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En Corse, les prêtres au défi d’un marathon spirituel pendant la Semaine Sainte


Maria-Serena Volpei-Aliotti le Vendredi 18 Avril 2025 à 10:01

En Corse, la Semaine Sainte demeure l’un des temps forts du calendrier liturgique. Mais derrière les processions et les offices, c’est un véritable marathon spirituel et logistique que vivent les prêtres, souvent seuls pour desservir plusieurs paroisses. L’ensemble interparoissial de Calvi, Calenzana et Montegrossu illustre pleinement cette réalité.



À l’approche de Pâques, la ferveur populaire est palpable dans les paroisses corses. Mais cette effervescence cache un défi de taille pour les prêtres. À Calvi, l’archiprêtre Louis El Rahi témoigne d’une Semaine Sainte à la fois intense et précieuse : « En tout, il y a dix paroisses, mais pour la Semaine Sainte, ce sont Calvi, Calenzana et Lumiu qui concentrent les grandes célébrations du Triduum Pascal », explique-t-il. Ce sont « les trois grandes paroisses centrales où il y a la messe chaque dimanche. »
Face à la pénurie de prêtres, la nécessité de regrouper les célébrations s’impose. « En fait, on a trois secteurs interparoissiaux, ce qui permet d’avoir des célébrations un peu centrales. Généralement, les gens n’ont pas l’habitude de se déplacer, mais vu le contexte actuel, il faut que chacun fasse l’effort de rejoindre les lieux de culte », souligne Louis El Rahi.

Chaque paroisse, pourtant, conserve ses traditions. « Il y a la tradition de l’Église, que nous sommes obligés de suivre, mais aussi l’expression populaire de la foi, qui varie selon les territoires. Elle est porteuse de sens et transmet elle aussi le message du Christ », insiste l’archiprêtre. L’enjeu est de concilier fidélité à la liturgie et respect des traditions locales. Là où aucun prêtre n’est présent, ce sont souvent les confréries qui prennent le relais : « Elles animent, organisent, notamment pour le chemin de croix du Vendredi Saint. La foi doit pouvoir être vécue même sans la présence d’un prêtre. »
Actuellement, trois prêtres se partagent les trois secteurs. Une organisation fragile, qui repose aussi sur le rôle des confréries. « Moi, je pousse pour qu’elles se créent et se recréent dans les villages. Elles ont un rôle essentiel à jouer », affirme Louis El Rahi.

Un message fort aux fidèles
À la veille de Pâques, le curé souhaite adresser un message particulier aux fidèles : « Ils étaient très nombreux pour la fête des Rameaux, beaucoup plus que l’an passé, et ils sont restés. C’était beau à voir. » Pour lui, la Semaine Sainte doit être vécue pleinement : « Le dimanche de la Passion nous fait entrer dans cette semaine. Chaque jour a son importance. Le Jeudi Saint, Jésus montre comment se mettre au service. Il institue l’Eucharistie, nourriture de notre vie spirituelle. Le Vendredi Saint, il offre sa vie sur la croix. Mais il ne faut pas s’arrêter à la mort. Il faut aller jusqu’au samedi et au dimanche de Pâques pour célébrer l’espérance de la Résurrection. »


Un rythme intensifié, un appel aux vocations
La Semaine Sainte impose un rythme soutenu. « Lundi, j’ai célébré la messe à l’hôpital avec les malades, où j’ai distribué les rameaux et les crucette bénis. Je ne peux pas aller partout, mais en cas d’urgence, je me déplace », témoigne Louis El Rahi. La semaine de Pâques sera également consacrée à la bénédiction des maisons, notamment pour les personnes âgées ou malades.
Dans cette période exigeante, la prière reste un soutien essentiel. « Si on ne vit pas cela dans la prière, ce n’est qu’une activité parmi d’autres. Ce que nous célébrons, c’est le mystère de la rédemption. » Mais l’archiprêtre reconnaît aussi les difficultés : « Nous ne sommes pas nombreux. Tout le monde est exigeant. Parfois, on observe un peu d’égoïsme spirituel. On est attaché à son clocher, on veut que tout soit comme avant. Mais ce n’est plus possible. »

Face à cette réalité, il lance un appel : « Il faut prier pour les vocations. Soutenir l’Église pour financer les séminaristes. Nous en avons six aujourd’hui. Peut-être davantage en septembre. C’est une grande joie, même si cela ne comblera pas tout. »

Les temps forts de la Semaine Sainte à Calvi
Les célébrations de la Semaine Sainte à Calvi, mêlant tradition ecclésiale et traditions locales, s'ouvrent dès le mercredi soir avec l’Office de la Passion.

Le Jeudi Saint est marqué par la messe de la Lavanda, avec le traditionnel lavement des pieds : « Habituellement, c’est le célébrant qui lave les pieds à douze personnes. À Calvi, ce sont les prieurs des confréries qui lavent les pieds de leurs confrères. » Cette année, l’évêque de Corse procèdera au lavement des pieds de six prieurs. « Ce rituel montre ce que le Christ nous a donné. Il faut le reproduire », souligne le curé.
Autre singularité calvaise : à l'issue de l'office, les confréries offrent aux participants des canistrelli bénits. « C’est typiquement calvais », précise Louis El Rahi. Après l’office, une procession mène les fidèles jusqu’à la cathédrale pour y déposer le Saint-Sacrement.

Le Vendredi Saint débute à 9h avec la Cerca, procession où la Vierge Marie part à la recherche de son Fils. « C’est une métaphore : nous devons chercher le Christ non pas dans les lieux de la mort, mais dans ceux de la vie », explique l’archiprêtre. L’après-midi, à 17h30, a lieu l’office du Perdono, office dépouillé où silence et recueillement dominent, avec vénération de la Croix et communion aux hosties consacrées la veille.
Le soir, à 20h30, la Granitula – procession en spirale – prend son départ depuis l’église Sainte-Marie-Majeure. Un unique pénitent porte la croix, accompagné de Simon de Cyrène. « C’est important qu’il n’y en ait qu’un. Il n’y a eu qu’un seul Christ. »

Le Samedi Saint est un jour de silence, rompu par la grande veillée pascale dès 21h, marquée par la lumière des cierges et la lecture de textes retraçant l’histoire du salut. « Cette année, treize adultes seront baptisés », se réjouit Louis El Rahi. La célébration commence par l’Exultet, chant éclatant la joie de Pâques.

La Semaine Sainte se conclura par la messe du Dimanche de Pâques, et celle du Lundi de Pâques.