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Hyacinthe Vanni : « Sans réforme constitutionnelle, il ne peut pas y avoir de solutions à la crise »


Nicole Mari le Mardi 1 Janvier 2013 à 23:19

Si la suppression brutale des Arrêtés Miot laisse la Corse en état de choc, la réaction des Sages du Conseil Constitutionnel fait peser de larges inquiétudes sur le traitement par Paris des autres dossiers majeurs en débat à l’Assemblée de Corse (CTC). Hyacinthe Vanni, élu territorial du groupe Femu A Corsica, revient, pour Corse Net Infos, sur les deux projets présentés, en décembre dernier, en commission plénière : la coofficialité de la langue et la réforme institutionnelle. Ce syndicaliste actif au STC (Sindicatu di I Travagliadori Corsi) se livre à un vrai plaidoyer sur l’urgence d’un changement constitutionnel comme seul recours pour sauver la Corse du marasme économique, social et culturel dont lequel elle s’enfonce.



Hyacinthe Vanni : « Sans réforme constitutionnelle, il ne peut pas y avoir de solutions à la crise »
- Approuvez-vous le projet de statut de coofficialité qui vous a été présenté en Commission plénière ?
- Le projet a été présenté lors d’une réunion de toutes les commissions. Pour notre part, il peut nous convenir. Mais, sans changement de la Constitution, ce projet est caduc. Argumenter, que la coofficialité est discriminatoire, est faux ! Au contraire, elle est un facteur d’intégration, pas d’exclusion. Elle permettra aux gens, qui arrivent et désirent s’installer, d’apprendre notre langue.
 
- Quel est votre sentiment sur le rapport Chaubon que l’on dit très frileux et très en deçà des attentes nationalistes ?
- On nous a demandé de ne pas diffuser la teneur du document que l’on nous a remis. Je m’en tiendrai à ce qui a été décidé en Commission. Mais, on peut déjà dire que le compte n’y est pas ! Pour le reste, les discussions ne sont pas fermées. Mais, il faudra bien arriver, un jour, à solutionner le problème de la langue et du foncier. Je le répète, sans changement de la Constitution, je ne vois pas comment on pourra faire.
 
- En quoi le rapport Chaubon n’est-il pas satisfaisant ?
- On nous a demandé de garder un peu de réserve. Je dirais seulement que, dans un document de cette sorte, s’il n’y a pas le minimum du minimum, ça va poser quelques problèmes !
 
- Pourquoi jugez-vous la réforme constitutionnelle essentielle pour l’avenir de la Corse ?
- Ne serait-ce que pour faire valider le PADDUC (Plan d’aménagement et de développement durable de la Corse) ! Sans réforme qui l’inscrirait dans la Constitution, il aurait, apparemment, quelques petits problèmes de légalité et d’application. A Femu a Corsica, nous avons fait acté, en préambule du PADDUC, que ce plan devait être mis en œuvre pour le peuple corse. Il reste, encore, beaucoup de choses à discuter. Nous allons encore travailler et faire d'autres propositions. Nous avons, déjà, fait une contribution à la Commission Chaubon. Mais, si nous n’arrivons pas à obtenir cette réforme, je crains que tous les espoirs ne soient balayés.
 
- Vous parlez d’une contribution. De quelle nature est-elle ?
- Nous rendrons cette contribution, publique, le moment venu. C’est un document de travail où tout est lié. La réforme constitutionnelle ne va pas régler tous les problèmes, mais va y contribuer. Il faut vraiment changer les choses. On nous fait le procès de nous désintéresser du social. Bien au contraire, nous sommes tous les jours sur le terrain. Et, nous ne ménageons pas nos efforts. C'est pour cela que nous voulons une évolution institutionnelle qui doit permettre de répondre aux besoins des gens qui souffrent au quotidien. Aujourd'hui, des personnes ne peuvent, ni s'acheter une paire de lunettes, ni payer des frais dentaires, ni satisfaire des besoins élémentaires. On attendait, avec impatience, le tournant social annoncé par le nouveau président de la République. Nous ne voyons pas de mesures révolutionnaires, peut-être un peu dans le logement. Pour le reste, il n’y a rien !
 
- Justement, les anti-réformes reprochent aux Nationalistes de se focaliser plus sur la réforme constitutionnelle que sur les problèmes des gens ?
- Personne n'a le monopole du social ! Nous autres, Nationalistes, nous sommes touchés par le problème social comme les autres, peut-être même encore plus ! Je suis bien placé pour en parler. Je viens d'un petit village de l'intérieur et d'un milieu social très modeste. J'ai perdu mon père à l'âge de 10 ans, ma mère a élevé, seule, ses trois enfants. Je connais les problèmes des retraités qui ne perçoivent pas grand chose puisque des gens, qui me sont très proches, vivent avec 700 € par mois. S'ils n'avaient pas une famille pour les aider, ni ils se chaufferaient, ni ils pourraient subvenir à leurs besoins quotidiens. C'est pour cela que je suis très touché par cette problématique de la précarité et que j'en fais une priorité de mon travail d'élu et de syndicaliste, un combat dans lequel je m’investis au quotidien.
 
- La priorité n’est-elle pas de trouver des solutions à la crise économique ?
- Tout est lié ! C’est simple. Sans réforme, il ne peut pas y avoir de solutions à la crise que traverse notre pays. Veut-on sauver notre langue ou veut-on la laisser mourir ? Nous, nous voulons la sauver. Pour la sauver, tous les experts le disent, il faut un statut de coofficialité. Veut-on, oui ou non, que nos enfants accédent à la propriété ? Aujourd’hui, un Corse moyen peut-il accéder à la propriété ? Non ! Un jeune, qui gagne le SMIC, ne peut même plus se loger. Comment fait-il ? Que peut-on lui proposer ? Les Corses sont-ils condamnés à vivre dans les HLM ? C’est ça la vraie problématique. Demain, ce sera pire. Il ne nous restera plus rien ! Veut-on le transfert des compétences fiscales pour sauver les arrêtés Miot ? Sans réforme constitutionnelle, quels sont les autres leviers ? Qu’on nous le dise ! Aujourd’hui, notre langue meurt, notre culture n’existe quasiment plus et, bientôt, nous n’aurons plus de terres puisque le foncier nous échappe. Je ne vois pas quoi faire d’autre ! Le statu-quo ne nous convient pas. Nous voulons avancer.
 
- Que proposez-vous ?
- Le social et le développement économique sont nos priorités, au même titre que sauver notre culture, notre langue et notre patrimoine. Mais, nous n’avons pas de baguette magique. Peut-on, aujourd’hui, dans l’état actuel des compétences de la CTC, changer les choses ? Non ! Il faut, donc, aller plus loin ! L’économie a besoin d’un outil pour se développer. Cet outil peut être donné par la réforme constitutionnelle et le PADDUC. Pour cela, il faut que la CTC soit vraiment le moteur du développement économique, et non un lieu où l’on essaye d’arranger les affaires des uns et des autres.
 
- Tous les groupes politiques appellent à un référendum dans l’espoir, pour certains, d’enterrer la réforme. Que se passera-t-il si le peuple ne la valide pas ?
- Si le peuple ne la valide pas, nous n’aurons rien ! Ne nous y trompons pas, nous n’aurons plus, ni langue, ni culture, ni terres ! Et là, les problèmes économiques et sociaux seront encore plus importants. Mais, ce n’est, quand même pas, la force de France - Corse qui va nous empêcher d’avancer ! Les Corses doivent prendre la mesure de cette réforme. Veulent-ils garder leur langue ? Oui. Tout le monde est d’accord pour reconnaître que la langue corse fait partie de notre patrimoine. Veulent-ils garder leur culture ? Oui. Veulent-ils garder leurs terres ? Oui. Veut-on vivre mieux dans ce pays avec moins d’inégalités sociales ? Oui. Nous sommes tous d’accord. Pour faire tout cela, il faut une réforme constitutionnelle. On ne fait pas une réforme constitutionnelle pour le plaisir ! Il faut bien expliquer que, si nous ne la faisons pas, ce sera très difficile pour l’avenir.
 
- Paris n’y semble pas favorable. Comment prenez-vous les propos de Manuel Valls qui a fermé la porte à toutes les évolutions sur lesquelles la CTC travaille depuis 2 ans ?
- Manuel Valls dit beaucoup de choses ! Il dit tout et son contraire ! En Corse, il dit qu’aucune porte n’est fermée. A Paris, il dit que rien n’est d’actualité. Ce n’est pas Paris qui va décider de notre programme ! C’est à nous, ici, à la CTC de porter les réformes. Listons d’abord ce dont nous avons besoin, sortons un projet avec une majorité confortable, faisons-le valider par le peuple et prenons notre destin en main. Après, nous verrons bien si l’Etat français nous fermera toutes les portes !
 
Propos recueillis par Nicole MARI