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Edouard Philippe en Corse : les limites du dialogue


Jacques RENUCCI le Jeudi 4 Juillet 2019 à 21:25

Le Premier ministre, lors de sa visite, a soigneusement évité toute réponse aux revendications politiques de ses interlocuteurs territoriaux



Edouard Philippe en Corse : les limites du dialogue
Pour la première visite du chef du gouvernement en Corse, il ne fallait pas s'attendre à des annonces révolutionnaires. Le service de presse de Matignon avait précisé d'emblée que devaient être traitées « des questions économiques, sociales et environnementales. » 


Comment occuper 48 heures en territoire supposé hostile ? En évitant les chausse-trappe, en jonglant avec les mots autour de ce qui fâche, en envoyant des messages autant par les silences que par les paroles... En mettant l'accent sur les contacts avec la société civile et les maires, Édouard Philippe a donné le ton. Ses vrais interlocuteurs, ceux avec qui on peut discuter, ne sont pas au pouvoir, mais ils constituent pour lui la trame vivante et active de l'île. Au cœur du territoire, il y a les territoires, et c'est sur eux que l'on penche sa sollicitude. Le gouvernement Macron, jugé souvent hors-sol et loin des réalités, renvoie ce miroir dévalorisant à la majorité territoriale en place, accusée mezzo voce de ne pas faire sa part de travail – pour peu qu'elle ait des compétences en ces domaines - sur la précarité, le chômage, le coût de la vie, les déchets... 

 

L'ère du soupçon

 Les handicaps liés à l'insularité peuvent-ils se traiter sans l'intervention de l'exécutif et de l'assemblée ? Le Premier ministre en sous-entend l'idée. Il n'y a pas chez Édouard Philippe de posture d'intransigeance à la Manuel Valls, mais plutôt une procédure d'évitement, la politique de faire semblant de ne pas entendre. Il dissocie la demande économico-sociale de ce qu'il considère comme une surenchère de caractère purement idéologique. Pour les limites « politiques » du dossier, il s'en remet à l'inscription de la Corse dans la révision de la Constitution – où la différenciation entre les territoires devait être actée - remise aux calendes depuis l'affaire Benalla. Cela dit, la Corse est elle une région sans particularités ? Non, et le Premier ministre l'admet. Selon lui, l'acte 2 de la relation de l’État avec la Corse s'inscrit de façon stricte dans l'acte 2 de la décentralisation. Édouard Philippe s'y engage : « La Corse aura toute la place qui lui revient », avec la prise en compte ce ce qui fait sa différence. Mais cela, paradoxalement, ne s'inscrit que dans la norme globale. On n'ira pas au-delà. Cet au-delà qui pose problème, c'est la question politique, autrement dit l’accentuation des particularismes, pour ne pas dire les avancées vers l'autonomie dont l'île aurait manifesté le désir par le suffrage universel. 


Là, du côté de l’État, on entre dans l'ère du soupçon : les exigences jugées irréalistes ou hors d'actualité (prisonniers, coofficialité, statut de résident) ne seraient mises en avant par la coalition au pouvoir que pour entretenir la tension et masquer des difficultés de gestion ou des désaccords internes... Bref, on doit traiter avec la superstructure politique insulaire en la trouvant peu fiable et à peine fréquentable. Un équilibre difficile, à moins de laisser le temps au temps et de ne considérer le nationalisme au pouvoir que comme une simple parenthèse historique...
Édouard Philippe est parti comme il est venu, en laissant sur place une certitude : les Français sont des Corses comme les autres.