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Environnement : L’extension de la réserve naturelle de Scandola pour récupérer le label européen


Nicole Mari le Jeudi 17 Décembre 2020 à 20:14

Créer une nouvelle Réserve naturelle sur la Façade maritime occidentale de la Corse pour étendre le périmètre de l’actuelle réserve de Scandola, c’est le projet de l’Office de l’Environnement de la Corse (OEHC) présenté, jeudi, par son président, François Sargentini, aux maires des communes concernées - Piana, Ota, Partinello, Osani et Galeria - et au président du Parc naturel Régional de la Corse (PNRC). L’enjeu : récupérer le prestigieux label européen d’espace protégé, perdu il y a deux semaines.



La réserve de Scandula.
La réserve de Scandula.
Le 4 décembre dernier, la réserve naturelle de Scandula a perdu officiellement son label européen d’espace protégé. Cette distinction prestigieuse est accordée par le Comité des ministres du Conseil de l’Europe à des espaces naturels et semi-naturels ou des paysages ayant un intérêt européen exceptionnel pour la conservation de la diversité biologique, géologique ou paysagère et faisant l’objet d’une gestion exemplaire. La Convention de Berne, relative à la conservation de la vie sauvage et du milieu naturel de l'Europe, qui décerne ce diplôme, a estimé que ses alertes sur la sur-fréquentation touristique de Scandula, la protection insuffisante des espèces naturelles et la nécessité d’agrandir la réserve, sont restées lettre morte. Depuis près d’une décennie, la Convention demande, en effet, l’extension de la réserve afin de mieux maîtriser le flux de touristes et mieux protéger les espèces qui seraient menacées par ce flux, en particulier par la navigation de plaisance. En avril, elle avait lancé la menace, histoire de faire réagir à bon escient les acteurs compétents, mais n’obtenant pas de réponse du Parc naturel régional de Corse et du ministère de la Transition écologique, le couperet est tombé. Face à l’enjeu, l’Office de l’environnement de la Corse (OEC), qui a repris la gestion du site fin 2019, a saisi le problème à bras-le-corps et travaillé sur un projet d’extension de la réserve. Son président, François Sargentini, l’a présenté, jeudi à Porto, aux six maires des communes concernées et au Président du PNRC.
 
De bonnes perspectives
En préambule, l’OEC annonce une bonne nouvelle. Le 2 décembre dernier, pour la 3ème  fois consécutive après les évaluations réalisées en 2014 et 2017, l’Union internationale pour la Conservation de la Nature (UICN) a jugé que les perspectives relatives à l’état de conservation du site UNESCO « Golfu di Portu : Calanche di a Piana, Golfu di Ghjirulatu, Riserva di Scandula » sont « bonnes avec quelques préoccupations, Good with some concerns ». Pour rappel, ce site, qui s’étend sur 11 800 hectares dont 3600 ha en mer, a été inscrit sur la liste du patrimoine mondial de l’UNESCO en 1983. L’UICN, qui fait autorité pour juger de l’état du patrimoine naturel mondial et des mesures pour le préserver, évalue les valeurs et les menaces pesant sur les sites naturels les plus emblématiques de la planète, ainsi que la qualité des dispositifs de protection et de gestion mis en place, afin de déterminer les perspectives globales de conservation de ces lieux. Sur les 252 sites examinés en 2020, 63% présentent des perspectives de conservation « bonnes » (19 %), ou « bonnes avec quelques préoccupations », (44 %), comme c’est le cas pour le site corse. D’autres sites naturels emblématiques appartiennent à cette dernière catégorie, notamment les Parcs nationaux américains du Grand Canyon, de Yosemite et de Yellowstone, le Parc national du Kilimandjaro en Tanzanie, le Parc national du Mont Kenya, Shark bay en Australie, les Dolomites en Italie, les lagons de Nouvelle Calédonie… 30% des sites ont des perspectives fortement préoccupantes et 7% sont dans une situation critique. Pour la Corse, le résultat est globalement similaire à celui de l’évaluation de 2017. Il stipule que « les valeurs du site ont été globalement maintenues et que des perspectives positives apparaissent en termes de gestion et de concertation malgré des moyens actuellement limités. L’atténuation des menaces actuelles et potentielles et la réalisation d'un plan de gestion pour l'ensemble du bien demeurent des recommandations qui guident les actions de l’Uffiziu di l’Ambiente di a Corsica », commente l’OEC.
 
Un plan de gestion
Fort de ce contexte, l’OEC explique s’être engagé « à élaborer et à assurer, dans des délais raisonnables, la mise en œuvre du plan de gestion, à animer et à coordonner les différents acteurs afin d'atteindre les objectifs de préservation préalablement définis et à rendre compte du bon état de conservation du bien aux différentes autorités scientifiques, ainsi qu’aux instances de gouvernance de la Convention ». Pour ce faire, l’Assemblée de Corse a validé, en juillet dernier, la mise en œuvre de la création d’une Réserve Naturelle de Corse sur la façade nord-occidentale de l’île. Un pôle, composé de deux agents, lui a été spécialement dédié au sein du service « Espaces Protégés ». Deux techniciens sont en cours de recrutement pour une prise de poste avant la fin de l’hiver. Des moyens nautiques ont été envoyés sur zone. Des zones de quiétude seront installées, après concertation avec les professionnels intéressés, interdisant la navigation dans un périmètre de 250 mètres autour d’un grand nombre de nids de Balbuzard pêcheur. La « Charte Natura 2000 de bonnes pratiques » a été instaurée en juin afin « de contribuer à la conservation des habitats et des espèces d’intérêt communautaire, mais aussi de favoriser un développement durable du territoire par la promotion de pratiques favorables à la préservation du patrimoine naturel ». Un ornithologue a, d’ailleurs, été recruté pour recenser les oiseaux nicheurs. Le suivi de la reproduction du Balbuzard pêcheur a été relancé. « Le site UNESCO abrite 16 couples reproducteurs, soit 46% de l’effectif de la Corse, dont 10 nids avec une ponte et 6 jeunes à l’envol. Globalement, la reproduction du balbuzard dans le périmètre du site serait meilleure qu’ailleurs en Corse avec moins de la moitié des effectifs nicheurs et 60% des jeunes à l’envol en 2020 », indique l’OEC. Enfin, une étude de fréquentation terrestre et marine va être lancée et une stratégie de gestion des mouillages et de protection de l’herbier de posidonies sera mise en œuvre. « Toutes ces opérations en cours sur la façade maritime Nord-Occidentale de la Corse sont réalisées dans le cadre d’une coopération fructueuse avec le syndicat mixte du Parc Naturel Régional de Corse », précise l’OEC. Les communes ont, aussi, donné leur accord. Une concertation devrait rapidement s’ouvrir avec les professionnels de la mer, bateliers et pêcheurs au sein d’un comité de pilotage (COPIL). L’enjeu est d’avancer rapidement et de créer la nouvelle réserve naturelle avant la fin de l’année prochaine.
 

La réunion à Porto avec l'Office de l'Environnement, le Parc naturel régional et les maires des communes concernées.
La réunion à Porto avec l'Office de l'Environnement, le Parc naturel régional et les maires des communes concernées.