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G. Simeoni : « Notre pari est d’être la force motrice de la prochaine Assemblée »


Nicole Mari le Dimanche 19 Avril 2015 à 00:31

Lors de l’Assemblée générale d’Inseme per a Corsica, samedi à Corte, le leader nationaliste modéré, Gilles Simeoni, a évoqué la feuille de route de son mouvement pour les prochaines élections territoriales qui auront lieu en décembre. Faisant un triple constat de la fermeture totale de l’Etat, de la mutation du corps politique traditionnel et des faiblesses du mouvement national, il explique, à Corse Net Infos, qu’il faut repenser la stratégie et renforcer la mobilisation populaire et militante. Son objectif est de faire des Nationalistes la force motrice de la prochaine Assemblée de Corse (CTC), capable d’agréger les autres forces du mouvement national et les progressistes de droite et de gauche dans un pacte de gouvernement clair. Aucun accord n’a été passé pour l’instant. Tout reste à construire.



Gilles Simeoni, leader d'Inseme per a Corsica et d'Inseme per Bastia, conseiller territorial Femu a Corsica et maire de Bastia.
Gilles Simeoni, leader d'Inseme per a Corsica et d'Inseme per Bastia, conseiller territorial Femu a Corsica et maire de Bastia.
- Quel est l’objet de cette Assemblée générale ?
- C’est une Assemblée générale importante. Elle répond, d’abord, à une forte demande des militants de tirer les enseignements de la mandature qui vient de s’écouler. Il s’agit, ensuite, de faire un point sur la situation politique générée par le refus de l’Etat de prendre en compte les délibérations votées, tantôt à la majorité, tantôt à l’unanimité, par l’Assemblée de Corse (CTC). Cette situation crée, objectivement, un déni de démocratie et engendre la nécessité d’une réflexion stratégique.

- Pourquoi ?
- Notre engagement repose sur l’action démocratique et, donc, sur la conviction que, dès lors que la Corse s’exprime de façon démocratique et majoritaire en faveur d’un certain nombre d’options, l’Etat se doit de les prendre en compte. Or, ce n’est pas le cas sur des sujets qui, pour nous, sont fondamentaux ! Nous devons tirer les conséquences de cette situation nouvelle.
 
- C’est-à-dire ?
- L’attitude de l’Etat est inacceptable ! Elle ne doit, bien sûr, pas nous conduire à la surenchère ou à une attitude d’irresponsabilité ou de rétractation. Au contraire ! Notre stratégie doit être plus que jamais affirmée sur un certain nombre d’aspects, notamment notre attachement indéfectible aux fondamentaux du nationalisme tels qu’ils ont été portés depuis bientôt un demi-siècle. Dans le même temps et de façon tout aussi forte, nous devons affirmer notre volonté d’ouverture, y compris vers des gens qui ne se revendiquent pas nationalistes, mais qui se reconnaissent dans des idées et des valeurs que nous partageons les uns et les autres.
 
- La fermeture de l’Etat vous oblige, aussi, à changer de stratégie. En quel sens ?
- Il faut se redéployer et réinvestir le terrain des luttes et de la mobilisation populaire pour se donner les moyens, notamment en décembre 2015, d’être la force motrice de l’alternative. Il faut, à la fois, renforcer le poids du nationalisme, le poids de Femu a Corsica et du mouvement national, et ne pas se contenter d’une action parlementaire qui montre ses limites. Notre pari est que, si nous sommes en situation d’exercer des responsabilités, si nous sommes la force motrice de la prochaine Assemblée de Corse, adossée, non seulement à un fort groupe d’élus, mais aussi à un mouvement et à une forte mobilisation populaire, l’Etat ne pourra pas faire autrement que de prendre en compte nos revendications.
 
- A l’instar des processus écossais et catalans, la Corse ne doit-elle rien attendre de l’Etat, mais tout d’elle-même ?
- Oui ! C’est un peu la philosophie de l’autodétermination. L’Etat ne veut pas avancer sur la voie d’une solution politique. On ne peut pas être en permanence en situation d’attente ou de demande vis-à-vis d’un Etat qui reste sourd à nos revendications ! Il y a suffisamment d’énergie et de forces vives en Corse pour, au quotidien, construire l’émancipation à laquelle nous aspirons. C’est particulièrement valable dans le domaine culturel, mais aussi dans le domaine économique et social.
 
- Cette Assemblée générale a, aussi, acté votre volonté de maintenir un haut niveau de revendication. Vous ne cédez rien ?
- Non ! Cette Assemblée générale a acté notre volonté de maintenir très haut et très fort le niveau de revendication par rapport aux fondamentaux : la terre, la langue, les Arrêtés Miot, le transfert de fiscalité, le pouvoir législatif, mais aussi d’être dans une démarche pragmatique au quotidien. Devant la crise économique et sociale sans précédent qui frappe la Corse, les gens nous attendent, aussi, sur notre capacité à apporter des réponses concrètes à leurs problèmes, non pas dans 5 ou 10 ans, mais dès demain matin si nous exerçons les responsabilités. D’ores et déjà, le nationalisme est porté par une force dynamique et par la jeunesse. Parmi les 400 militants présents aujourd’hui, il y avait de nombreux maires, des chefs d’entreprise, des agriculteurs, des universitaires, des acteurs culturels… des gens qui sont investis dans tous les domaines de la vie collective. Notre volonté est d’élargir et de renforcer notre dynamique pour être le plus populaire, le plus réactif et le plus efficace possible.
 
- L’enjeu, c’est l’élection territoriale de décembre. Pourquoi dites-vous que vous n’êtes pas encore prêts ?
- C’est toute la problématique qu’ont connu d’autres forces politiques et d’autres mouvements d’émancipation dans d’autres régions d’Europe ou d’autres pays. Passer d’une logique de résistance et d’opposition à une logique d’exercice des responsabilités, cela implique de se renforcer collectivement, de s’ouvrir, de se mobiliser très largement, de rassembler, dans un grand élan populaire, l’ensemble des forces vives de ce pays, qu’il s’agisse des Corses d’ici, de la diaspora… Il faut, dès janvier prochain, être en capacité d’exercer les responsabilités et de s’affirmer comme la force motrice d’une majorité à construire, certainement élargie à des forces non nationalistes. Nous devons être capable de construire ce pays, y compris dans un contexte très difficile d’un point de vue des finances de la CTC, de la crise économique et sociale et des dégâts qu’ont causé, dans le corps social, des décennies de politique d’assistanat, de clientélisme et de dépendance.
 
- Vous plaidez pour une union avec tous les Nationalistes. Pensez-vous réussir à dépasser le lourd contentieux qui vous sépare ?
- Il faut le dépasser ! L’heure n’est ni aux logiques d’appareils, ni aux querelles de personnes ! On ne peut pas imaginer de ne pas se donner tous les moyens de mettre en cohérence et en convergence l’ensemble des forces du mouvement national. C’est une nécessité absolue ! Comment cela se traduira-t-il au plan électoral ? Il est encore trop tôt pour en parler ! L’annonce par le principal mouvement clandestin de son processus de démilitarisation est un fait politique très important ! Nous sommes d’accord sur un certain nombre de points fondamentaux. Il faut renforcer la cohésion de façon complémentaire avec la volonté partagée de s’ouvrir aux forces de progrès dans le cadre d’un pacte de gouvernement qu’il faudra construire.
 
- Pensez-vous transposer, d’une manière ou d’une autre, l’alliance bastiaise à la CTC ?
- On ne peut pas comparer des élections municipales et des élections territoriales. Notre identité politique est claire. Nous sommes attachés à un certain nombre de fondamentaux qui sont portés, depuis 50 ans, par le nationalisme. Nous plaçons, au cœur de notre engagement public et politique, la notion de peuple corse, le respect et la prise en compte de ses droits. Nous avons la volonté de passer des contrats politiques clairs avec l’ensemble des forces de progrès, qui sont prêtes à faire un bout de chemin en prenant en compte les fondamentaux et en inscrivant, au cœur de leurs pratiques, la démocratie, à la fois, comme objectif et comme moyen.
 
- Avez-vous déjà passé des accords avec la droite ou la gauche ?
- Non ! Pour l’instant, il n’y a aucun accord ! J’espère que, dans les semaines et les mois à-venir, des forces politiques, à gauche comme à droite, vont s’identifier beaucoup plus clairement, rompre de façon publique avec les comportements anciens, clanistes et clientélistes, et affirmer une logique de convergence avec les Nationalistes pour construire ensemble une alternative. Nous y travaillerons, mais nous ne sommes pas les seuls à avoir des éléments de réponse. Il appartient à ces forces-là de dire si Oui ou Non, elles sont prêtes à faire cette part de chemin.
 
- Y aura-t-il une liste Femu a Corsica au 1er tour des Territoriales ?
- Notre stratégie électorale sera arrêtée et validée par l’ensemble des militants des organisations et de Femu a Corsica au mois de juin. L’objectif, aujourd’hui, est très clair : renforcer Inseme per a Corsica pour contribuer au renforcement et à l’élargissement de Femu a Corsica qui, pour nous, a vocation à être un lieu de rassemblement et la force motrice de la dynamique que nous allons construire. Une liste Femu a Corsica est le choix le plus adapté à la situation actuelle et le plus porteur d’espoir. C’est celui pour lequel je vais me battre !
 
- Pensez-vous être en capacité de remporter l’élection ?
- Aussi bien les résultats électoraux que la dynamique politique d’ensemble montre que les Corses sont prêts à nous mettre en situation de gagner. A nous de construire une démarche qui soit de nature à les convaincre, par sa qualité, par les femmes et les hommes qui la porteront et par le projet proposé ! Si nous faisons ce travail dans les mois à-venir, nous serons en situation d’être consacré par le suffrage universel en position de tête lors du prochain scrutin territorial. C’est, en tous cas, notre objectif. Pour changer le cours des choses et mettre en pratique les idées pour lesquelles nous nous battons, il faut être en situation d’exercer des responsabilités.
 
- Avez-vous établi un calendrier d’actions ?
- Cette Assemblée générale est, à la fois, un point d’arrivée de trois mois de travail dans les sections pour tirer les conséquences de la situation nouvelle créée par l’attitude de l’Etat, et un point de départ pour préparer les prochaines échéances territoriales. Nous avons entériné une prise de position politique axée, à la fois, sur une fermeté par rapport à la l’Etat, une volonté d’ouverture et d’être au plus près des attentes du terrain, notamment dans le domaine économique et social. Nous avons établi un calendrier de travail d’ici au mois de juin. Nous travaillerons sur le projet qui sera au cœur de la démarche de Femu a Corsica et au cœur du contrat de mandature que nous proposerons à nos partenaires potentiels. Une phase de deux mois s’ouvre jusqu’à un séminaire de restitution mi-juin. L’objectif est de mettre Femu a Corsica en ordre de marche au mois de juin. Entre juin et décembre, nous nous adresserons aux Corses et nous leur expliquerons nos propositions pour engager la Corse dans une logique de développement, de démocratie et d’émancipation.
 
Propos recueillis par Nicole MARI.