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Comcom du Fium’Orbu : « Nous avons dit nos priorités à la ministre, nous attendons des réponses »


Nicole Mari le Mercredi 11 Juillet 2018 à 19:14

L’occasion était trop belle et la Communauté de communes de Fium’Orbu Castellu l’a saisie. Choisie par la ministre Jacqueline Gourault, dans sa visite éclair en Corse, pour « voir sur un territoire le fonctionnement d’une intercommunalité », elle a présenté ses actions et insister sur ses deux priorités : la lutte contre les incendies et l’accès à la culture. Les élus communautaires ont, également, interpellé la ministre sur la question de la santé et des déchets. Sans obtenir aucune réponse, mais en gardant espoir. Explications, pour Corse Net infos, de Louis Cesari, président de la Comcom.



Louis Cesari, président de la Communauté de communes de Fium’Orbu Castellu en Haute-Corse.
Louis Cesari, président de la Communauté de communes de Fium’Orbu Castellu en Haute-Corse.
- La visite de Jacqueline Gourault vous a-t-elle surprise ?
- Elle a annoncé qu’elle était une ancienne élue locale et qu’elle était venue nous voir parce qu’elle a entendu du bien de nous. Quand l’intervention débute comme cela, on ne peut que le noter et s’en satisfaire. J’ai, avec l’ensemble du Conseil communautaire, saisi cette opportunité de lui présenter nos actions et d’insister sur nos priorités.
 
- Quelles sont vos priorités ?
- La toute première priorité aujourd’hui, c’est la diminution des risques d’incendie dans les villages de montagne. Il est question de défense passive. En clair, il faut démaquiser autour des villages pour faire en sorte que la population et les bâtiments soient en sécurité. C’est une urgence ! Il faut qu’on le fasse maintenant !
 
- N’est-ce pas fait ?
- Non ! On a conduit une étude en partenariat avec l’Office de l’environnement sur l’ensemble de nos villages et hameaux de montagne. Elle montre que si on considère un périmètre de 50 mètres autour des habitations,-  comme le veut la loi, mais ce n’est pas suffisant, il faut considérer 100 à 150 mètres – 500 hectares, répartis sur les neuf communes de la Comcom, doivent être démaquisés. Environ 250 hectares le sont effectivement, mais 250 ha restent à démaquiser. Si on ne le fait pas, des maisons et la population sont en péril de feu. Cela veut dire que du combustible peut arriver à toucher et à mettre en danger les maisons. Ce n’est pas acceptable ! Nous ne pouvons pas l’accepter !
 
- Pourquoi ces 250 ha ne sont-ils pas démaquisés ?
- Ce sont des hectares en zone de montagne. Or, la montagne fait l’objet d’un abandon et d’une baisse de population depuis 50 ans. Les travaux de démaquisage sont, aujourd’hui, trop onéreux : c’est du gros maquis et il ne s’agit pas de passer dedans avec un sécateur ! Les propriétaires n’ont pas forcément les moyens. Souvent aussi, le foncier n’a pas de valeur et le coût du démaquisage est supérieur à cette valeur. Le foncier, comme le bâtiment, sont parfois aussi en indivision, on a du mal à déterminer les propriétaires. La réglementation est difficile à appliquer… Ce sont tous un tas de raisons qui font que, depuis 50 ans, ce travail n’a pas été fait. On doit aujourd’hui récupérer un retard de 50, voire 80 ans.
 
- Comment comptez-vous le récupérer ?
- Comme nous l’avons dit à la ministre, à la préfète de Corse et au préfet de Haute-Corse, il faut remettre les compteurs à zéro et démaquiser. Et il faut que les collectivités locales, que ce soit la commune ou la Comcom, le fassent parce que les propriétaires ne peuvent pas le faire. Une fois que ce sera fait, il faudra, par contre, organiser l’entretien parce qu’il n’est pas question de recommencer tous les cinq ans ! Notre priorité, aujourd’hui, est de donner un coup de collier. Or, nous n’avons pas la possibilité règlementaire de le faire puisque la loi dit que c’est aux propriétaires de le faire, donc on tourne en rond, on n’a pas de solution ! Et nous avons que nos moyens financiers. Si, demain, le préfet de Haute-Corse nous donne la possibilité d’intervenir et que la région, ou l’Etat, renforce nos moyens financiers propres, soit par de l’argent, soit par un soutien opérationnel des services comme celui des sapeurs-forestiers, on ira évidemment plus loin et plus vite. Si on est tout seul et qu’on nous y autorise, on mettra dix ans à faire. Si on nous y autorise, mais qu’on nous aide, on mettra seulement trois ou deux ans.
 
- Quelle est votre deuxième priorité ?
- La culture. Nous avons des projets culturels déjà bien avancés : une école d’enseignement artistique et une salle de spectacle. Nous avons mis en concurrence trois architectes qui nous remettront leurs esquisses et nous en choisirons un. Nous avons l’intention d’aller jusqu’au permis de construire. Les projets ont été présentés pour un financement PEI (Plan exceptionnel d’investissements). Pour l’instant, nous n’avons pas de réponse. Nous espérons une réponse favorable parce que, pour développer une région et pour le bien-être de la population, la culture a son importance. C’est à la Comcom de le faire.
 
- Que comprendront ces installations ?
- L’école comprendra l’enseignement de la musique, du théâtre, de la peinture, des arts du cirque… Elle sera implantée à Ghisonaccia sur une parcelle communale que la mairie va nous céder et qui est contigüe au collège et au lycée du Fium’Orbu. Les élèves auront toute facilité pour y accéder parce qu’ils n’auront que le parking à traverser. Cela nous permettra de démocratiser la culture. La salle de spectacle pourra accueillir 350 personnes et sera complétée par une esplanade pouvant recevoir 1000 personnes. Elle est prévue à l’emplacement actuel de la mairie de Ghisonaccia. Le bâtiment, qui date des années 60, sera détruit parce qu’il est trop cher à rénover. Le quartier sera réaménagé et une nouvelle mairie sera construite sur le terrain à côté.

- Vous avez entretenu la ministre du problème de la santé. Elle a répondu que c’était national et que la situation était pire ailleurs. Une manière de se dérober ?
- Il y a peut-être pire ailleurs, mais il faudrait qu’on chiffre en temps de trajet. De toute façon, on a voulu lui signifier que le combat de la santé a été mené par la Comcom, les élus, mais surtout par l’ensemble de la population et des professionnels médicaux et paramédicaux par le biais d’un Collectif qui s’est créé et travaille dessus depuis dix ans. Nous avons franchi plusieurs étapes, réussi plusieurs avancées : le SMUR, l’IRM, un scanner… Il nous manque quelque chose de fondamental qui est l’hôpital public local. Il faut que cette possibilité soit inscrite au PRS 2 (Plan régional de santé) qui est en cours de consultation publique. Nous avons bon espoir, même si la ministre ne s’est pas avancée. Elle a pris note. Je ne doute pas qu’elle nous fasse un retour.
 
- Vous avez également parlé d’urbanisme. De quoi a-t-il été question ?
- Le DOCOBAS (Document d’objectif agricole et sylvicole) sert à étudier les possibilités d’implantation des projets d’exploitations en zone de montagne et aussi à fixer les Espaces stratégiques agricoles (ESA) en zone de plaine. Proposer une cartographie des ESA peut aider les communes de plaine à faire leur PLU (Plan local d’urbanisme). La Comcom n’intervient pas directement sur les PLU qui relèvent de la compétence de la commune, mais le DOCOBAS peut aider les communes individuellement.
 
- Autre sujet très sensible dans la Comcom : les déchets. Des élus ont interpellé la ministre et la préfète sur le sujet. La réponse n’a pas vraiment convaincu ?
- Deux points. La ComCom du Fium’Orbu a délibéré en juin 2015 pour dire que le tri est une priorité. Depuis, nous avons travaillé et investi environ 3 millions € dans l’équipement du territoire. Nous sommes passés d’un taux de tri des ménages de 6% à 25% cette année. Si on rajoute le tri de la déchetterie, le taux atteint 50%. Notre territoire a été capable de le faire… Cela veut dire qu’on peut le faire partout. Il faut le vouloir ! Aujourd’hui, j’espère qu’avec le soutien de la Collectivité de Corse et de l’Etat, la volonté des Comcom sera accompagnée par des moyens et qu’il sera possible de le faire partout. Nous, nous l’avons fait et nous n’avons pas manqué de moyens !
 
- Quel est l’autre point : la prochaine crise des déchets ?
- Oui ! Cette problématique n’est pas propre à notre territoire, mais est régionale. Elle concerne la carence actuelle en capacité d’enfouissement. On s’approche vers une nouvelle crise des déchets forcément ! Comme attendu ! On le sait depuis bien longtemps ! En ce qui concerne notre Comcom, en septembre 2017, alors qu’on sortait de la troisième crise consécutive, le Conseil communautaire a délibéré en disant : « Attention ! En 2018, qu’il ne vienne à l’idée de personne d’augmenter les capacités annuelles de la STOC ! ». Pour l’instant, j’ai cette délibération très claire qui demande, aux uns et aux autres, de ne pas envisager d’augmentation de capacité sur le site de Prunelli.
 
- Sans quoi, ferez-vous une action ?
- Evidemment !
 
- La ministre s’est bornée à écouter. N’êtes-vous pas déçu de ce manque de réponse ?
- Elle a pris note. J’attends des réponses sur certains sujets. La préfète de région a pris note des problématiques PEI sur les projets culturels. Elle s’est un peu engagée à voir si des solutions étaient possibles en redéployant les crédits non affectés à ce jour. La ministre nous a proposé une rencontre avec le directeur général de la Sécurité civile pour les questions d’incendies. J’espère beaucoup de cette rencontre-là qui est prévue dans une semaine.
 
Propos recueillis par Nicole MARI.