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Exceptionnalité et surfréquentation des sites de Bavella : comment permettre un développement économique durable ?


La rédaction le Samedi 21 Août 2021 à 18:19

Les rivières de Bavella sont de plus en plus médiatisées que ce soit avant la saison pour promouvoir leur exceptionnalité et entrainer l’effet mode de s’y rendre, ou que ce soit l’été, pour dénoncer leur « surfréquentation ». Pour ce second point, chacun y va de son insatisfaction que ce soient les problèmes de retombées économiques, de dégradation du site, d’impacts écologiques ou des problèmes de sécurité... Dans ce contexte, les représentants des propriétaires privés de Bavella ont sollicité le président de la Communauté de communes de l’Alta Rocca pour une visite sur le site et évoquer les pistes de solutions envisagées avec elle depuis plusieurs mois.



En effet, sur les trois canyons concernés, il est important de rappeler que les espaces de stationnement, les sentiers et même les lits des rivières sont des propriétés privées. Aussi, pour Charles Colonna d’Istria, président de la fédération Pà Bavedda qui regroupe les 3 associations des propriétaires des parcelles, « cette situation anarchique n’est pas acceptable, d’une part cette évolution est intolérable pour la préservation de notre patrimoine et d’autre part le site devient très dangereux pour les visiteurs ».
Ce dernier admet que depuis les années 50, le secteur a connu une totale déprise agricole et sylvicole. Aujourd’hui, les propriétaires souhaitent reprendre en main et faire valoir le respect de la propriété privée ainsi que leur désir de protection et de valorisation de cet espace. « Il ne s’agit pas de bloquer les accès aux visiteurs ou aux socioprofessionnels mais de permettre une organisation adaptée et
réglementée
». Ainsi depuis plus d’un an, ils se sont structurés en associations et fédérés.

 
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En parallèle, le conseil d’administration de la fédération des propriétaires s’est rapproché de la Communauté de communes de l’Alta Rocca afin de prendre connaissance du travail de fond qui est mené sur le massif de Bavella au travers l’animation Natura 2000 et de l’Office Intercommunal de Tourisme : diagnostics écologiques et évaluation de la fréquentation, réunions de concertation et
groupes de travail thématiques, enquête publique, présence des écogardes et point information... Le représentant des propriétaires aspire à prendre pleinement place dans le cadre des actions et discussions entreprises, notamment en intégrant les différents Copil des projets et en étant force de proposition et de décisions adéquates.


Ainsi, depuis quelques mois, afin de saisir les enjeux, de s’approprier le fonctionnement actuel du site, d’identifier les leviers d’action possibles et le foncier qui pourrait être mobilisé, une réunion par mois entre la fédération des propriétaires et les représentants de la Communauté de communes de l’Alta Rocca a été planifiée sur le terrain. Quatre objectifs ont été  fixés : asseoir le respect de la propriété privée par affichage et conventionnement ; gérer les flux de fréquentation en limitant et contenant le stationnement sur des secteurs bien identifiés et en proposant une organisation pour l’accès à ces différents sites; protéger les milieux naturels et les éléments patrimoniaux et offrir un accueil de qualité pour permettre un développement économique durable.

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Dès les premières rencontres, Pierre Marcellesi, président de l’intercommunalité, a rappelé aux propriétaires qu’il se faisait un point d’ordre du respect de la propriété privée et se réjouissait de leur désir d’implication dans la réorganisation du site. Pour autant « il est impérieux de s’inscrire dans le cadre des politiques de développement et d’aménagement communales des lieux, en particulier ici la
Commune de Quenza et de concerter étroitement ses représentants ».

Pour sa part et dans cet esprit  la Communauté de communes mène dans son champ de compétences une stratégie bien établie : évaluations, suivis et diagnostics, analyse des premiers résultats, mise en place de mesures transitoires en sollicitant les partenaires institutionnels, animation et programmation de réunions de concertation.
Pour exemple, un groupement d’étude a été missionné depuis novembre 2019 afin d’élaborer un schéma de fréquentation concerté par l’ensemble du massif, les résultats devraient être présentés en fin d’année 2021. Mais cet important travail de fond est balayé par des appels à venir sur le massif sans aucune restriction « écrans géants de publicité sur Porto Vecchio, promotion sur réseaux sociaux...».


Les compétences de police, d’aménagements ou de promotion globale sont pour grande partie du ressort des communes ou de l’Etat pour les premières, et de la Région pour les suivantes. Il est donc « primordial de travailler de concert et de porter une vision macro sur l’ensemble du site de Bavella, mais surtout de la Corse entière afin d’harmoniser les messages et de répartir les fréquentations ».
Pierre Marcellesi tient à faire remarquer « qu’il ne faut pas partir d’un postulat négatif sur la situation actuelle et que beaucoup d’autres territoires souhaiteraient avoir une telle attractivité. Il s’agit seulement de ne pas tuer la poule aux œufs d’or ».
Les propriétaires privés et l’Intercommunalité en appellent donc à une mutualisation des compétences entre tous les acteurs et institutions pour mettre en place des actions concrètes pour trouver le juste équilibre entre préservation et activité économique.


Jean Paul Panzani, conseiller territorial invité lors de cette dernière rencontre mensuelle sur site, rejoint cette vision en rappelant que « la Collectivité de Corse dans ses compétences d’aménagement, l’Office de l’Environnement de la Corse comme un moteur de la préservation de la biodiversité, l‘Agence du Tourisme de la Corse pour le développement d’un tourisme durable et enfin le Comité de massif avec l’élaboration de la charte des estives engagent des travaux en ce même sens qui seront complémentaires ». Une démarche de « concertation globale avec tous les acteurs doit être engagée en s’appuyant sur le travail de fond réalisé par la Communauté de communes de l’Alta Rocca ».
L’élu régional ajoute qu’il faut « sortir des mesures d’urgence » et questionne sur les moyens d’application des arrêtés pris récemment. Il en appelle également aux propriétaires privés à se positionner clairement avec l’ensemble des institutions et à faire valoir leur vision de la Corse au travers de leur statut.
Pierre Marcellesi, le président de l’Intercommunalité, , en concluant cette rencontre, a mis l’accent sur le caractère primordial de la problématique s’agissant de rivières - ici les affluents de la Solenzara mais transposable sur d’autres sites : nécessité absolue de préserver notre ressource en eau et les services écosystémiques rendues par ces rivières.