
Il dit que la première fois, il ne l’a pas vue. Il l’a entendue. Enfant d’Ersa, perché dans le Cap Corse, Hugo Micheli n’avait qu’un mois lorsque la Giraglia est passée devant sa maison. C’était en 1996. Il ne s’en souvient pas vraiment. Mais il sait. Il sait que depuis cette année-là, il n’a jamais manqué une seule édition de la course. « Ersa, c’est l’un des points de passage de la Giraglia, l’une des courses les plus mythiques de Corse », dit-il. Une phrase posée, comme une évidence. Il parle d’un paysage qui est le sien, et d’un rugissement de moteurs qui, chaque année, vient briser le silence du maquis. « Ça va bientôt faire 29 ans, et je n’ai raté aucune édition depuis ! » Il a grandi là, à écouter les voitures passer. Et à rêver, déjà, de se retrouver de l’autre côté.
Une histoire de famille… et de négociation
Chez les Micheli, le rallye est une affaire de famille. « Mon grand-oncle fait des rallyes depuis toujours. Mon grand-père et mon père en ont fait aussi. » Un enfant bercé par les moteurs, des routes corses comme terrain de jeu, et une île où le sport automobile passe forcément par le rallye. La transmission n’était pas obligatoire. Mais elle semblait naturelle. « En Corse, c’est beaucoup plus facile de faire du rallye qu’un autre sport automobile, parce qu’on est assez mal lotis niveau circuits », analyse-t-il. Il dit avoir fait un peu de karting, mais sans plus. « Dès que j’ai eu mon permis et une voiture, j’ai su que je voulais faire des rallyes. On roule tous les jours sur les routes de villages, et on prend forcément goût à mettre un peu de vitesse. »
Mais la décision ne se prend pas sans heurts. « Mon grand-oncle était le seul à vouloir que je fasse des rallyes, il me supporte depuis le début », se souvient-il. Les autres membres de la famille, eux, hésitent. Le danger, l’inquiétude. Alors il fait un pacte. « Je leur ai dit que j’arrêtais de conduire vite sur la route de tous les jours s’ils me laissaient faire du rallye. Aujourd’hui, ils subissent un peu ce choix, mais ils me suivent quand même avec assiduité. »
La première course, le premier déclic
Le premier départ officiel, c’était en 2017. Il court son tout premier rallye, avec Mickael Camilli. Son copilote, son binôme, son ami. « C’est un souvenir mitigé parce qu’on n’a pas fini le rallye », reconnaît-il. Mais ce qu’il en retient, c’est autre chose. Une sensation nouvelle, une promesse qui se profile. « Je suis arrivé sans certitude, sans connaître mon niveau, et je me suis juste dit qu'on allait voir ce que ça donne. Avec Mickael, on s’est dit qu’on allait tenter, et à l’arrivée de la première spéciale, on fait un 10e ou un 11e temps sur une centaine d’engagés, et le 2e de la catégorie. Donc ça a lancé une belle série. »
L’année suivante, il se classe 9e à la Giraglia. En 2019, il termine 4e du championnat de France des rallyes junior. Puis vient 2021. Et là, tout s’aligne. Il remporte la Giraglia, avec Mickael Camilli. La course de son village. Celle qui lui a donné envie. Celle qu’il connaît par cœur. « La Giraglia, c’est les routes de mon village, c’est aussi le rallye le plus mythique de Corse, celui où il y a le plus haut niveau, parce qu’on est en championnat de France 2e division, donc selon moi, c’est le plus beau rallye. Après cette victoire, on a tous les deux pleuré à l’arrivée parce que c’était notre rêve de gosse. » Les mots sont simples, mais chargés. Il parle d’une émotion d’enfant qui ne s’est jamais dissipée. Et qui, sur la ligne d’arrivée, ressurgit intacte.
Une constance qui dit tout
Deux ans plus tard, en 2023, Hugo Micheli remporte une nouvelle fois la Giraglia. Toujours avec le même copilote. La même route. La même complicité. Cette année-là, il monte aussi sur le podium du rallye de Costa Serena (2e), de Balagne (3e), et termine 5e du rallye di e Strade Vecchie.
À ceux qui lui demandent s’il a peur, il répond avec calme. « Un bon pilote doit être calme et avoir la tête sur les épaules », explique-t-il. « Soit on est bon, soit on ne l’est pas. En tout cas, je n’ai jamais peur, parce que je sais que ça ne craint rien, je sais qu’il ne m’arrivera rien de grave. » Il concède un léger stress, juste avant le départ. « Mais c’est du bon stress parce que j’ai envie de bien faire les choses, et il y a forcément un peu de pression pour ne pas échouer. » Et puis, il y a cette confiance totale avec Mickael Camilli. « On est amis, et je n’ai pas besoin d’écouter deux fois ce qu’il me dit, parce que quand il me dit quelque chose, je sais que c'est ça et pas autre chose. À l’inverse, il met sa vie entre mes mains, et il a confiance en moi. »
Deux nouveaux rendez-vous en 2025
L’agenda de 2025 est déjà bien tracé. D’abord, la Giraglia, du 11 au 13 avril. « Ce mois-ci, je vais me retrouver contre Léo Rossel, le champion de France en titre, mais on va essayer de gagner quand même », dit-il en souriant.
Puis, à l’automne, le Tour de Corse Historique. Une première pour lui. Et un nouveau défi : une Porsche des années 1970, qu’il pilotera pour la première fois. « Je ne me prononce pas trop parce que je ne connais pas bien la voiture et que c’est la première fois que je roule avec ce type de catégorie. Je vais pouvoir la tester sur les routes du continent un mois avant la course. »
Pilote amateur, mais cœur pro
Il ne vit pas du rallye. Il ne l’a jamais voulu. Hugo Micheli est chef d’entreprise. Et ses engagements dans le sport automobile, il les organise autour de sa vie. « Les rallyes ne demandent pas beaucoup de temps de préparation », assure-t-il. « Il y a des reconnaissances à faire, en général le week-end avant, mais je n’en fais pas tant que ça parce que je connais déjà les routes. » Seule exception cette année : le Tour de Corse. « Il faudra juste que je trouve du temps parce que la reconnaissance et la course vont durer deux semaines. Ce sera une charge de travail un peu plus grosse, mais ce n’est pas grave. »
Pour le moment, il se concentre sur la Giraglia. Demain, la course s’élancera à nouveau. Hugo Micheli sera au départ, comme toujours, pour ouvrir une nouvelle page de sa carrière. Une page qu’il n’a jamais cessé d’écrire, virage après virage, sur les routes de son enfance.