Depuis 50 ans, à Calvi, la Stareso étudie les changements qui impactent la Méditerranée
« Si la Terre se réchauffe, l’océan est quant à lui en ébullition ». Lundi, alors que s’ouvrait la 3ème conférence des Nations Unies sur les océans (Unoc) à Nice, face au dérèglement des équilibres fragiles de ces milieux, Emmanuel Macron lançait un appel à la mobilisation internationale. À ses côtés, jusqu’à la fin de la semaine, 60 chefs d’État venus du monde entier sont au chevet des océans pour tenter d’inverser la tendance. Avant qu’il ne soit trop tard. Longtemps considérés comme des amortisseurs du dérèglement climatique, les océans montrent en effet aujourd’hui des signes de saturation. À l’instar des canicules marines qui se multiplient ces dernières années.
Il y a quelques jours, l’observatoire terrestre de l’Agence spatiale américaine indiquait d’ailleurs que les températures des eaux entourant le Royaume-Uni et l’Irlande ont atteint jusqu’à 4°C de plus que les normales en mai. Un fait inédit sous ces latitudes. Mais une surchauffe à laquelle la Méditerranée, elle, est désormais tristement habituée comme le constatent au quotidien les scientifiques de la Station de Recherches Sous-Marines et Océanographiques (Stareso) à Calvi. « Nous disposons de relevés de températures qui permettent de mesurer l’impact du changement climatique depuis 40 ans », explique Michel Marengo, le directeur de la plateforme en pointant une trajectoire inquiétante. « On voit que depuis 2010 il y a vraiment une cassure. On observe de plus en plus de canicules marines, qui sont en gros l’équivalent d’un incendie sous-marin. Pendant plusieurs jours, on a des températures très chaudes aussi bien en surface où on enregistre plus de 30°C, qu’en profondeur où on peut avoir jusqu’à 27°C à 40 mètres », indique-t-il, « Ce qui est particulièrement préoccupant et inédit, c’est que cela dure désormais toute l’année. On a des étés de plus en plus chauds, mais ce que l’on dit un peu moins, c’est que même les hivers sont de plus en plus chauds. Par exemple cet hiver la température de l’eau de la Méditerranée n’est pas descendue en dessous de 14-15°C ».
Un phénomène dont les conséquences sont déjà palpables. Développement de nouveaux virus, arrivée d’espèces exogènes invasives qui entrent en compétition avec les espèces locales, stress thermique chez les espèces non-mobiles comme les coraux ou les gorgones, surmortalité … La liste des atteintes à la biodiversité est longue. « De plus, comme dans tout cycle saisonnier, pour la maturation des œufs et pour les cycles de reproduction, il faut qu’à un moment donné la température descende puis remonte. Nous avons également constaté que depuis 2010 il y a moins de zooplanctons. Or, derrière, c’est toute la chaîne alimentaire qui est perturbée. Et in fine, on voit qu’il y a moins de langoustes, moins de poissons, moins de mérous… », déplore le directeur de la Stareso en ajoutant que cette augmentation de la température de l'eau impacte aussi le niveau de la mer du fait de la dilation thermique. « Plus l’eau est chaude, plus les molécules d'eau s'éloignent, et il y a une augmentation du niveau marin. Donc suivant les différents scénarios du GIEC, en 2100, on sera à + 0,5 à 1 mètre d'augmentation du niveau marin », détaille-t-il, « Cela aura donc des conséquences sur nos installations, comme les ports, qu’il faut penser à adapter dès aujourd’hui ».
La Méditerranée est la mer qui se réchauffe le plus rapidement sur le globe
Face à l’ensemble de ces enjeux, Michel Marengo se réjouit de l’organisation de cette conférence mondiale dédiée aux océans. « La planète est recouverte sur 71% de sa surface par l’océan. Or, cet océan mondial est un peu le parent pauvre aujourd’hui. On en parle peu, pourtant c’est l’un des poumons de notre planète », souligne-t-il. « C'est donc plutôt bien qu’on braque enfin les projecteurs sur cet océan mondial et sur son impact sur la régulation du climat », insiste-t-il en rappelant : « L’océan permet d’absorber de la chaleur et de stocker du carbone. Près d'un tiers des gaz à effet de serre mis par les activités humaines sont stockés annuellement dans l'océan mondial, du fait de la pompe biologique. Les molécules de CO2, vont être stockées dans l'océan sous forme biologique, sous forme de carbone organique. On va créer de la matière vivante : l'océan va pomper ce CO2 et créer du phytoplancton, qui va être mangé par des poissons. Préserver la biodiversité, ce n'est pas seulement un devoir qu'on a, c'est aussi lutter contre l'impact du changement climatique ».
Dans ce droit fil, pour le scientifique, il est encore plus symbolique que Nice ait été choisie pour accueillir le sommet de l’Unoc, alors que la Méditerranée est aujourd’hui la mer qui se réchauffe le plus rapidement sur le globe. « C’est un très bon signal que l’Unoc soit organisé ici. On décrit la Méditerranée comme un océan en miniature. C'est un magnifique laboratoire pour nous car ce qui se passe en Méditerranée à petite échelle va se passer au niveau de l'océan mondial dans les années à venir », note-t-il en dévoilant : « Certains de nos chercheurs se sont rendus à Nice afin de porter notre voix, celle des spécificités de la Méditerranée, mais aussi celle de la Corse qui a des caractéristiques océanographiques exceptionnelles et une très grande biodiversité. Notre île peut être un exemple en termes d'aires marines protégées, de pression de pêche assez faible et de biodiversité quand même assez préservée ». En parallèle, la Stareso, installée à Calvi depuis 1972, a pour sa part permis de prendre conscience, peut être un peu plus rapidement qu’ailleurs, de l’impact du changement climatique dans l'océan. « À l'Unoc aujourd'hui, on parle de phyto, de zooplancton, de séquestration du carbone. Ce sont pour notre part des thématiques qu'on développe depuis 50 ans. Donc nous sommes très contents d’être entendus », se réjouit Michel Marengo, « Souvent, on parle de chercheurs qui sont hors sol, un peu déconnectés de la société. Nous, c'est l'inverse. La station est là au service de la Corse, au service de la société. On a près de 14 millions de données dans nos bases de données que nous mettons en open access. Elles doivent servir aussi bien aux gestionnaires d’aires marines protégées, qu’aux décideurs locaux, qu’aux mairies, qu’aux socioprofessionnels…. Nous sommes là pour essayer d'aider la décision publique quand on nous le demande », pose-t-il par ailleurs.
« Ce sommet de Nice, permet pour sa part de prendre conscience des perspectives et de la nécessité de s'adapter. Le dernier rapport du GIEC dit qu’on peut encore changer nos trajectoires climatiques et rien n'est encore impossible. S’il y a beaucoup d’éco-anxiété aujourd’hui, je suis pour ma part un éco-optimiste. Je crois aussi à notre capacité d'action collective au niveau individuel, communautaire et international. Il est encore temps d'agir », reprend encore le directeur de la Stareso avant de conclure : « La fenêtre de tir est encore ouverte, mais il faut qu'on se dépêche ».
Il y a quelques jours, l’observatoire terrestre de l’Agence spatiale américaine indiquait d’ailleurs que les températures des eaux entourant le Royaume-Uni et l’Irlande ont atteint jusqu’à 4°C de plus que les normales en mai. Un fait inédit sous ces latitudes. Mais une surchauffe à laquelle la Méditerranée, elle, est désormais tristement habituée comme le constatent au quotidien les scientifiques de la Station de Recherches Sous-Marines et Océanographiques (Stareso) à Calvi. « Nous disposons de relevés de températures qui permettent de mesurer l’impact du changement climatique depuis 40 ans », explique Michel Marengo, le directeur de la plateforme en pointant une trajectoire inquiétante. « On voit que depuis 2010 il y a vraiment une cassure. On observe de plus en plus de canicules marines, qui sont en gros l’équivalent d’un incendie sous-marin. Pendant plusieurs jours, on a des températures très chaudes aussi bien en surface où on enregistre plus de 30°C, qu’en profondeur où on peut avoir jusqu’à 27°C à 40 mètres », indique-t-il, « Ce qui est particulièrement préoccupant et inédit, c’est que cela dure désormais toute l’année. On a des étés de plus en plus chauds, mais ce que l’on dit un peu moins, c’est que même les hivers sont de plus en plus chauds. Par exemple cet hiver la température de l’eau de la Méditerranée n’est pas descendue en dessous de 14-15°C ».
Un phénomène dont les conséquences sont déjà palpables. Développement de nouveaux virus, arrivée d’espèces exogènes invasives qui entrent en compétition avec les espèces locales, stress thermique chez les espèces non-mobiles comme les coraux ou les gorgones, surmortalité … La liste des atteintes à la biodiversité est longue. « De plus, comme dans tout cycle saisonnier, pour la maturation des œufs et pour les cycles de reproduction, il faut qu’à un moment donné la température descende puis remonte. Nous avons également constaté que depuis 2010 il y a moins de zooplanctons. Or, derrière, c’est toute la chaîne alimentaire qui est perturbée. Et in fine, on voit qu’il y a moins de langoustes, moins de poissons, moins de mérous… », déplore le directeur de la Stareso en ajoutant que cette augmentation de la température de l'eau impacte aussi le niveau de la mer du fait de la dilation thermique. « Plus l’eau est chaude, plus les molécules d'eau s'éloignent, et il y a une augmentation du niveau marin. Donc suivant les différents scénarios du GIEC, en 2100, on sera à + 0,5 à 1 mètre d'augmentation du niveau marin », détaille-t-il, « Cela aura donc des conséquences sur nos installations, comme les ports, qu’il faut penser à adapter dès aujourd’hui ».
La Méditerranée est la mer qui se réchauffe le plus rapidement sur le globe
Face à l’ensemble de ces enjeux, Michel Marengo se réjouit de l’organisation de cette conférence mondiale dédiée aux océans. « La planète est recouverte sur 71% de sa surface par l’océan. Or, cet océan mondial est un peu le parent pauvre aujourd’hui. On en parle peu, pourtant c’est l’un des poumons de notre planète », souligne-t-il. « C'est donc plutôt bien qu’on braque enfin les projecteurs sur cet océan mondial et sur son impact sur la régulation du climat », insiste-t-il en rappelant : « L’océan permet d’absorber de la chaleur et de stocker du carbone. Près d'un tiers des gaz à effet de serre mis par les activités humaines sont stockés annuellement dans l'océan mondial, du fait de la pompe biologique. Les molécules de CO2, vont être stockées dans l'océan sous forme biologique, sous forme de carbone organique. On va créer de la matière vivante : l'océan va pomper ce CO2 et créer du phytoplancton, qui va être mangé par des poissons. Préserver la biodiversité, ce n'est pas seulement un devoir qu'on a, c'est aussi lutter contre l'impact du changement climatique ».
Dans ce droit fil, pour le scientifique, il est encore plus symbolique que Nice ait été choisie pour accueillir le sommet de l’Unoc, alors que la Méditerranée est aujourd’hui la mer qui se réchauffe le plus rapidement sur le globe. « C’est un très bon signal que l’Unoc soit organisé ici. On décrit la Méditerranée comme un océan en miniature. C'est un magnifique laboratoire pour nous car ce qui se passe en Méditerranée à petite échelle va se passer au niveau de l'océan mondial dans les années à venir », note-t-il en dévoilant : « Certains de nos chercheurs se sont rendus à Nice afin de porter notre voix, celle des spécificités de la Méditerranée, mais aussi celle de la Corse qui a des caractéristiques océanographiques exceptionnelles et une très grande biodiversité. Notre île peut être un exemple en termes d'aires marines protégées, de pression de pêche assez faible et de biodiversité quand même assez préservée ». En parallèle, la Stareso, installée à Calvi depuis 1972, a pour sa part permis de prendre conscience, peut être un peu plus rapidement qu’ailleurs, de l’impact du changement climatique dans l'océan. « À l'Unoc aujourd'hui, on parle de phyto, de zooplancton, de séquestration du carbone. Ce sont pour notre part des thématiques qu'on développe depuis 50 ans. Donc nous sommes très contents d’être entendus », se réjouit Michel Marengo, « Souvent, on parle de chercheurs qui sont hors sol, un peu déconnectés de la société. Nous, c'est l'inverse. La station est là au service de la Corse, au service de la société. On a près de 14 millions de données dans nos bases de données que nous mettons en open access. Elles doivent servir aussi bien aux gestionnaires d’aires marines protégées, qu’aux décideurs locaux, qu’aux mairies, qu’aux socioprofessionnels…. Nous sommes là pour essayer d'aider la décision publique quand on nous le demande », pose-t-il par ailleurs.
« Ce sommet de Nice, permet pour sa part de prendre conscience des perspectives et de la nécessité de s'adapter. Le dernier rapport du GIEC dit qu’on peut encore changer nos trajectoires climatiques et rien n'est encore impossible. S’il y a beaucoup d’éco-anxiété aujourd’hui, je suis pour ma part un éco-optimiste. Je crois aussi à notre capacité d'action collective au niveau individuel, communautaire et international. Il est encore temps d'agir », reprend encore le directeur de la Stareso avant de conclure : « La fenêtre de tir est encore ouverte, mais il faut qu'on se dépêche ».
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