toujours su se mobiliser pour défendre son environnement et celui de la Méditerranée. Je pense, entre autres, à l’affaire des boues rouges en 1972 ou à la mobilisation populaire contre les essais nucléaires dans le massif de l’Argentella en 1960. Je pense aussi aux actions clandestines qui ont empêché la bétonisation de notre littoral et cela, les Corses le reconnaissent, y compris ceux qui ne sont pas nationalistes.
Ensuite, nous pensons que chacun doit, à son niveau, même modeste, participer à la lutte mondiale contre le réchauffement climatique. Nous sommes persuadés que chaque peuple, qu’il compte plusieurs millions de personnes ou seulement quelques centaines, doit apporter sa contribution. L’état d’urgence climatique a été déclaré par le Parlement Européen, par l’Argentine, le Canada, l’Irlande, l’Espagne, Malte, Les Baléares, par le Parlement italien, le Parlement britannique, la région Nouvelle-Aquitaine, parmi des dizaines d’autres... Plusieurs villes françaises l’ont fait également : Lille, Paris, Reims, Brest... Très près de la Corse, Nice, Montpellier mais aussi deux villes de Sardaigne, Arzachena et Mamoiada ont déclaré l’urgence climatique !
 
Vous le voyez, les plus grands comme les plus petits sont concernés. Et nous, nous ne devrions pas prendre position face à ce danger qui approche un peu plus chaque jour ?
Nous ne saurions l’accepter et nous pensons que, en tant qu’élus et en tant que citoyens, nous avons une responsabilité.
 
Une responsabilité environnementale et une responsabilité sociale. Bâtir une société écologique, respectueuse de son environnement, c’est aussi, fondamentalement, construire un projet de justice sociale et de solidarité. Chacun le sait désormais, ce sont les plus pauvres, les plus faibles et les plus fragiles qui subissent le plus le réchauffement climatique et qui en ressentent le plus les effets dans leur quotidien. Environnement et social vont de pair et sont inséparables. Enfin, lutter pour le climat, c’est aussi combattre le populisme qui se nourrit du désespoir.
C’est véritablement un acte politique que nous ferons aujourd’hui. Une déclaration politique qui doit être le premier pas vers une stratégie unique, unitaire, celle d’un grand plan d’action, transversal à toutes les compétences de notre collectivité. A compter d’aujourd’hui, nous devons faire un effort de mobilisation comme nous ne l’avons jamais fait. Nous devons trouver des solutions politiques et techniques pour contribuer davantage à la lutte contre le réchauffement climatique. Cette déclaration, vous l’aurez compris, ne représente pas une fin. Cette déclaration est un moyen, ce n’est qu’un début. »