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Inseme per Bastia dénonce l'utilisation clientéliste des emplois d'avenir


Nicole Mari le Mercredi 24 Avril 2013 à 17:28

Les emplois d’avenir, mesure phare du président François Hollande pour lutter contre le chômage des jeunes, sont au programme de la session de l’Assemblée de Corse (CTC), qui s’ouvre ce jeudi. Tout en appréciant le dispositif, le groupe nationaliste d’opposition municipale, Inseme per Bastia, dénonce, chiffres à l’appui, son utilisation à des fins clientélistes et électoralistes. Gilles Simeoni, son leader, et Bernard Cesari, membre de l’Exécutif, expliquent à Corse Net Infos que le système est verrouillé par le cumul des fonctions et les emplois, détournés de leur finalité. Ils demandent le retour à un fonctionnement normal.



Gilles Simeoni entouré des élus et des militants d'Inseme per Bastia
Gilles Simeoni entouré des élus et des militants d'Inseme per Bastia
Sur 7 753 personnes inscrites au chômage, fin février, sur le département de la Haute-Corse, 1 332 ont moins de 25 ans. Leur nombre a crû de 12,9 % en 1 an. La seule ville de Bastia totalise 599 demandeurs d’emploi de moins de 26 ans. Pour pallier ce fort chômage des jeunes, le gouvernement a installé, depuis novembre 2012, un dispositif Emplois d’avenir. Son objectif principal est d’ouvrir aux jeunes de 16 à 25 ans et aux travailleurs handicapés de moins de 30 ans, sans emploi, ayant un CAP, un BEP ou sans diplôme, l’accès à une qualification et à une insertion professionnelles durables. Les emplois sont à pourvoir dans le secteur marchand (filière verte, filière énergie renouvelable, filière médico-sociale, filière TIC et conventions-cadre) et non-marchand (collectivités locales et associations). D’une durée de 1 à 3 ans, ces contrats ont pour vocation de se transformer
en CDI (contrat à durée indéterminée). L’Etat finance 5% du taux horaire du taux brut du SMIC pour les CAE (contrat d’accompagnement dans l’emploi), 35% ou 47% pour les CIE.
 
Un dispositif perverti
Le mouvement nationaliste d’opposition municipale, Inseme per Bastia, juge ce dispositif « louable » et « intéressant », mais pourfend sa mise en œuvre. « Nous dénonçons la façon dont un dispositif louable, dans un contexte de fort chômage des jeunes, est complètement détourné de sa finalité et perverti par un système claniste et clientéliste qui est antinomique d’un véritable développement économique et de la dignité des gens », dénonce Gilles Simeoni.
Le leader d’Inseme fustige, d’abord, les conditions de recrutement opéré, selon lui, quasi –exclusivement par les collectivités locales sans aucune évaluation des besoins et sans aucune transparence. L’enveloppe 2012/2013 prévoit 390 emplois jeunes en Corse : 196 en Corse du Sud et 194 en Haute-Corse. Sur les 66 déjà pourvus en Haute-Corse, 100 % l’ont été dans le secteur non marchand, c’est-à-dire dans les collectivités publiques, principalement le Conseil Général, la Mairie et la CAB, alors que ce dispositif est censé orienter les jeunes vers le secteur privé.
 
Un marché de dupes
L’opposition nationaliste pointe du doigt un « recrutement à l’aveugle, pénalisant pour la collectivité locale, qui embauche, et pour le jeune recruté qui se retrouve dans un emploi sans aucune utilité réelle et sans encadrement. Au terme de son contrat, soit il sera, comme promis, titularisé en créant un poste supplémentaire dans un secteur déjà hypertrophié. Soit, il ne le sera pas, et se retrouvera dans la situation de précarité qui était la sienne au moment de l’embauche ». Gilles Simeoni parle de « marché de dupes ». Il incrimine un recrutement fait « sans entretien, sans examen, sans contrôle démocratique », où il suffit de voir le maire ou le conseiller général pour être embauché. « Il est impensable que le système puisse continuer à fonctionner dans la plus totale opacité, et que l’accès à l’emploi, particulièrement l’emploi public, soit conditionné par la démarche qu’il faut faire auprès de tel ou tel responsable politique », poursuit-il.

Un système verrouillé
Pour Inseme per Bastia, le système est « totalement verrouillé » au plan politique et clientéliste. « Il ne faut pas seulement une loi contre le cumul des mandats, mais aussi une loi contre le cumul des fonctions et des casquettes. Emile Zuccarelli est, à la fois, maire de Bastia, Président de la CAB (Communauté d’agglomération bastiaise), Président de la mission locale qui a la haute main sur les emplois d’avenir tandis que son fils est conseiller municipal, président de l’ ADEC (Agence de développement économique de la Corse) qui finance la formation et l’Ecole de la 2ème chance dont il est lui-même président ! A travers le cumul des mandats, mais surtout des fonctions et des casquettes, ce sont donc les mêmes qui sont à la fois financeurs, décideurs et recruteurs. C’est un système en boucle, où tout est verrouillé, où on demande aux jeunes en contrepartie de la perspective d’une embauche de faire acte d’allégeance », stigmatise Gilles Simeoni. Il estime que ne seront laissées aux entreprises ou aux associations, éligibles à ce dispositif, que quelques miettes. D’autant que les associations, pour la plupart en difficulté, soumises au financement des collectivités publiques, ont peu de poids décisionnel.
 
Assainir le dispositif
Pour Inseme, il y a, donc, urgence à redresser la barre et à réorienter le dispositif pour qu’il fonctionne de façon saine et soit réellement profitable à ses bénéficiaires. Il s’adresse à l’Etat, bailleur de fonds, et lui demande « de ne plus cautionner les dysfonctionnements actuels, comme l’ont fait avec entrain jusqu’à aujourd’hui ses représentants locaux (DIRECCTE, Préfecture) ». Et formule deux propositions pour assainir le fonctionnement afin qu’il soit en conformité avec les objectifs affichés.
La 1ère proposition est de réorienter le recrutement vers le secteur privé et associatif, de dresser un diagnostic précis des besoins, notamment dans des secteurs pouvant offrir à terme une titularisation et de réaliser un diagnostic territorial pour adapter l’offre aux besoins de terrain en ciblant la jeunesse.
La 2ème proposition est d’assurer la transparence et l’impartialité du recrutement des jeunes pour casser le fonctionnement claniste et clientéliste par la mise en place d’une commission large et paritaire pour l’instruction des dossiers employeurs et la sélection des candidats. Cette commission associerait les élus, dont ceux de l’opposition, les organismes tels que Pôle Emploi, les associations œuvrant dans les quartiers et en faveur de l’insertion, les représentants d’associations sportives, médico-sociales ou culturelles, mais aussi les élus consulaires représentant le monde économique.
Le schéma régional d’orientation des emplois d’avenir et la convention régionale d’application, qui s’y rapporte, seront soumis au vote lors de la session de la CTC qui débute ce jeudi, le débat devrait donc se poursuivre plus frontalement dans l’hémicycle territorial. Affaire à suivre.
N. M.

Bernard Cesari, membre du bureau d'Inseme per Bastia