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Conflit à la Méridionale : Femu a Corsica appelle la majorité à se réunir pour sauver les emplois


Nicole Mari le Dimanche 23 Juin 2019 à 22:54

Au troisième jour de grève des marins de la Méridionale, qui a été évincée de la Délégation de service public (DSP) maritime transitoire entre la Corse et le continent, et après les blocages des ports d’Ajaccio et de Bastia, la situation semble dans l’impasse. En Corse, les réactions se multiplient en solidarité avec les marins insulaires qui veulent sauver leurs emplois. A cet effet, le parti Femu a Corsica demande à la majorité territoriale d’organiser une table ronde avec tous les acteurs concernés. Son secrétaire national, Jean-Félix Acquaviva, député de la 2nde circonscription de Haute-Corse et ex-président de l’Office des transports de la Corse, explique à Corse Net Infos, que la Méridionale porte l’entière responsabilité du conflit et que l’appel d’offres ne peut être annulé.



Conflit à la Méridionale : Femu a Corsica appelle la majorité à se réunir pour sauver les emplois
- La Corse renoue avec le spectre – qu’on croyait révolu - du blocage de l’île. Qui porte la responsabilité de ce conflit ?
- La Direction de La Méridionale porte, seule, la responsabilité des choix qu'elle a effectués dans le cadre de la procédure d'appel d'offres. Elle porte, donc, seule la responsabilité du risque encouru de ne pas être retenue. Ses manœuvres consistant à transférer la responsabilité de cette situation sur la Collectivité de Corse (CdC) n'abusent personne, ni ses salariés, ni les Corses. Plutôt que de reconnaître ses erreurs et de chercher des solutions pour pérenniser son activité dans l’île, elle se lance dans une fuite en avant et fait le choix de la politique du pire. Elle refuse le dialogue social en interne. Elle remet en cause la DSP en annonçant son intention de naviguer sous OSP (Obligation de service public) dans une volonté délibérée de détricoter le système de continuité territoriale. Par ces choix, elle envenime le conflit social en cours et parie sur son durcissement, sur la dégradation de la situation en pleine saison estivale. Par cette attitude, La Méridionale et le groupe STEF vont contre les intérêts de leurs salariés et de la Corse. Ils cherchent à diviser la société insulaire par ce rapport de forces. C’est une attitude irresponsable !
 
- Comment réagissez-vous au référé de la Méridionale qui met en cause l’Exécutif de la Collectivité de Corse ?
- Ce sont, pour nous, des attaques inacceptables, aussi graves qu'infondées sur la probité de l’Exécutif et sur un appel d’offres qui a été totalement transparent, dans le droit fil du changement de paradigme que nous avons opéré dans les transports maritimes à notre arrivée aux responsabilités. Avant décembre 2015, toutes les attaques juridiques trouvaient écho auprès des tribunaux parce que le non-respect des procédures de mise en concurrence était patent, ainsi que les surcompensations financières attribuées aux compagnies. Après décembre 2015, nous avons remis de l’éthique dans les contrats, ce qui fait que même lorsque les compagnies sont évincées, la justice donne raison à la Collectivité de Corse. C’est pourquoi Femu a Corsica réaffirme son soutien plein et entier à l’Exécutif et à la majorité territoriale, aussi bien dans le cadre de la procédure d'attribution en cours, que pour la mise en œuvre du nouveau système de SEMOP qui a vocation à s'appliquer dans l'avenir.
 
- Soutenez-vous aussi les marins qui bloquent les ports de l’île ?
- Femu a Corsica apporte son soutien aux salariés de la Méridionale légitimement mobilisés pour leurs emplois et réaffirme la nécessité de les préserver, mais aussi de sortir de cette double logique de blocage systématique des ports et de répression de l’Etat qui est préjudiciable à la Corse et à son activité économique. C’est pour cela que nous appelons au déblocage et au dialogue. Nous proposons aux composantes de la majorité territoriale de réaliser une table ronde avec tous les acteurs concernés. Le but est de rechercher des solutions durables pour le maintien des emplois de la desserte, tout en respectant totalement le cadre actuel d’attribution de la DSP transitoire qui sera la dernière du nom. Le nouveau système, que j’ai conduit en tant que président de l’OTC et que conduisent aujourd’hui Vanina Borromei et le président de l’Exécutif, Gilles Simeoni, a été voté en septembre 2016. C’est un système pérenne de continuité territoriale, basé sur des compagnies et des SEMOP (Société d’économie mixte à opération prioritaire) qui garantira, à partir de 2021, à la Corse, la maitrise de ses transports.

- Que pensez-vous de la décision de la Préfecture de débloquer les ports par la force ?
- On s’étonne de la gestion que fait l’Etat de cette crise. Ce n’est pas une gestion qui favorise une sortie par le haut, mais, au contraire, envenime les choses. Dans ce cadre-là, on se pose beaucoup de questions.

- Les syndicats en appellent à l’Exécutif corse qui reste silencieux. Comment interpréter ce silence ?
- Il est normal que la Collectivité de Corse et le Conseil exécutif ne s’expriment pas dans la mesure où il y a un appel d’offres en cours et qu’une décision doit être prise par l’Assemblée de Corse à la session des 27 et 28 juin. Pour garantir l’équité et la transparence, il ne peut pas y avoir interférence, contrairement à ce qu’il a pu se passer avant décembre 2015, entre le pouvoir politique décisionnel et les compagnies candidates.
 
- Les syndicats et d’autres exigent l’annulation de l’appel d’offres. Est-ce envisageable ?
- Non ! L’appel d’offres ne peut pas être annulé ! Le fait de l’imaginer suppose, en plus, que le Conseil exécutif et l’Assemblée de Corse aient le même niveau de responsabilités que La Méridionale et le groupe STEF. Cela est faux ! La Méridionale a très mal répondu à l’appel d’offres. Elle a du mal à admettre la nouvelle façon de fonctionner de la CdC, notamment la transparence quand à la juste compensation des services publics, et du mal à remettre en cause son propre mode de fonctionnement. Elle continue de vouloir agir comme avant quand elle se positionnait sur des marchés captifs qui étaient là, en fait, pour, à travers les subventions, garantir sa gestion et sa survie et celles de l’ex-SNCM, et non pour répondre au mieux aux exigences du service public. Au lieu de changer d’attitude, La Méridionale a la prétention de vouloir mettre à l’index les élus et le Conseil exécutif de la Corse, et tout ce qui doit faire un service public de qualité, à savoir la fiabilité de la desserte et la baisse des tarifs. Remettre en cause l’appel d’offres serait céder à la pression de la Direction de La Méridionale et du groupe STEF. Je rappelle que La Méridionale ne représente, en termes de chiffre d’affaires, que 5% du groupe STEF qui a largement la surface financière et économique de s’adapter à la nouvelle donne en Corse.
 
- Certains pointent le risque d’un monopole de Corsica Linea. Qu’en est-il ?
- Il n’y a pas de situation de monopole quand une entreprise gagne un appel d’offres dans un système de service public. Le patron du service public, dans le cahier des charges qu’il établit et dans le strict contrôle de ce cahier des charges, reste, dans tous les cas de figure, la Collectivité de Corse. Il y a des critères économiques, sociaux, environnementaux, des baisses de tarifs... Ce n’est pas l’entreprise, fut-elle seule à gagner l’appel d’offres, qui commande les règles du jeu du service public et qui les met en œuvre à sa guise. C’est très curieux d’entendre que La Méridionale ait pu être un bon élève de l’intérêt de la Corse pendant 40 ans et encore plus curieux de donner raison au coup de force d’un grand groupe capitaliste comme le groupe STEF !
 
Propos recueillis par Nicole MARI.
 

Jean-Félix Acquaviva, secrétaire national de Femu a Corsica, député de la circonscription de Corte-Balagne et ex-président de l'Office des transports de la Corse.
Jean-Félix Acquaviva, secrétaire national de Femu a Corsica, député de la circonscription de Corte-Balagne et ex-président de l'Office des transports de la Corse.