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Carta Bianca : Êtes-vous instagrammable ?


Bianca le Samedi 13 Avril 2019 à 20:13

Depuis un moment, je me penche sur les uses et coutumes des instantanés numériques et le clavier me démange de vous en faire part. La semaine dernière, en attendant un collègue, accompagné d’un café strettu-strettu et de mes indispensables lunettes noires, je profite des derniers rayons de soleil de la journée et me prête à mon jeu favori : observer.



Carta Bianca : Êtes-vous instagrammable ?

Installée en terrasse, je vois en face de moi une bande de jeunes qui a fait du banc son Quartier Général : assis, affalés, allongés, debout, allers, retours… Ils s’adonnent à une chorégraphie que j’ai sans doute connue un jour, ponctuée de rires, de chuchotements, et bien sûr de selfies. A priori, certains se connaissent, d’autres peu ou depuis peu. Vient le moment de la publication sur les réseaux sociaux. Facebook ? Twitter ? Instagram ? A ce stade de la lecture, si le nom de « Snapchat » ne vous a pas effleuré et que « Instagram » vous évoque une appli installée mais jamais ou rarement ouverte, je préfère vous le dire tout de suite : « Vous n’avez pas les bases ».
 
Qu’on se le dise, Facebook appartient désormais aux gangs des vieux (comptez à partir de 30 ans), Twitter celui des politiciens (ou des râleurs) et Snapchat semble avoir le monopole de la jeunesse à travers les échanges de messages texte et image. Quant à « Insta », c’est LE social network qui reprend toutes les fonctionnalités des autres ou presque, en beaucoup plus tendance, bien plus épuré et méga stylé. Photos avec filtre surplombées d’une petite phrase philosophique trouvée sur Wikipedia ou un Skyblog de 2006, stories, messages et hashtags évidemment. L’art du court, de l’instantané, de l’éphémère car la vie est courte, ne perdons pas de temps à expliquer pourquoi on est heureux, #TocdeMac suffira amplement.
 
Revenons maintenant à nos cabris, qui après avoir storisé un max sur Snap décident de passer aux choses sérieuses (#Insta, vous suivez ?). Il est évidemment question d’identifier chaque personne présente sur la photo en s’étant préalablement abonné à chacun d’eux. Une procédure #MhaiCapitu mais nécessaire au bon fonctionnement de la communauté des instagramers. J’entends « C’est quoi ton insta ? », une fois, deux fois, trois fois et guette la réaction du coin de l’œil de la quatrième jeune fille mise sur le banc de touche. S’ensuit un échange tragique :
 « Et moi, tu ne me demandes pas mon Insta ?
T’as Insta ?
Bah non.
Bah voilà ».

Violence juvénile quand tu nous tiens.
 
Néanmoins, en dehors de toute considération générationnelle, Instagram est le réseau social de la tendance. Après MSN, Myspace, Facebook et j’en passe, c’est au tour d’Instagram de jauger notre taux d’intégration dans la société (ou de narcissisme), à base de contenus brefs, référencés au plus proche des personnalités - exit votre album Facebook « Eté 2014 – Frate & co ». #Dezo.
 
De toute évidence, cette petite n’était pas assez branchée pour avoir même l’air d’avoir un compte Instagram.
Suite de la discussion entre les adolescents qui égaillent mon début de soirée, tant leur attitude en dit long notre belle et superficielle société… La jeune fille répond, qu’elle ne voit pas l’intérêt si elle a déjà Facebook, ce à quoi sa nouvelle amie lui affirme qu’elle « loupe plein de choses en n’étant pas sur Insta ». A messa hè detta.
 
Il est vrai qu’il y a 15 ou 20 ans, on attendait le Star Club du mois suivant pour en savoir plus sur la vie privée de Britney Spears ou Jennifer Lopez, qui entre temps s’était teint les cheveux deux fois. Aujourd’hui, Instagram vous permet de voir en direct les personnes à suivre, vous donnant ainsi l’impression de partager leur vie. Mieux encore, des gens lambda deviennent connus pour la « qualité » des contenus partagés, de la gastronomie à la mode, en passant par les voyages, le sport, la photographie amateure et toute l’addiction que ces comptes peuvent susciter. Bref on est tous aux portes de la célébrité, si tant est qu’on puisse être instagrammable, c’est-à-dire que notre vie puisse coller à l’esthétique de l’application éponyme. 

Chaque époque à ses tendances, Instagram en fait partie. Si aujourd’hui nous passons des soirées à chanter les génériques de notre enfance, c’est que l’on a passé bien trop de temps devant la télévision dans notre jeunesse. Loin de moi donc, l’idée de blâmer Instagram mais force est de constater à travers ces ados que nous vivons dans un monde d’images où le moi serait le leitmotiv de toute publication. Est-ce qu’on rate plein de choses lorsqu’on n’est pas sur Instagram ? Pas sûr. En revanche, passer son temps sur Insta pour guetter les personnes à suivre ou the place to be, risque fort de vous faire passer à côté de la vie. Aussi, j’aime à croire ce que dit Mammò : dans un monde qui se dessine comme de plus en plus dématérialisé avec une surdose de contenus, les gens les plus tendance dans les années à venir seront ceux qui n’auront aucune autre existence que sur Terre.
 
Bianca n’a pas d’Instagram mais une bonne vieille adresse mail. J’attends vos questions, réactions et idées de publication :  cartabianca@corsenetinfos.corsica