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Covid-19 - Paul-André Colombani : "la spécificité de la Corse n'a pas été prise en considération"


GAP le Dimanche 15 Novembre 2020 à 17:06

Après un peu plus de deux semaines de ce nouveau confinement, alors que la collision des chiffres et des prévisions sème, encore plus, le trouble au sein de la population, le député de la Corse du Sud Paul-André Colombani s'est exprimé sur les différents thèmes en lien avec l'épidémie de Covid 19. Bien entendu, l'aspect sanitaire est primordial mais ses incidences sur le volet économique, au sein d'une société insulaire déjà durement impactée par le premier confinement du printemps, font l'objet de l'analyse de Paul-André Colombani.



Paul-André Colombani
Paul-André Colombani
- Quelle est votre réaction à la suite des différentes interventions du Premier ministre et des membres de son gouvernement sur l’actuel confinement ?
 - Je crois que ces interventions ont manqué de pragmatisme dans la mesure où tout cela est vu depuis Paris. Si cette intervention s'était passée il y a deux ou trois semaines, quand nous étions autour de 1.000 contaminations par semaine en Corse, je n'aurais sans doute pas tenu le même raisonnement, mais force est de constater qu'aujourd'hui cela a fortement baissé dans notre région. De ce fait, on peut regretter le manque de pragmatisme du gouvernement en ne se basant pas plus la territorialité. Il est clair qu'il ne faut surtout pas relâcher nos efforts et qu'en ce sens il est prématuré d'évoquer les ouvertures des bars, mais pour le reste les ouvertures des petits commerces seraient possibles. Il est acquis que sans une application stricte et rigoureuse des gestes barrières, il va être très difficile de sortir de cette situation. J'en appelle, donc, à la responsabilité de la population pour que tout soit mis en œuvre au plan sanitaire, mais aussi économique, et je profite de l'occasion pour affirmer que nous devons plus que jamais opter pour une consommation locale.
 

- Au niveau sanitaire insulaire où en sommes nous aujourd'hui au regard des chiffres alarmants qui sont annoncés ?
- Aujourd'hui cela va mieux, on respire un peu. Mais il est vrai que, comme je vous l'ai déjà dit, voici deux à trois semaines ce n'était pas le cas. Les projections effectuées par l'Institut Pasteur, sur la base de 1.000 contaminations par semaine, auraient nécessité 140 lits en réanimation. C'était, à l'évidence, une situation anxiogène surtout au regard de la fragilité de notre situation sanitaire en termes structurels, après une succession de politiques visant à faire des économies. Tout cela a contribué à affaiblir ce secteur avant même l'actuelle situation liée à la Covid. En guise d'exemple, le fait de ne pas avoir de CHU en Corse nous pénalise fortement. Nous avons des déficits criant dans les limites insulaires. Nous manquons, singulièrement de postes de médecins réanimateurs à  Bastia. Nous ne pouvons plus nous appuyer sur les intérimaires qui ne sont plus en mesure de se déplacer et cela met encore plus en lumière la fragilité naturelle de nos hôpitaux. Après, c'est une maladie que l'on connaît encore mal, et même si on parle, beaucoup, d'hospitalisation à domicile, il faut savoir que la situation peut dégénérer très rapidement et que selon l'endroit où l'on se trouve les conséquences peuvent être plus ou moins graves, dans un contexte où il faut réagir très vite.
 

- À quoi faut-il s'attendre dans les semaines à  venir ?
- Nous ne possédons pas de boule de cristal car l'on ne connaît pas suffisamment ce virus, mais sans doute, comme tous les Coronavirus il va être soumis à la saisonnalité, comme l'est la grippe. Partant de là,  il y a fort à parier que l'on aura des pics dans une année et des périodes plus "calmes". Il est certain qu'il va nous falloir apprendre à vivre avec et c'est pour cela que je demande à tout un chacun de faire preuve de responsabilité
 
La Corse est quand même moins soumise à certaines situations, que l'on peut vivre dans les grandes villes, comme les transports en commun, peut-on, quand même, envisager un déconfinement à géographie variable ?
 
Cela n'est pas aussi simple. Bien entendu, nous subissons moins de pression liée à l'importance du public dans certains endroits spécifiques comme les transports en commun , mais d'un autre côté nous avons à mettre en parallèle la fragilité de notre système hospitalier. Nous allons pouvoir, peut-être, procéder à certaines ouvertures au niveau des petits commerces, mais le fait de vouloir aller trop vite pourrait bien produire l'effet inverse. C'est, actuellement, quelque chose de très difficile à appréhender.
 

- Économiquement la situation était, déjà, très difficile à l'issue du premier confinement, elle est, désormais, catastrophique. Existe-t'il une solution capable d'éviter le pire?
- Nous n'avons pas de solutions miracles. Il y a, par contre, une certitude, les mesures spécifiques que l'on était en droit d'attendre pour la Corse ne sont pas venues. Les promesses faites par le gouvernement au niveau économique ne prennent pas en considération nos spécificités. Autant dire qu'elles sont nettement insuffisantes.  Nous sommes un territoire avec ses particularités. Malheureusement quatre Projets de Loi de Finances ont été votés sans qu'aucune mesure spécifique ne soit prise pour la Corse comme cela avait été demandé; Il est certain que plus on confine plus on détruit un tissu économique déjà en très grande difficulté et par voie de conséquence on crée de la précarité.
 
- L'opinion publique et le milieu politique pointent, souvent, les incohérences du gouvernement, surtout en matière sanitaire, avec toutes les retombées que cela engendre au plan économique, mais a-t'on une solution qui puisse concilier les deux ?
-  Il faut être modeste, la France n'est pas le pays le plus mal loti. Mais, dès le début de cette crise sanitaire, il y a eu un véritable problème de communication et le gouvernement n'a, sans doute, pas pris, de suite, la mesure de ce qui se passait vraiment. Les contradictions à répétitions n'ont fait qu'affaiblir la confiance que la population pouvait avoir en l'Etat. Il fallait le plus simplement du monde dire la vérité. Il est certain que c'est une crise majeure qu'il est extrêmement compliqué pour le Gouvernement de trouver les bonnes solutions. Le fait de trouver les bonnes options qui concilient santé et économie est très compliqué à l'heure actuelle, dans la mesure où nous n'avons pas assez de recul et que surtout, il faut répondre dans l'urgence. Il faut avouer que cela peut, aussi, être difficile à expliquer.