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Jean-Christophe Angelini : « Ce que nous craignons, ce sont les primaires entre Nationalistes ! »


Nicole Mari le Vendredi 7 Juin 2019 à 21:12

Quelques jours après le scrutin des Européennes et à l’orée de la campagne des municipales, le conseiller exécutif et leader du PNC, Jean-Christophe Angelini, lance un appel à retrouver le chemin de l’union de la majorité territoriale. Une union quelque peu malmenée selon lui par des flottements préjudiciables et une absence de cohésion entre les trois forces partenaires. Candidat lui-même à Portivecchju, il demande l’application de l’accord Pè a Corsica sur les communes-clés. Il explique, à Corse Net Infos, qu’il y a urgence à investir des candidats et craint des primaires entre Nationalistes.



Jean-Christophe Angelini, leader du PNC, conseiller exécutif à la Collectivité de Corse, président de l’ADEC et de l’Office foncier. Photo Michel Luccioni.
Jean-Christophe Angelini, leader du PNC, conseiller exécutif à la Collectivité de Corse, président de l’ADEC et de l’Office foncier. Photo Michel Luccioni.
- Pourquoi avoir lancé un appel à l’union de la majorité ?
- L’union est un message et une pratique de toujours au sein du PNC. Nous avons voulu la décliner autour de deux thèmes : la relation à l’Etat et les Municipales. On entend aujourd’hui beaucoup de commentaires sur la réponse qu’il faudrait déployer face à l’attitude de l’Etat, de la Préfecture et du rapport de forces que l’on nous impose. Nous disons que la première réponse à donner à Paris est celle de l’union, voire de l’unité de la majorité territoriale. Depuis quelques temps sur les dossiers du numérique, des AOT (Autorisation d’occupation temporaire du domaine maritime), des ESA (Espace stratégique agricole), des déchets, de la PPE (Programmation pluriannuelle de l’énergie)… l’Etat nous impose une situation politique intenable et, malheureusement, s’appuie sur une forme de confusion, de désordre au sein de notre majorité. Il est, donc, urgent de retrouver le chemin de l’union complète.
 
- Il ne semble pas y avoir de dissonance au sein de la majorité sur les dossiers que vous évoquez, à part peut-être les paillotes. Est-ce ce point qui pose problème ?
- Non ! Il n’y a pas de divergence sur les paillotes. Nous sommes sur la même longueur d’ondes, celle de trouver un équilibre entre, d’une part la préservation, et d’autre part, l’activité économique. Nous n’avons pas d’analyse contradictoire, mais des nuances dans l’approche ou l’appréciation. Sur les dossiers que j’ai cités, nous sommes globalement du même avis. De toute façon, avoir des opinions différentes relève du pluralisme et de la démocratie. C’est moins sur un dossier que le problème est posé, que sur l’absence de cohésion et, à mon avis, de coordination. C’est là où le bât blesse ! Le problème est d’arriver à garder un bon niveau de cohésion face à l’Etat et en préparation des municipales. Et là, on sent bien qu’il y a des flottements qui deviennent préjudiciables.
 
- De la part de qui ? Visez-vous une personne ou un groupe en particulier ?
- C’est global ! Personne en particulier n’est responsable. Personne n’est visé, ni une formation, ni un groupe, encore moins un homme. Ce n’est pas une critique que nous portons contre tel ou tel. Cette situation est le fait des trois formations qui doivent maintenant se remettre dans le chemin de l’accord Un paese da fà. Cet accord doit être remis au goût du jour. C’est, pour nous, fondamental !
 
- Ceci dit, vous avez publiquement étalé vos dissensions. Cela ne fait-il pas aussi le jeu de vos adversaires ?
- Le PNC peut aussi avoir commis des erreurs. Mais quelques soient les erreurs commises et les formations qui ont pu les commettre, cela doit cesser. Nous devons très vite faire entendre la voix de l’union. J’ai fait une analyse précise des évènements et de ce qui se passe depuis le début de cette mandature nouvelle, mais ce n’est pas l’essentiel. L’essentiel, aujourd’hui, c’est de nous entendre et d'être en mesure de nous coordonner face à l’Etat et face aux Corses en prévision des échéances futures. Chaque mouvement a vocation à garder son identité propre. Le PNC s’est extrait d’une construction qu’il estimait hégémonique à cette fin-là précisément. Ce n’est pas aujourd’hui, après une Assemblée générale qui a été un grand succès politique et populaire, que nous allons revenir en arrière. Nous voulons concilier la diversité des approches et des mouvements en même temps que la coordination et la cohésion de la majorité. C’est cela – et cela seulement – qui nous paraît, aujourd’hui, un peu mis en cause.

L'accord Pè a Corsica : Un paese da fà.
L'accord Pè a Corsica : Un paese da fà.
- Concernant les élections municipales, que proposez-vous exactement ?
- Les municipales approchent, il faudra être présent dans toutes les communes de l’île, de la plus petite aux plus grandes. Il est désormais temps que nous nous entendions, comme nous l’avions fait aux Législatives et aux Territoriales depuis la signature d’Un paese da fà.
 
- Une entente que vous et Corsica Libera avez refusée sur les Européennes. Ce qui a quand même jeté un froid ?
- J’entends dire effectivement depuis quelques jours que nous aurions eu une attitude différente sur les Européennes. Et pour cause ! Les Européennes n’étaient pas prévues dans l’accord d’Un paese da fà. Elles concernaient Régions & Peuples solidaires et la candidature de François Alfonsi. C’est radicalement différent ! La démarche de François Alfonsi s’est exprimée en dehors d’Un Paese da fà. Nous en prenons acte. Nous n’avons d’ailleurs pas épilogué. Beaucoup de Nationalistes ont souhaité, en dépit de nos mots d’ordre, converger et voter, nous ne nous y sommes pas opposés. Mais je le redis : ni François Alfonsi, ni Femu a Corsica n’a sollicité l’investiture de Pè a Corsica. Ce qui est précisément l’inverse dans toutes les municipalités auxquelles nous pensons.
 
- C’est-à-dire ? La démarche d’union ne concerne-elle pas toutes les municipalités de l’île ?
- Elle concerne, pour nous, toute la Corse, mais, à titre principal, les grandes villes. Si, comme pour les Européennes, un candidat nationaliste dans une petite commune ne souhaite pas d’investiture, il n’y a pas de raison pour que nous lui demandions de respecter certaines prescriptions. A l’inverse, quand sur Aiacciu, Corti, Bastia, Portivecchju, toutes ces grandes communes où il est vital que nous soyons unis et où les militants demandent, - comme en témoignent notre conférence de presse et la réunion publique de Corsica Libera – une investiture, nous ne comprenons pas qu’elle ne soit pas accordée. Notre souhait est que cette démarche d’union soit rapide avec une deadline : la fin du mois de juin parce qu’il est capital que nous rentrions en campagne durant l’été, et pas à la rentrée, comme j’ai pu l’entendre.
 
- Vous parlez d’investiture. Certains se sont déjà déclarés de leur propre chef. N’est-ce pas contraire à la démarche que vous prônez ?
- La coordination Pè a Corsica s’est réunie au moins à trois reprises sur ce sujet des Municipales. Le PNC a demandé que ces élections soient marquées par une démarche unitaire. Nous n’avons, pour l’instant, pas eu de réponse claire, mais je reste très optimiste et très confiant. Il y a aux Municipales, une question de candidatures individuelles, mais il y a, d’abord, une question de cohérence politique. Dès lors que des mouvements ont des individus qui demandent une investiture, on doit en débattre et répondre rapidement. C’est le cas partout ! Je vais, bientôt, demander une investiture à Portivecchju. Nous aimerions savoir comment va évoluer la situation bastiaise. Sur Aiacciu, nos conférences de presse ont lieu à un rythme quotidien. Sur Corti également, nous sommes en attente d’une décision claire. C’est cela qui, maintenant, doit primer.
 
- Ces candidatures unilatérales, faites dans des communes-clés en dehors de toute commission d’investiture, n’ont-elles pas de quoi froisser vos partenaires ?
- Qu’il y ait sur une même ville, deux, trois ou quatre candidatures à l’investiture ne nous pose aucun problème ! Nous n’avons rien à craindre des commissions d’investiture. Il faut respecter les procédures et un certain nombre de phases. Une présentation des candidats et des projets s’opère et le choix se fait. Nous disons seulement qu’il doit être rapide. J’insiste seulement sur la notion d’urgence et de délai pertinent. Ce que nous craignons, ce sont les primaires entre Nationalistes ! Nous avons entendus des militants nationalistes exprimer publiquement le souhait de Primaires et dire que les Municipales ne font pas partie de l’accord de Pè a Corsica. C’est fondamentalement différent !

Jean-Christophe Angelini et Gilles Simeoni. Photo Michel Luccioni.
Jean-Christophe Angelini et Gilles Simeoni. Photo Michel Luccioni.
- Avez-vous eu des discussions bilatérales sur ces candidatures ?
- Non ! Nous ne souhaitons pas, pour l’heure, de démarche bilatérale. Nous sommes sur un accord à trois composantes et nous voulons y rester. C’est clair ! Les réunions, dont je parle, ont toutes eu lieu dans le cadre de la coordination. Notre souhait est de continuer à trois.
 
- Vous avez lancé cet appel à l’union il y a deux jours. Avez-vous obtenu une réaction ?
- Il y a eu beaucoup de réactions, déjà dans notre audience. Elles ont été globalement très favorables. Le lendemain, Corsica Libera a eu une réaction très positive. Ces dernières heures, nous en avons parlé de façon informelle à nos partenaires de Femu qui n’ont pas démenti notre analyse. Je pense qu’il y a tout lieu d’être optimiste. Je le redis : mon inquiétude, à ce stade, n’est pas sur le fond, mais sur le respect des délais et sur la question d’urgence. Nous ne pouvons pas attendre la fin de l’été. Nous devons arrêter, ce mois de juin, une position commune.
 
- Est-ce Femu a Corsica qui bloque ?
- Non ! Je ne dis pas ça ! Je ne veux pas personnaliser, ni désigner une formation en particulier. Je dis juste que nous avons perdu assez de temps sur cette question des Municipales et que, quelque soit, les formations et les parcours, nous devons maintenant nous entendre vite sur des candidatures communes, au moins sur la dizaine de villes importantes ou moyennes à enjeu. Les mouvements, les élus et les Exécutifs territoriaux y sont attendus, y compris en termes d’arbitrage pour départager les projets, les candidats et animer les campagnes. Dans le cas d’Aiacciu, Corti, Bastia et Portivecchju, mais aussi Calvi, Ghisunaccia, Lisula…, nous demandons un arbitrage de Pè a Corsica.
 
- L’élection anticipée de Prunelli di Fium’Orbu a été, pour la majorité territoriale, un brin chaotique en termes d’union. Le test n’est-il pas de mauvais augure ?
- Les différentes appréciations existaient avant la Municipale de Prunelli et ont perduré après. Le maire de Prunelli est un militant du PNC. Je le dis, y compris à l’intention de l’opposition : aujourd’hui, le dialogue, l’apaisement et l’union entre tous les Nationalistes doivent être la règle dans les mois qui viennent. C’est précisément pour éviter d’avoir 100 Prunelli que nous voulons agir dans l’urgence et avoir une union complète.
 
- Lancez-vous aussi un appel à Core in Fronte ?
- A ce stade, il nous revient publiquement que Core in Fronte a décidé d’être présent sous sa propre bannière dans au moins trois communes. Cela m’a été signifié récemment à Portivecchju. A Aiacciu, Jean-Marc Lanfranchi a déclaré sa candidature. Paul-Félix Benedetti en a fait autant à Bastia. Dont acte. Nous verrons au 2nd tour.

- Comptez-vous être présent sur la totalité des villages de l’île ?
- Oui. Nous le devons aux Corses. Etant arrivés en tête aux Législatives et aux Territoriales dans la très grande majorité des communes, nous ne pouvons pas aujourd’hui nous en désintéresser. Mais, on sait tous que dans les villages, la réalité est complètement différente. L’approche émerge davantage de la base et moins des mouvements. L’étiquette politique compte moins que le candidat ou le projet qu’il porte. Si la démarche est moins urgente, elle n’est pas moins importante. Nous comptons aussi envisager un certain nombre d’alternance dans tous les villages qui l’attendent ou bien une participation à des contrats de mandature, là où les circonstances le permettent.
 
Propos recueillis par Nicole MARI.