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Exportation des déchets en PACA : L’Assemblée de Corse valide « un mal nécessaire » !


Nicole Mari le Jeudi 30 Avril 2020 à 20:18

Deuxième session de l’Assemblée de Corse par visioconférence avec un sujet urgent et brûlant : l’exportation en région PACA d’une partie des balles de déchets entreposées depuis novembre sur 18 sites dans l’île. La Collectivité valide l’exportation et assume le coût du transport de 2,9 millions € à la place du SYVADEC et des Intercos. Les polémiques idéologiques ont resurgi sur la politique de gestion des déchets et les amendements de la droite ont été rejetés.



Exportation des déchets en PACA : L’Assemblée de Corse valide « un mal nécessaire » !
« Un mal nécessaire ». « Un one shot qui n’a pas vocation à être réitéré ». C’est en ces termes que la majorité territoriale, par la voix de Julien Paolini, élu du groupe Femu a Corsica, justifie l’exportation de balles de déchets entreposées depuis novembre en raison de la saturation des deux seuls centres de stockage de l’île : Vighjaneddu et Prunelli di Fium’Orbu. Une exportation, contraire à la philosophie nationaliste en matière de gestion des déchets, mais envisagée comme « une soupape de sécurité » et que la Collectivité de Corse (CDC), a accepté de financer pour un coût de 2,9 millions € à la place du SYVADEC et des intercommunalités. Le surcoût relatif à l’incinération reste à la charge du SYVADEC. « La CDC fait un acte de solidarité qu’aucune région de France n’a fait et que l’Etat a refusé de faire en considérant que ce n’était pas de sa compétence. Nous aurions pu faire comme l’Etat et dire que le traitement des déchets est de la compétence du SYVADEC, mais nous avons pris acte d’une situation. Nous aurions préféré mettre cet argent ailleurs, surtout dans le cadre du Covid. Une précision que le président du Conseil exécutif de Corse, Gilles Simeoni, estime que « les Corses doivent bien avoir en tête ». Ce sera sa première mise au point ferme contre les critiques qui s’accumulent.

Gilles Simeoni. Photo Michel Luccioni.
Gilles Simeoni. Photo Michel Luccioni.
L’accord de la Région Sud
L’affaire est partie d’une proposition du président de la CAPA et maire d’Ajaccio, Laurent Marcangeli, qui, a demandé au maire de Nice, Christian Estrosi, d’accueillir les balles de déchets qui s’entassaient sur le site de Saint Antoine. Près de 21 300 tonnes de balles de déchets ont été entreposées entre novembre 2019 et février 2020 sur 18 sites de stockage provisoires répartis dans toute la Corse. Ces balles, en attente de traitement, se dégradent, provoquent, en bordure des agglomérations, des nuisances qui affectent les populations et accentuent les tensions, et sont devenues ingérables en pleine crise sanitaire. Face à la demande pressante des intercommunalités, le président du Conseil exécutif a, donc, saisi la balle au bond et obtenu l’accord du président de la Région Sud, Renaud Muselier « que je remercie publiquement : s’il n’avait pas donné son accord, il n’y aurait pas eu de processus global. Accord d’autant plus indispensable que l’exportation ne s’est pas limitée au centre de Nice, 5 100 tonnes, mais également Vedène, 4200 tonnes, et Fos, 6800 tonnes, dont je remercie les élus. Comme je remercie Carole Delga, présidente de la région Occitanie qui avait accepté le principe d’une exportation éventuelle ». Seconde mise au point !
 
16 000 tonnes évacuées
Une exportation limitée à 16 000 tonnes et rendue possible par la crise liée au COVID qui, en réduisant ponctuellement les volumes de déchets traités sur les différentes installations de la Région Sud, lui permet d'accepter les balles insulaires. Le conseiller exécutif et président de l’Office de l’environnement, François Sargentini livre les détails de l’opération : « Le coût du transport est basé sur un estimatif de transports terrestres insulaires pour 5 200 tonnes des sites de stockage du Cismonte auxquelles s’ajoutent 9 700 tonnes des sites de stockage de la région ajaccienne et 6 400 tonnes des sites de stockage de l’Extrême Sud. A cela s’ajoutent les coûts des traversées maritimes et les coûts de déconditionnement des balles et de transport depuis le site de déconditionnement jusqu’aux incinérateurs. La durée du contrat sera de 2 mois, reconductible expressément une fois pour 2 mois dans la limite de la durée de l’état d’urgence ». Le transport sera effectué par la Corsica Linea, via Nice, et la Corsica Ferries, via Toulon.

Xavier Lacombe. Photo Michel Luccioni.
Xavier Lacombe. Photo Michel Luccioni.
La charge de la droite
Ce recours à l’exportation est du pain béni pour l’opposition qui saute sur l’occasion pour redire encore une fois tout le mal qu’elle pense de la politique de gestion des déchets de l’Exécutif. « La CDC, de par son inaction et l’irréalisme de son plan, est responsable de la situation dramatique que vit la Corse. Ce qu’on refuse chez nous, on l’expédie dans le pays ami et nous sommes bien heureux qu’on nous débarrasse de nos déchets », assène d’emblée le maire de Peri, Xavier Lacombe, élu du groupe Per L’Avvene. « Depuis le début de la crise chronique des déchets en 2015, notre groupe a défendu une position pragmatique visant, d’une part à optimiser les processus de tri et de surtri en faisant notamment des propositions très concrètes au niveau des plateformes de désemballage en plus du tri à la source, et d’autre part à étudier et comparer les modes de traitement des tonnages résiduels à l’aune du critère de la valorisation énergétique. Concrètement, quel mode de traitement permettrait de traiter au mieux nos déchets résiduels tout en permettant une valorisation énergétique de ce processus ? Nous parlons des déchets faisant suite au tri et au surtri, n’étant ni recyclables, ni de nature organique. Ce qui n’exclut pas d’envisager distinctement, pour les fermentescibles, le recours à la méthanisation ». Le groupe dépose un amendement en ce sens pour « en finir avec le dogmatisme visant à considérer que le seul tri suffira, confondant par la même : collecte et traitement ». Et un second amendement pour réclamer un effort budgétaire de 0,8 million € pour le traitement, les deux sont rejetés.

François Orlandi. Photo Michel Luccioni.
François Orlandi. Photo Michel Luccioni.
L’utopie du tri
Un avis partagé par le groupe Andà Per Dumane qui enfonce le clou. « La responsabilité de cette situation revient à la majorité territoriale et à son refus d’exporter le surplus des déchets quand le SYVADEC le demandait », enchaine le maire de Tomino, François Orlandi. « Augmenter le tri en si peu de temps relevait de l’utopie, les Intercos n’étaient pas formées pour assurer en si peu de temps cette compétence. Vous vous êtes obstinés sur cette stratégie, il n’y avait pas de plan B ». Il tacle l’imprévision de la CDC : « Sur le plan financier, les Intercos doivent supporter des coûts de plus en plus élevés qui impactent fortement leurs budgets au sacrifice d’autres compétences. Elles ont du faire face à des travaux importants pour stocker ces balles. Sur le plan sanitaire, il faut saluer l’opiniâtreté du maire d’Ajaccio qui a trouvé cette solution d’évacuation des déchets sur le continent. Il n’y a pas de solution miracle, mais si cette solution de l’export avait été mise en œuvre, nous n’en serions pas là. Il faut envisager de réfléchir à d’autres procédés que l’enfouissement ».

François Sargentini. Photo Michel Luccioni.
François Sargentini. Photo Michel Luccioni.
Le tri généralisé, seule réponse
La réponse de François Sargentini est brève : « La question de l’export a été prise en compte dans le cadre du volet 2 du plan voté en 2018. J’avais précisé que l’export ne pouvait être qu’une soupape de sécurité qui, aujourd’hui, doit jouer à plein. Même si le pays est ami, ce n’est pas gratuit ! L’amitié n’empêche pas aux affaires de continuer. La révision du plan est en cours et devrait être présenté courant 2020 ».
Gilles Simeoni conclut par une troisième mise au point : « Si nous avons pu profiter de cette opportunité, c’est parce que les incinérateurs du continent étaient en sous-production et, donc, en déficit de rentabilité. Ce qui veut dire très clairement qu’un modèle économique d’incinérateurs ne peut fonctionner que si on apporte beaucoup de déchets. C’est la démonstration que pour amortir ces systèmes, il faut se détourner du tri généralisé qui est une obligation légale et le principal moyen de gérer de façon vertueuse les ordures ménagères. Il est important que les Corses l’entendent. Il faut casser l’ancien système et aller vers le tri généralisé. C’est le seul moyen de s’en sortir. Alors, soyons de bonne foi ! ». Le rapport a été adopté par 59 voix pour et 4 abstentions.
La prochaine session se tiendra le 7 mai.
 
N.M.