Corse Net Infos - Pure player corse

Catherine Vidal à Bastia : le cerveau a-t-il un sexe ?


Lorela Prifti le Mardi 4 Octobre 2022 à 18:48

Le cerveau a-t-il un sexe ? A Bastia à l'occasion d'un séminaire organisé ce 3 octobre au Lycée Giocante de Casabianca sur le thème de l'égalité des chances filles-garçons, la neurobiologiste Catherine Vidal, directrice de recherche à l'Institut Pasteur et membre du comité d'orientation du Laboratoire de l'égalité, apporte pour les lecteur de Corse Net Infos un éclairage scientifique sur la question du genre



Catherine Vidal
Catherine Vidal
- Le cerveau a-t-il un sexe ? 
En ce qui concerne la partie de la reproduction, oui, en ce qui relève des capacités cognitives, non. On a tous des cerveaux différents. C’est le point le plus important. Nos cerveaux se construisent grâce à la plasticité cérébrale, notre cortex cérébral qui est vraiment le siège de toutes les fonctions cognitives : l’intelligence, le raisonnement, la mémoire, l’imagination, ce qui est le propre de l’humain. Donc les connexions entre les neurones du cortex cérébral se fabriquent après la naissance en interaction avec le monde environnant et c’est pour cela que tous les êtres humains ont des cerveaux différents, qu’on développe des traits de personnalité différentes, des attitudes différentes, mais aussi on a cette capacité ouverte au changement. Ce n’est pas parce qu'à un moment donné on avait développé tel ou tel goût ou tel style de vie que en suite on ne peut pas changer. Le plus important dans la plasticité cérébrale c’est l'aspect optimiste et positif qui fait qu’on n’est jamais figé. Notre cerveau est toujours ouvert et c’est le message le plus important à faire passer.

- Est-ce que les neurosciences plaident en faveur de l’égalité femme-homme ? 
Quand on s'intéresse à l'égalité entre les filles et les garçons, entre les femmes et les hommes, il est important de voir tous les stéréotypes historiques derrière. On laissait croire que les filles étaient déjà un peu faibles, un peu souffreteuses, avec leurs problèmes d’hormones et qui n’avaient pas un cerveau capable de faire des maths ou des sciences. C’est une longue histoire  on a infériorisé les femmes et heureusement maintenant grâce aux progrès de la médecine, et aux progrès de neuroscience, on a pu montrer que les filles et les garçons ont les mêmes capacités cognitives et les mêmes capacités de raisonnement, d’intelligence, de mémoire et d’imagination. C’est un point très important qu’il faut toujours rappeler parce que hélas, on laisse encore croire que les filles n’ont pas un cerveau pour le raisonnement mathématique. C’est pour ça que dans l’orientation scolaire hélas, il n’y a pas suffisamment de filles qui vont dans les sciences, les techniques, dans l’informatique.

- Le "neuro-sexisme" est-il encore présent dans notre société ? 
La réalité des recherches sur le cerveau a beaucoup évolué. C’est-à-dire qu’auparavant quand vous vouliez des cerveaux de femme et d’hommes on pouvait regarder avec les imageries cérébrales comment le cerveau fonctionne, quelle est son anatomie, mais on comme l’IRM coûte très cher et il s’agit des gros équipements, on pouvait faire des comparaisons que sur des petits groupes de personnes, quelques dizaines et puis maintenant on a des gros ordinateurs, on est capables d’analyser toutes ces images qui sont des gros fichiers informatiques et on peut comparer des milliers et des milliers de cerveaux de femme et d’hommes et quand on fait des comparaisons sur d’énormes échantillons, on ne voit pas de différence entre les cerveaux des femmes et des hommes, par contre on voit des différences entre tous les individus quel que soit leur sexe. C’est-à-dire que les différences entre les personnes de même sexe sont plus importantes que les différences entre les sexes.

- Pourquoi est-il important d’agir pour l'égalité filles-garçons dès le plus jeune âge ? 
Si on veut une égalité des chances, c'est à l'école qu'il faut commencer. Il faut qu’on sorte de tous ces stéréotypes. Les filles c’est pour les langues, c’est pour les métiers littéraires, c’est pour les métiers du soin, les garçons c’est les sciences, la technique, l’informatique. Hélas ! il y a ces clivages qui conditionnent les orientations et il faut vraiment que des actions soient faites dès le plus jeune âge, dans tous les niveaux du parcours scolaire, pour stopper ça. Il faut former les enseignants, pour qu’ils puissent aussi avoir plus de mixité dans la façon dont ils vont organiser tous leurs exercices pour que les filles et les garçons soient ensemble pour qu’à tous les niveaux d'enseignement on considère les filles et les garçons avec les mêmes aptitudes et les mêmes capacités.