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Gilets jaunes : la tentation politique


Jacques RENUCCI le Vendredi 25 Janvier 2019 à 18:59

Le mouvement est divisé sur sa présence aux élections européennes. Un pari risqué pour ceux qui se revendiquent contre tout système



 Gilets jaunes : la tentation politique

Parmi les revendications de base des Gilets jaunes, il y avait le référendum d'initiative citoyenne, ou RIC. Aujourd’hui, l'acronyme est réutilisé : il sert à désigner le « Ralliement d'Initiative Citoyenne », autrement dit la liste que les Gilets jaunes envisagent de présenter aux élections européennes. Une liste menée par Ingrid Levavasseur - cette aide-soignante qui avait pourtant à de multiples reprises, sur les plateaux de télévision, indiqué que la vocation de base du mouvement n'allait pas dans ce sens. Mais ils étaient nombreux, autour d'elle, à juger qu'il fallait que la revendication entreprise sorte des ronds-points pour prendre appui ailleurs afin de se pérenniser. Pour le moment, la liste ne compte que 10 personnes, sur les 79 qu'elle devra comporter une fois complète.

 

Un engagement surprenant

 

Un tel engagement pourrait paraître surprenant : les Gilets jaunes, ont, parmi les caractéristiques qui se dégagent de leur courte histoire, manifesté une méfiance confinant au rejet vis-à-vis de la classe politique dans son ensemble. Ils ambitionnaient d'approcher – et peut-être de résoudre – les problèmes de la population par des voies autres que celles que la pratique ordinaire propose. Mais il semble que certains d'entre eux sont en train de l'admettre : seul le système démocratique offre les clés de l'action en profondeur. Si on veut progresser avec une chance de voir ses projets aboutir, il faut, même si cela peut paraître contre nature, entrer dans le cercle des décideurs. Avec précaution et distance quand même. Ainsi, la liste RIC (dont on attend le programme) déclare qu'il faut « transformer la colère en un projet politique humain ». Pour avoir des eurodéputés « porte-parole des citoyens «  contre « les décisions des instances européennes et les diktats des castes de financiers et de technocrates », cette liste-surprise compte sur le soutien de tous ceux qui se sentent exclus du système, un soutien qui persiste de sondage en sondage.

 

Une initiative diversement jugée

 

Mais passer l'épreuve du suffrage universel n'est pas simple à plus d'un titre. D'abord, une campagne se finance, avec, dans le contexte dont il est question, un capital de base de 700 000 à 800 000 euros. Comment trouver cette somme ? Par le financement participatif, ou crowdfunding, disent les colistiers. Mais cela n'est pas permis par le règlement européen des comptes de campagne... Ensuite, l'initiative de lancer une liste ne fait pas l'unanimité au sein des Gilets jaunes, par définition « transpartisans », toutes les sensibilités se retrouvant au sein du mouvement. Certains, comme Eric Drouet, figure médiatique de la revendication dure, s'y opposent farouchement ; d'autres, comme Jacline Mouraud, à l'origine de la première révolte contre la taxation des carburants, respectent l'initiative mais émettent des réserves. Car le jeu est risqué : pour être crédible, une liste doit avoir une assise idéologique, un positionnement au sein de l'ensemble qu'est la Parlement européen. Aujourd'hui, les Gilets jaunes capitalisent sur une sympathie qui transcende les clivages ; ce ne sera peut-être plus le cas demain.

Enfin, paradoxe ultime, la candidature Gilets jaunes, créditée parfois de 13% des suffrages, prend des voix aux partis qui (non sans des arrière-pensées de récupération) défendent le mouvement, du Rassemblement national à la France insoumise. Ainsi, au final, il serait cocasse que ceux qui ont fait de « Macron démission » un de leurs mots d'ordre affaiblissent les oppositions et confortent, par leur seule présence à l'élection, le parti présidentiel au sein de l'ensemble européen.