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Didier Guillaume : « Je suis venu dire aux Corses : Prenez-vous en main ! Vous avez tout pour réussir ! »


Nicole Mari le Mardi 25 Juin 2019 à 19:33

Le ministre de l’agriculture et de l’alimentation, Didier Guillaume, est en déplacement en Corse pour deux jours. Il a débuté son marathon en Haute-Corse par la plateforme Stella Mare spécialisée en ingénierie écologique marine et littorale, avant de se rendre sur le chantier du futur pôle Viande et du futur siège des Chambres d’agriculture à Vescovato. La filière élevage a occupé l’essentiel du menu de l’après-midi avec les visites de la coopérative Corsia du domaine de Casabianda à Aleria, du site de l’ODARC à Altiani et l’exploitation de Philippe Flori à Riventosa. Mercredi, la visite se poursuivra en Corse du Sud à Sarrola et Azilone sur le même thème. Didier Guillaume a expliqué, à Corse Net Infos, qu’il était venu pour changer de méthode et dire aux agriculteurs corses de se prendre en mains !



Le ministre de l’agriculture et de l’alimentation, Didier Guillaume, sur le site du futur pôle Viande à Vescovato.
Le ministre de l’agriculture et de l’alimentation, Didier Guillaume, sur le site du futur pôle Viande à Vescovato.
- Quels objectifs motivent cette visite en Corse ?
- Mes objectifs sont multiples, mais ont une orientation : celle de venir, de la part du gouvernement, dire aux Corses : « Prenez-vous en main ! Vous avez tout pour réussir ! ». L’agriculture corse a un avenir incroyable ! Elle a, à peu près, tout ce qu’il faut pour réussir. Il faut simplement que les agriculteurs se prennent en mains. Il faut bâtir des filières économiques agricoles, d’amont en aval pour qu’elles soient structurées et qu’elles permettent d’organiser le développement économique et des revenus pour les agriculteurs.
 
- Est-ce la raison de cette visite du chantier des futurs sièges des Chambres d’agriculture ?
- Oui. Nous visitons la Maison de l’agriculture corse qui va accueillir la Chambre d’agriculture, mais aussi beaucoup de partenaires. C’est la vitrine de ce que sera l’agriculture corse de demain, de ce qu’elle est déjà. La Corse est une région qui a deux Chambres départementales d’agriculture et une Chambre régionale. Il faut absolument que ces Chambres arrivent à un recoupement et à travailler ensemble, qu’elles travaillent aussi avec l’ODARC qui est un organisme payeur. L’ODARC est une référence importance en Corse. C’est, pour moi, une pièce maitresse du développement de l’agriculture. Cette vitrine agricole est, donc, absolument exceptionnelle !
 
- En quoi l’est-elle ?
- Ici, vous avez une marque fabuleuse : cette marque, c’est la Corse ! Combien de gens cherchent à manger du brocciu, de la coppa, du jambon, du saucisson… de la nourriture corse. Cette marque doit être encore mieux valorisée. Des filières sont déjà organisées et fonctionnent bien comme la viticulture qui est de grande qualité avec le Bio, le HVE, la haute valeur environnementale, comme les agrumes, les légumes... Il n’en faut pas beaucoup pour que tout cela redémarre et que la Corse soit vraiment au niveau de développement économique et agricole qu’elle mérite.
 
- Pourquoi avoir axé toute votre visite uniquement sur la filière viande ?
- Parce que c’est la filière d’avenir qui n’est pas structurée. Mais on ne parle pas que de ça, on parle de tout. Ce matin, j’étais à Stella Mare, c’est un pôle exceptionnel, national et international, pour la mer et le poisson. Ce qui est fait en Corse peut servir aussi pour les océans. Nous avons, ensuite, visité le site du pôle Viande qu’il est indispensable de mettre en place. Aujourd’hui, des éleveurs abattent leurs agneaux très tôt pour faire du lait parce que produire des agneaux ne rapporte pas. Nous avons la volonté de créer un véritable pôle structurant, là encore d’amont en aval, avec un abattoir, de la transformation. Ce qui permettra aux éleveurs de faire abattre leurs agneaux sur place, de les transformer, de créer de la valeur ajoutée. C’est bon pour la Corse et pour l’agriculture corse.
 
- Par quels moyens l’Etat entend-il aider à la structuration de la filière Viande ?
- Aujourd’hui débute l’acte 1 de ce travail. Nous avons parlé avec les présidents des Chambres d’agriculture. Je verrai, demain, le président de la Chambre de Corse du Sud. Nous travaillons évidemment avec les services de l’Etat. Une nouvelle directrice de l’agriculture et de la forêt va être mise en place sous la houlette de la préfète de région et des préfets. Nous allons organiser des groupes de travail pour avancer. La structuration de la filière viande est absolument essentielle ! J’ai fixé un délai de six mois, d’ici à la fin de l’année, pour bâtir le projet d’ensemble avec des points d’étape. Tout ne sera pas réglé évidemment, mais après nous pourrons regarder les choses plus clairement avec l’Union européenne et les aides de la PAC (Politique agricole commune).
 
- Ce qui ne sera pas simple ?
- L’Union européenne a la Corse dans le viseur – mais pas qu’elle ! – Peut-être que des déclarations ont été faites, qui n’auraient pas du être faites comme elles l’ont été… Je ne suis pas là aujourd’hui pour regarder dans le rétroviseur. Je suis là pour régler les problèmes et pour avancer. L’appel que je lance est un appel à l’agriculture corse et aux agriculteurs corses : « Prenez votre destin en mains, avançons ensemble, co-construisons le projet agricole corse pour les années qui viennent ! ». Tous ceux, qui voudront venir, seront aidés. Nous aiderons les jeunes à s’installer, nous les aiderons aussi par les fonds de la PAC que nous sommes en train de négocier.
 
- Ces négociations s’avèrent difficiles. Quelles sont vos inquiétudes et vos demandes à Bruxelles ?
- Nos demandes sont essentielles ! Le budget de la politique agricole commune ne peut pas être la variable d’ajustement du budget de l’Union européenne. Donc, ce budget ne peut pas baisser plus que la quote-part du Royaume Uni. Le départ de ce dernier va faire baisser le budget et les dépenses. Nous demandons, d’abord, que le budget de la PAC soit maintenu au niveau des 27 Etats-membres au lieu des 28. Il faut, ensuite, que la PAC continue d’être forte Je souhaite que nous puissions aider directement les agriculteurs. Les aides directes du premier pilier sont indispensables ! Elles doivent perdurer. Les agriculteurs ne veulent pas vivre de subventions, ils veulent vivre des revenus de leur travail. Sauf que l’on constate que la plupart en sont loin… S’il n’y avait pas ces subventions, ce serait difficile. Ensuite, nous devons travailler à la transition agro-écologique et absolument prendre ce virage-là. La Corse, pour le coup, y est prête. C’est vraiment l’île de l’agro-écologie, du Bio et des produits de qualité par essence. Il faut avancer dans cette direction. Enfin, il faut aider aux structurations économiques et, évidemment, mettre des filets de protection pour faire face aux aléas économiques ou sanitaires. L’aspect sanitaire est essentiel. C’est un point sur lequel nous travaillons. Les animaux, qui divaguent, posent des problèmes dont les conséquences peuvent être terribles.
 
- L’Union européenne ne reconnaît plus la spécificité des parcours pastoraux corses, ce qui met les éleveurs de l’intérieur en grande difficulté. Quelle est votre position sur ce point-là ?
- Je ne peux pas avoir de position autre que celle de la Commission européenne qui dit qu’il y a eu de mauvaises déclarations… On va essayer de régler les situations au cas par cas et territoire par territoire. Je ne peux pas en dire plus. Mon objectif aujourd’hui est de faire en sorte que la filière redémarre. La décision de la Commission européenne, les Corses devront s’y soumettre.
 
Propos recueillis par Nicole MARI.