« Ce recours formé par l’Etat contre la DSP très haut débit est révélatrice d'une volonté de déclarer la guerre au Conseil exécutif et à la majorité territoriale, plus grave d’une volonté de porter un coup bas à la Corse, ses projets et le développement de son économie… C'est un assassinat politique, économique et social. C'était une démarche qui avait été validée à chaque pas par l'Etat. Cette décision, d'un point de vue politique, n'est pas acceptable ». En quelques mots lapidaires, le président du Conseil exécutif de Corse, Gilles Simeoni, a, lors de la dernière session de l’Assemblée de Corse, résumé ce qui est devenu l’affaire du marché de la la fibre. L’affaire, qui a fait monter d’un cran la tension, déjà très vive, entre la majorité régionale et la Préfète de Corse, était, donc, examinée mercredi au Tribunal de Bastia où s’affrontaient représentants de la Collectivité de Corse (CdC) et représentant de la Préfecture sur un dossier qui, mené main dans la main avec l’Etat, se voulait bien ficelé et exemplaire.
Un enjeu stratégique
Lorsqu’en juin 2018, la délégation de service public (DSP) est octroyée après un appel d’offres sécurisé au possible à l’opérateur de téléphonie mobile SFR, la Corse, dans son ensemble, pousse, malgré quelques râles d’inquiétude et de scepticisme, un cri de victoire. Ce contrat de 275 millions € de travaux sur 5 ans, l’île en a cruellement besoin pour se doter d’une couverture Très haut débit uniforme et résorber la fracture numérique qui isole et plombe une grande partie de l’intérieur et même certaines zones littorales. L’enjeu est si terriblement stratégique que la majorité territoriale l’a érigé en priorité politique. Deux délibérations votées en juillet 2016 à l’unanimité valident la mise en œuvre opérationnelle de la première phase du schéma directeur territorial d’aménagement numérique et lancent la procédure d’appel d’offres pour ladite DSP. La procédure, qui dure plus d’un an et demi, met en lice six candidats et aboutit à la désignation de l’opérateur SFR Collectivités comme délégataire de service public (DSP) du futur réseau à très haut débit de la Corse. La convention support engage la CDC et son délégataire sur une durée de 30 ans. « Cette négociation, qui s’est étalée sur six mois, a été menée de la façon la plus rigoureuse qui soit. L’équilibre contractuel, que nous proposons, est le meilleur que nous puissions échafauder. SFR avait une offre largement meilleure et tellement intéressante. Il était impossible de refuser », justifiait, alors, le président de l’Exécutif. Les montants variant du simple au double avec Orange, l’opérateur historique très impliqué de l’île.
Des retombées pour la Corse
La seule inquiétude portait sur la capacité de SFR à honorer ses engagements après l’expérience malheureuse de Bastia. « Cette DSP est capitale pour la Corse : 52 millions € de fonds publics seront investis pour valoriser 275 millions € d’investissement et couvrir 100% du territoire en très haut débit, via la fibre optique. SFR s’engage à atteindre cet objectif de couverture en 5 ans et à construire en conséquence 160 000 prises FTTH et 7000 kilomètres d’infrastructure », précisait, alors, Gilles Simeoni. L’opération est cofinancée par l’Etat au titre du PEI (Plan Exceptionnel d’investissements) et du Plan France Très haut débit à hauteur de 67% - soit 34,84 millions € - du montant de la subvention allouée au délégataire. La part d’autofinancement de la CDC est ainsi ramenée à 17,6 millions €. L’Exécutif ayant multiplié les garanties, le contrat semblait en bonne voie. Mais voilà, Gilles Simeoni exige aussi un « maximum de retombées pour la Corse ». SFR s’engage, donc, à privilégier massivement les emplois locaux en réservant la totalité de la sous-traitance (hors conception) à des entreprises insulaires, et a assuré près de 30 000 heures de formation et 95 000 heures d’insertion. C’est ce point qui deviendra in fine la pierre d’achoppement avec l’Etat !
Une accusation de favoritisme local
En mai 2019, la préfète de Corse, Josiane Chevalier, rend un verdict négatif au terme de son contrôle de légalité de la procédure. Elle estime que « la présence d’éléments d’appréciation relatifs au contexte/ emploi local pouvant être considérés comme des sous-critères dans la mesure où ils exercent une influence, nonobstant leur irrégularité, sur la présentation des offres et devaient conséquemment être portés à la connaissance des candidats… ». Elle met en cause deux mentions : « Le président de l’Exécutif souhaite savoir l’impact de la DSP sur l’emploi qu’il soit direct ou indirect » et « Le président de l’Exécutif souhaite que la dimension d’emploi local soit intégrée au cahier des charges de la DSP dans le strict respect de la règlementation ». Elle conclut : « Ces mentions fragilisent la procédure et peuvent être considérées comme une volonté de favoritisme local ». Elle dépose le 15 mai auprès du Tribunal administratif de Bastia, un référé de suspension et un référé en annulation de la DSP Très haut débit.
Un recours scandaleux
Le recours de l’Etat provoque la colère de Gilles Simeoni qui le juge : « scandaleux » d’autant qu’aucun candidat évincé de ce juteux marché n’a, pour sa part, saisi la justice. « La chronologie et le contenu de ce dossier démontrent que ce recours est dicté, non par des considérations juridiques, mais par la volonté politique de détruire un dossier stratégique dont l’Etat a pourtant, tout au long de son élaboration, validé, à chaque étape, le contenu et les contours. La démarche a, ainsi, été validée à chaque pas, par l’Agence du numérique, le SDAC, le contrôle budgétaire, par les ministres… ». L’Exécutif dénonce un recours introduit six mois après le délai légal de deux mois, prolongé tous les deux mois par des lettres d’observation dont « aucune ne porte le même grief. Nous avons répondu aux deux premiers griefs qui ont été abandonnés. On nous en a sortis deux autres… qui ont été abandonnés jusqu’à soutenir le grief de discrimination alors que le cahier des charges respecte strictement la réglementation actuelle. Comme tout responsable politique digne de ce nom, j’ai cherché, dans le respect du droit actuel à faire que les 275 millions € d’investissements aient des retombées économiques sur le tissu local. Tous les présidents de régions de France le font, l’ANRU le fait, tous les donneurs d’ordre le font… ».
Des travaux engagés
C’est ce qu’a plaidé la défense de la CdC à l’audience où le débat s’est focalisé sur des points techniques. En face, le représentant de l’Etat rempile sur le critère de discrimination et soulève la question de la bonne utilisation de l’argent public. Le représentant de SFR fait remarquer que les travaux ont commencé sur le terrain où 100 personnes sont déjà à pied d’œuvre, les relevés d’épiquetage et la formation sont en cours… Ce recours, s’il aboutissait, ferait perdre à la Corse la subvention publique de 52 millions €, inédite, arrachée par l’Exécutif dans un contexte aujourd’hui caduc… et pourrait bien renvoyer la couverture haut débit de l'île aux calendes grecques. C'est dire son importance...
N.M.
Un enjeu stratégique
Lorsqu’en juin 2018, la délégation de service public (DSP) est octroyée après un appel d’offres sécurisé au possible à l’opérateur de téléphonie mobile SFR, la Corse, dans son ensemble, pousse, malgré quelques râles d’inquiétude et de scepticisme, un cri de victoire. Ce contrat de 275 millions € de travaux sur 5 ans, l’île en a cruellement besoin pour se doter d’une couverture Très haut débit uniforme et résorber la fracture numérique qui isole et plombe une grande partie de l’intérieur et même certaines zones littorales. L’enjeu est si terriblement stratégique que la majorité territoriale l’a érigé en priorité politique. Deux délibérations votées en juillet 2016 à l’unanimité valident la mise en œuvre opérationnelle de la première phase du schéma directeur territorial d’aménagement numérique et lancent la procédure d’appel d’offres pour ladite DSP. La procédure, qui dure plus d’un an et demi, met en lice six candidats et aboutit à la désignation de l’opérateur SFR Collectivités comme délégataire de service public (DSP) du futur réseau à très haut débit de la Corse. La convention support engage la CDC et son délégataire sur une durée de 30 ans. « Cette négociation, qui s’est étalée sur six mois, a été menée de la façon la plus rigoureuse qui soit. L’équilibre contractuel, que nous proposons, est le meilleur que nous puissions échafauder. SFR avait une offre largement meilleure et tellement intéressante. Il était impossible de refuser », justifiait, alors, le président de l’Exécutif. Les montants variant du simple au double avec Orange, l’opérateur historique très impliqué de l’île.
Des retombées pour la Corse
La seule inquiétude portait sur la capacité de SFR à honorer ses engagements après l’expérience malheureuse de Bastia. « Cette DSP est capitale pour la Corse : 52 millions € de fonds publics seront investis pour valoriser 275 millions € d’investissement et couvrir 100% du territoire en très haut débit, via la fibre optique. SFR s’engage à atteindre cet objectif de couverture en 5 ans et à construire en conséquence 160 000 prises FTTH et 7000 kilomètres d’infrastructure », précisait, alors, Gilles Simeoni. L’opération est cofinancée par l’Etat au titre du PEI (Plan Exceptionnel d’investissements) et du Plan France Très haut débit à hauteur de 67% - soit 34,84 millions € - du montant de la subvention allouée au délégataire. La part d’autofinancement de la CDC est ainsi ramenée à 17,6 millions €. L’Exécutif ayant multiplié les garanties, le contrat semblait en bonne voie. Mais voilà, Gilles Simeoni exige aussi un « maximum de retombées pour la Corse ». SFR s’engage, donc, à privilégier massivement les emplois locaux en réservant la totalité de la sous-traitance (hors conception) à des entreprises insulaires, et a assuré près de 30 000 heures de formation et 95 000 heures d’insertion. C’est ce point qui deviendra in fine la pierre d’achoppement avec l’Etat !
Une accusation de favoritisme local
En mai 2019, la préfète de Corse, Josiane Chevalier, rend un verdict négatif au terme de son contrôle de légalité de la procédure. Elle estime que « la présence d’éléments d’appréciation relatifs au contexte/ emploi local pouvant être considérés comme des sous-critères dans la mesure où ils exercent une influence, nonobstant leur irrégularité, sur la présentation des offres et devaient conséquemment être portés à la connaissance des candidats… ». Elle met en cause deux mentions : « Le président de l’Exécutif souhaite savoir l’impact de la DSP sur l’emploi qu’il soit direct ou indirect » et « Le président de l’Exécutif souhaite que la dimension d’emploi local soit intégrée au cahier des charges de la DSP dans le strict respect de la règlementation ». Elle conclut : « Ces mentions fragilisent la procédure et peuvent être considérées comme une volonté de favoritisme local ». Elle dépose le 15 mai auprès du Tribunal administratif de Bastia, un référé de suspension et un référé en annulation de la DSP Très haut débit.
Un recours scandaleux
Le recours de l’Etat provoque la colère de Gilles Simeoni qui le juge : « scandaleux » d’autant qu’aucun candidat évincé de ce juteux marché n’a, pour sa part, saisi la justice. « La chronologie et le contenu de ce dossier démontrent que ce recours est dicté, non par des considérations juridiques, mais par la volonté politique de détruire un dossier stratégique dont l’Etat a pourtant, tout au long de son élaboration, validé, à chaque étape, le contenu et les contours. La démarche a, ainsi, été validée à chaque pas, par l’Agence du numérique, le SDAC, le contrôle budgétaire, par les ministres… ». L’Exécutif dénonce un recours introduit six mois après le délai légal de deux mois, prolongé tous les deux mois par des lettres d’observation dont « aucune ne porte le même grief. Nous avons répondu aux deux premiers griefs qui ont été abandonnés. On nous en a sortis deux autres… qui ont été abandonnés jusqu’à soutenir le grief de discrimination alors que le cahier des charges respecte strictement la réglementation actuelle. Comme tout responsable politique digne de ce nom, j’ai cherché, dans le respect du droit actuel à faire que les 275 millions € d’investissements aient des retombées économiques sur le tissu local. Tous les présidents de régions de France le font, l’ANRU le fait, tous les donneurs d’ordre le font… ».
Des travaux engagés
C’est ce qu’a plaidé la défense de la CdC à l’audience où le débat s’est focalisé sur des points techniques. En face, le représentant de l’Etat rempile sur le critère de discrimination et soulève la question de la bonne utilisation de l’argent public. Le représentant de SFR fait remarquer que les travaux ont commencé sur le terrain où 100 personnes sont déjà à pied d’œuvre, les relevés d’épiquetage et la formation sont en cours… Ce recours, s’il aboutissait, ferait perdre à la Corse la subvention publique de 52 millions €, inédite, arrachée par l’Exécutif dans un contexte aujourd’hui caduc… et pourrait bien renvoyer la couverture haut débit de l'île aux calendes grecques. C'est dire son importance...
N.M.