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DOSSIER. Me Johana Giovanni, infatigable défenseuse des victimes de violences conjugales


le Dimanche 5 Mars 2023 à 20:22

À trois jours de la Journée internationale des Droits des Femmes, CNI a choisi de consacrer son dossier hebdomadaire à des femmes qui oeuvrent et luttent au quotidien pour les droits des femmes, l’égalité et la justice, contre les violences sexistes et les inégalités face aux hommes.

Une de ces femmes est Me Johana Giovanni, jeune avocate ajaccienne qui depuis 7 ans agit sans relâche pour défendre les droits des femmes et enfants victimes de violences intrafamiliales. Au point qu’elle est aujourd’hui la référente de plusieurs associations.



Me Johana Giovanni
Me Johana Giovanni
Elle ne refuse jamais un dossier touchant aux violences intrafamiliales. Depuis qu’elle a prêté serment en décembre 2015, Me Johana Giovanni a fait de l’aide aux femmes et aux enfants victimes de violences son cheval de bataille. La concrétisation d’un rêve d’enfant pour cette jeune Ajaccienne de 34 ans qui a effectué toutes ses études à Corte. « Du fait de ma manière de m’exprimer, toute mon enfance on m’a taquiné en me disant que je deviendrai avocate. Quand s’est posée la question de savoir ce que j’allais faire, j’ai fait une introspection sur moi-même. Très vite, j’ai su que je voulais me rendre utile. Je me suis dit que finalement, l’avocat aide les gens et j’ai donc commencé mes études de droit », raconte-t-elle, « Dès le départ, j’ai su pourquoi j’y allais. Je voulais aider les personnes en difficulté, et mon histoire personnelle a fait que je me suis très vite orientée vers l’aide aux femmes et aux enfants victimes de violences intrafamiliales. C’est pour cela que je porte la robe aujourd’hui ». 
 
Inscrite au barreau d’Ajaccio et à la cour d’appel de Bastia, elle peut aujourd’hui compter sur l’appui de son associé, Me Xavier Casimiri, afin de pouvoir prendre le temps nécessaire pour aider toutes les victimes qui la sollicitent. « Il est d’un grand soutien. Quand je dois prendre en charge une victime, il est toujours là pour m’aider dans mes autres dossiers. Sans lui, je ne pourrais pas en faire autant », confie-t-elle en glissant : « Je trouve déjà que je n’en fais pas assez ». Pourtant, la dynamique jeune femme ne compte pas son temps, n’hésite jamais à sacrifier ses soirées, ses week-ends et même ses vacances pour ses clients. « Un choix militant » pour cette avocate infatigable qui, du fait de sa pugnacité, est rapidement devenue la référente de plusieurs associations d’aide aux femmes victimes de violences. Nombreux sont également ceux qui ne tarissent pas d’éloges sur son engagement sans faille. Une fierté pour cette bosseuse acharnée, qui reste malgré tout très modeste. « Beaucoup de mes confrères œuvrent aussi énormément en la matière », souffle-t-elle.

Des améliorations dans la prise en charge de victimes de violences, malgré des "couacs" qui demeurent

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Et puis, malgré les nombreux dispositifs déployés ces dernières années, elle estime surtout « qu’il y a encore du travail à faire » dans la protection des femmes victimes de violences. « La justice souffre d’un manque de moyens », regrette-t-elle, « Même si les divers interlocuteurs sont à l’écoute et ont pris conscience de la réalité et de la dangerosité de la violence intrafamiliale. Il y a vraiment une volonté d’aider les femmes victimes de violences. Après, il y a un manque de moyens humains, de logements, pleins de choses encore à faire. Cela avance, bien que des couacs demeurent. Il y a encore des personnes qui me disent que leurs plaintes n’ont pas été prises, même si cela est de moins en moins fréquent. Donc, même avec toutes les bonnes volontés qui existent, cela reste extrêmement compliqué ». Déterminée, Me Johana Giovanni veut toutefois rester positive et croire que la protection des femmes victimes de violences sera de plus en plus importante au fil du temps. Il y a quelques mois, elle a d’ailleurs obtenu pour la première fois en Corse-du-Sud la mise en place d’un bracelet anti-rapprochement pour l’ex-conjoint d’une victime. « Vu que c’est inapplicable, car Ajaccio n’est pas assez vaste et que le système se déclenchait tout le temps, cela a été vite enlevé. Mais nous avons essayé », lance-t-elle. 
 
Face au tabou qui subsistait encore il y a peu sur ces faits de violences intrafamiliales, elle convient par ailleurs qu’une certaine libération de la parole commence à se faire sentir ces dernières années. Une prise de conscience qu’elle relie à des mouvements comme #Metoo ou #Iwas sur les réseaux sociaux et à la médiatisation plus importante des féminicides. « Cela a permis de faire réaliser aux victimes qu’elles n’étaient pas seules, de se rendre compte qu’elles aussi subissaient des choses anormales. De plus, on voit que les associations font de plus en plus d’actions de prévention à travers lesquelles elles montrent que la violence conjugale s’installe rarement d’un coup et que les victimes ont parfois du mal à réaliser ce qui se passe. Les victimes ont pris conscience qu’il n’y avait pas de honte à dire ce qu’elles subissaient. Et puis, enfin, on prend en considération que les violences intrafamiliales existent et qu’elles peuvent avoir des conséquences très néfastes », souligne-t-elle. 

Faire que l'aspect financier ne dissuadent jamais les victimes de violences d'agir en justice

Dans ce droit fil, quand des victimes de violences prennent enfin la décision de partir, Me Johana Giovanni leur conseille de toujours « penser d’abord à elles et à leurs enfants » et souhaite que l’aspect financier ne soit jamais un frein pour agir en justice. « Nous arrivons toujours à trouver des solutions. Je ne veux pas que ce soit pour des raisons financières qu’elles ne quittent pas le logement ou qu’elles n’aillent pas en justice. Il y a plein de choses à faire. La plupart du temps, les victimes sont aussi touchées par une certaine violence économique, donc elles ont, pour une grande majorité, droit à l’aide juridictionnelle. Elles peuvent aussi être aidées financièrement par les associations et parfois par la Fondation des femmes », indique-t-elle. 
 
Pour cette avocate passionnée qui met autant d’énergie à défendre tous ses dossiers, difficile de choisir quand on lui demande quelle est sa plus grande victoire. « Je dirais peut-être que c’est le cas de Barbara T., il y a deux ans, qui a été reconnue comme victime de viols par son ex-beau-père 18 ans après les faitsTout le monde disait que cela n’allait aboutir à rien. La juge d’instruction a tenu bon. Nous aussi et on s’est battu à l’audience. Et il a été condamné à 8 ans de prison. Ma plus grande satisfaction c’est cela, voir que cette victime a été entendue après tant d’années », dévoile-t-elle en reprenant : « Mais quand j’ai une femme victime de violences qui vient me voir en hésitant à déposer plainte, et qui le fait finalement en sortant de mon bureau, c’est une aussi grande victoire de lui avoir donné le courage et la confiance nécessaire. C’est une grande satisfaction, je me dis que j’ai servi à quelque chose et c’est pour cela que je porte la robe. Il faut ensuite les accompagner et ne pas les lâcher, c’est une grande responsabilité  ».