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Femu a Corsica demande au président Macron des gestes forts avant sa venue


Nicole Mari le Lundi 11 Mars 2019 à 21:01

C’est un appel solennel de Femu a Corsica au président de la République, Emmanuel Macron, avant sa visite annoncée en Corse dans le cadre du grand débat national et qui pourrait intervenir le 19 mars. Revenant sur les tensions existant entre le pouvoir nationaliste et Paris et sur la désastreuse visite présidentielle des 6 et 7 février 2018, Femu demande au chef de l’Etat des « gestes forts » d’ouverture et des « signes tangibles » de prise en compte des revendications insulaires. Sans quoi, explique, Jean-Félix Acquaviva, secrétaire national du parti Femu a Corsica et député de la deuxième circonscription de Haute-Corse, un appel à la mobilisation sera lancé.



L'Exécutif de Femu a Corsica autour du secrétaire national, le député Jean-Félix Acquaviva.
L'Exécutif de Femu a Corsica autour du secrétaire national, le député Jean-Félix Acquaviva.
- Quelle est la raison de cet appel au chef de l’Etat ?
- Pour Femu a Corsica, la venue annoncée du Président Macron dans l’île doit impérativement être l’occasion d’annoncer une nouvelle politique de l’Etat, en rupture avec l’attitude de déni démocratique qui a prévalu jusqu’à aujourd’hui. La première visite d’Emmanuel Macron, en tant que président de la République, a été catastrophique, condescendante et va-t-en guerre. Je rappelle, pour mémoire, l’épisode d’une cause judiciaire qui « ne se plaide pas » visant le Président du Conseil exécutif qui est un avocat, les drapeaux corses retirés des salles où se trouvaient le chef de l’Etat, la fouille des élus … et bien sûr, dans une période apaisée, le contenu violent des discours teinté de fort centralisme et de jacobinisme, le cadenas de l’Etat sur la réforme constitutionnelle... Depuis lors, aucun signe tangible n’est venu sur les sujets portés par l’Assemblée de Corse et qui font l’objet de consensus politiques et sociaux importants.
 
- Quels sujets précisément ?
- La question constitutionnelle et la question qu’il faut enfin régler du rapprochement des prisonniers politiques et du FIJAIT. Egalement, la problématique économique et sociale avec le statut fiscal et social et les propositions issues de la Conférence sociale territoriale, qui est un cas unique et réussi de démocratie représentative et participative avec les votes à l’unanimité de l’Assemblée de Corse, du CESEC et de la Chambre des territoires. La question stratégique de l’énergie et du gazoduc où il n’y a pas de réelle visibilité sur les garanties de l’Etat de nous accompagner vers l’autonomie énergétique. Le Plan d’accompagnement de la Corse en Méditerranée sur lequel le chef de l’Etat s’était engagé : un plan totalement inadapté sous la conduite du ... Préfet, et qui, de toute façon, n’a pas vu le jour ! Sur ces questions, il n’y a pas eu le début d’un dialogue politique sérieux avec des propositions et des réponses concrètes de la part de l’Etat depuis un an.
 
- Craigniez-vous un deuxième rendez-vous manqué ?
- Oui !
 On ne peut pas accepter que la seconde visite du président de la République se passe de la même façon : soit un show sur le plan de la communication, soit une parodie de consultation qui s’inscrit dans le canevas marketing de son grand débat national ! Alors qu’il y a une situation de fracture sociale et économique, qu’il y a des attentes notamment sur la question des prisonniers et de la société corse dans son ensemble. La Corse entière attend autre chose. Les Corses nous ont mandaté pour négocier des avancées en termes de développement et d’émancipation. C’est pour cela qu’il est temps de tirer la sonnette d’alarme et d’interpeller de manière solennelle le gouvernement.

- Que réclamez-vous exactement ?
- Nous attendons clairement, avant la venue du Président de la République, des signes tangibles et publics affirmant sa volonté politique réelle d’ouvrir un dialogue positif et sans tabou. Dans cette période charnière que vit la Corse, nous espérons que cet appel sera entendu. Dans le cas contraire, nous serions malheureusement dans l’obligation de créer les conditions d’une grande mobilisation politique, économique et sociale. Dans un premier temps, avec les partenaires de la majorité territoriale Per a Corsica. Dans un second temps, avec les forces politiques avec lesquelles il y a eu des convergences, notamment lors de votes à l’Assemblée de Corse. Enfin, avec les forces économiques, sociales et culturelles pour se mettre d’accord sur des propositions concrètes. L’Etat, au plus haut niveau, et le gouvernement doivent comprendre qu’ils ne peuvent pas venir ici faire une deuxième visite symbolique pour complaire à l’opinion publique française. Ils ne peuvent pas se servir de la Corse comme terrain de jeu pour leur communication. Ce serait mettre de l’essence sur de la braise !
 

Le député Jean-Félix Acquaviva.
Le député Jean-Félix Acquaviva.
- Quel type de mobilisation ?
- Nous allons consulter nos partenaires de Per a Corsica. Nous ne pouvons pas faire lors de cette seconde visite comme s’il ne s’était rien passé lors de la première et comme s’il n’y avait pas eu un an de visites ministérielles avec la main tendue du Conseil exécutif et de l’Assemblée de Corse sur des propositions concrètes et des compromis politiques. Comme s’il n’y avait pas eu de Conférence sociale territoriale et des votes à l’unanimité… L’Etat et le gouvernement savent tout cela, ils ne peuvent pas faire semblant de le découvrir en venant ici, ni d’un point de vue de la posture politique, ni d’un point de vue technique. Nous sommes là, aujourd’hui, pour dire de manière solennelle à Emmanuel Macron qu’il est important d’avoir un comportement responsable face aux propositions qui sont sur la table depuis longtemps, et face à notre légitimité historique, démocratique et électorale conférée par le peuple, et sans équivalent en France et en Europe.
 
- Avez-vous des informations sur le déroulement de cette visite ?
- Non ! A ce stade, ni en tant que secrétaire national de Femu a Corsica, ni en tant que député, je n’ai aucun élément, aucune information quand à la venue du président de la République.
 
- Dans son tour de France, le chef de l’Etat privilégie la rencontre avec des maires triés sur le volet. Pensez-vous vraiment qu’il répondra à votre appel ?
- Si le président de la République continue son canevas de communication en allant voir les maires et en négligeant de manière claire et éhontée l’Assemblée de Corse qui est le lieu de la matrice de la démocratie corse où sont débattus les questions de l’île, il s’enfermerait, délibérément, encore une fois, dans une attitude de mépris. Une fois de trop ! Ce serait forcément une situation politique que nous ne souhaitons pas. Cette interpellation aujourd’hui et d’autres qui suivront visent à ce que le gouvernement change de braquet et se mette à la hauteur, par un dialogue respectueux avec les acteurs, de l’ensemble des demandes faites par la Corse afin de trouver une solution politique durable. C’est notre souhait de militants et d’élus responsables. Si ce n’est pas le cas, notre responsabilité commande d’être toujours du côté de ceux qui défendent l’intérêt collectif de la Corse et du people corse. Les chefs de l’Etat passent, les gouvernements passent, la question corse reste posée et restera tant qu’on n’obtiendra pas de solution politique viable !
 
- Vu les épisodes précédents et le contentieux, il y, quand même, une probabilité sérieuse que le chef de l’Etat vous snobe ?
- Si le président de la République ferait la faute politique, la faute morale, la faute démocratique de ne pas considérer le vote de 56% des Corses, de ne pas considérer la représentation élue qui a travaillé à des compromis, de ne pas considérer l’histoire des relations entre Paris et la Corse dans toutes ses dimensions humaines, culturelles, sociales et économiques posées depuis 40 ans, notamment depuis 2015 et notre volonté de créer les conditions d’un apaisement politique… eh bien, nous créerons les conditions d’une mobilisation démocratique, transparente et déterminée. Le fait de ne pas céder à la provocation du président Macron depuis un an n’est pas un signe de renoncement à nos idées, ni au mandat que nous ont confié les Corses. Nous restons toujours aussi déterminés à répondre aux demandes concrètes des Corses et à obtenir les moyens de l’émancipation de notre pays et de notre peuple pour les générations présentes et futures.
 
Propos recueillis par Nicole MARI.