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INTERVIEW. Michel Prosic, préfet de Haute-Corse : "Avec l’aide de l’État, on a réalisé plus de 30 millions d’euros de travaux en 2022"


Thibaud KEREBEL le Samedi 14 Janvier 2023 à 09:58

Nommé Préfet de la Haute-Corse le 20 juillet 2022, Michel Prosic a pris ses marques à Bastia et pu appréhender, après quelques mois, ce nouveau territoire. L'occasion, en cette rentrée 2023, de dresser un premier bilan.



Michel Prosic, Préfet de Haute-Corse
Michel Prosic, Préfet de Haute-Corse
- Après bientôt six mois passés en Corse, quel bilan tirez-vous de vos premières actions ?
- Ma mission première, c’est la protection des populations. Et à ce titre, nous travaillons actuellement avec le service d’incendie pour revoir notre schéma départemental d’action, c’est-à-dire la capacité de projection et d’intervention des sapeurs pompiers. J’ai souhaité le remettre au goût du jour, car la protection civile est absolument indispensable. Mais la protection de nos citoyens, c’est aussi la lutte contre la délinquance de manière générale. Sur ce sujet, les chiffres qui me préoccupent, ce sont ceux qui entourent les violences intrafamiliales. Là, on a des statistiques en augmentation. Ça veut dire qu’on assiste à deux phénomènes : d’une part, la parole se libère plus, mais d’autre part, c’est aussi le signe des difficultés grandissantes dans les famille. Ce sujet est une priorité, et quand on a ouvert, fin décembre, la maison familiale de la gendarmerie à Bastia, on a apporté une première réponse.

- À votre arrivée, vous aviez aussi ciblé le développement du territoire comme l’une de vos priorités
- Je suis assez fier du résultat qu’on a obtenu sur cette question. On est en Corse, dans un département qui compte 21 maisons France Services (lieu de regroupement des services publics, NDLR), et j’en ai inauguré quatre. Avec ces établissement, qui regroupent sept, huit, dix, douze services dans une seule unité, on n’a jamais eu autant de service public de proximité. Et ils croulent sous les demandes, donc ça montre l’utilité de ces lieux. L’accompagnement des projets de développement du territoire fonctionne également très bien. Avec l’aide de l’État, on a réalisé plus de 30 millions d’euros de travaux l’année dernière. Donc concrètement, on a eu une injection des moyens publics, pour faire en sorte que le quotidien de nos concitoyens s’améliore.

- La question de l’emploi était également au coeur de vos préoccupations
- On peut se féliciter du fait qu’on a un taux de chômage à 6 %, ce qui constitue le deuxième chiffre le plus bas pour une région française, juste derrière la Bretagne. C’est évidemment la conséquence du redémarrage de l’économie post-Covid, mais ça résulte aussi du plan « 1 jeune 1 solution ». Pendant deux ans, ça a coûté zéro de prendre un apprenti, et donc, ça a permis de recruter énormément de jeunes. On peut parler d’une réussite majeure. Et il n’y a aucune raison que l’on n’ait pas encore un taux de chômage en baisse, en 2023, si la conjoncture ne s’inverse pas.

- Qu’en est-il de la transition énergétique ? Avez-vous œuvré sur ce sujet ?
- Une chose est sûre : 2023 va être l’année de l’accompagnement, très lourd, par l’État, de tous les projets de transition énergétique et écologique. On a des projets de voies vertes, de mise en place de lumières LED, de panneaux photovoltaïques sur les bâtiments publics… On sera au rendez-vous. Et on aura une enveloppe de plusieurs millions d’euros pour appuyer cette volonté.

- L’année 2022 a été marquée par une sécheresse très importante. Comment vous êtes-vous emparé de ce problème ?
- 2022 a été l’année la plus chaude jamais connue en Corse et en Haute-Corse, depuis qu’on répertorie les mesures. Concernant les précipitations, en Haute-Corse, il est tombé 60 % de ce qui tombe habituellement : sur les douze mois de l’année, on a eu dix mois déficitaires. Donc on n’a pas rechargé l’ensemble de nos réserves. Et c’est la raison pour laquelle j’ai proposé, pour 2023, qu’on soit encore plus présents sur l’accompagnement des collectivités en matière de modernisation de leur réseau sous-terrain, parce qu’on est dans un département qui compte beaucoup de pertes d’eau dans les canalisations. On a moins d’eau, et on en perd en cours de route. Donc l’État sera au côté des collectivités dans le futur.

- La crise énergétique a aussi largement occupé le débat public l’année passée, et impacte encore énormément les entreprises. Avez-vous un motif d’espoir à leur donner ?
- Quand un dispositif national d’aide s’ouvre, mon objectif, c’est que ça se répercute directement sur le département. Donc nous organiserons le 18 janvier une grande réunion avec tous les partenaires impliqués par les récentes annonces du gouvernement. Banque de France, Pôle Emploi, Urssaf, CCI, Chambre des métiers, fédérations professionnelles… On va présenter toutes les aides de l’État disponibles, afin que chaque chef d’entreprise sache ce à quoi il peut prétendre. Si ils sont éligibles, ils auront l’aide. Le message que je veux aussi faire passer, c’est que quand des entreprises sont en difficulté, il faut qu’elles le fassent savoir très vite. Il y a beaucoup de chefs d’entreprise qui ont une vraie retenue, une dignité, c’est pas facile pour eux. Mais il faut le dire vite, pour éviter de se retrouver au tribunal de commerce.

- Au rayon des mauvaises nouvelles de l’année, il y a aussi la sécurité routière puisque la Corse est la région la plus accidentogène de France. Comment endiguer ce problème ?
- On a eu plus d’accidents, plus de blessés, et plus de morts qu’en 2021. Nous terminons l’année avec un triste bilan de 18 personnes décédées, on est beaucoup trop élevés par rapport à la moyenne nationale. Donc la première réponse, c’est le contrôle. C’est la raison pour laquelle j’ai souhaité augmenter notoirement les contrôles pendant les fêtes de fin d’année. On a eu un déploiement très important, notamment la nuit du 31 janvier, avec plus de 150 forces de l’ordre sur le territoire. Et ça va continuer. Ensuite, il y a la question de la prévention. On travaille à mettre en place un plan de prévention différent, qui comprend d’ailleurs plus d’actions dans les écoles, car c’est essentiel. En 2022, on a aussi eu des stages de reprise en main des motos par les forces de l’ordre. Et ça, c’est un aspect à développer, parce que presque un décès sur deux concerne un deux roues.

- Si on devait, au contraire, citer un secteur dans lequel la Corse fait figure de modèle…
- (Long silence). C’est très difficile d’en choisir un seul. Sur la question de la sécheresse et de l’eau, dont on parlait précédemment, on a justement vu des choses brillantes. Par exemple, les agrumiers qui ont introduit l’irrigation au goute à goute et le suivi de l’humidité des sols. Pour moi, c’est un élément remarquable. On a aussi une entreprise absolument formidable, qui est en train de créer des robots pour aller dans les canalisations et repérer les fuites. Voilà le type de pépite qu’on a sur le territoire, et qui, demain, peut devenir l’un des leaders internationaux en la matière.

- Les débats autour du statut de la Corse ont également marqué d’actualité de 2022. Comment analysez-vous cette situation ?
- Le Président de la République a souhaité qu’un processus de discussions s’ouvre avec les élus de l’île. Et des premières discussions ont eu lieu. Aujourd’hui, on est dans un moment où les échanges se sont momentanément arrêtés, mais l’État est vraiment prêt à discuter. L’objectif est toujours le même : que l’on puisse améliorer le quotidien des habitants.

- Pour finir, avez-vous un mot à dire aux habitants de Haute-Corse à l'aube de l’année 2023 ?
- Il faut rester confiant. On sait que la situation peut être préoccupante pour beaucoup, et on peut faire le choix d’énumérer les craintes. Je le comprends très bien. En même temps, il faut aussi regarder les aspects positifs : on n’a jamais eu un taux de chômage aussi bas, on a eu une saison touristique exceptionnelle l’année dernière, on a des entreprises qui se développent, des collectivités qui investissent… Il faut qu’on travaille dans un esprit de confiance. L’image que je veux transmettre, c’est celle d’un État proche et réactif dans l’accompagnement de nos concitoyens.