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CTC : L’ultime budget avant la collectivité unique se débat entre contraintes et espoirs !


Nicole Mari le Jeudi 26 Janvier 2017 à 21:16

C’est sur le débat des orientations budgétaires (DOB) pour 2017 qui s'est ouverte, jeudi après-midi, la première saison de l’année de l’Assemblée de Corse (CTC). Un projet de budget fortement marqué par un contexte tendu et incertain et par le passif légué par l’ancienne mandature qu’il a fallu épurer. L’Exécutif reconduit la stratégie d’économies sur les dépenses de fonctionnement instaurée en 2016, et table sur une hausse des investissements pour mettre en œuvre son programme politique. Si elle salue les efforts réalisés, l’opposition ergote sur la collectivité unique, déplore la faiblesse d’actions concrètes notamment sur le social et craint un saupoudrage des moyens. La majorité, refusant de sombrer dans le pessimisme ambiant, affiche ses ambitions.



CTC : L’ultime budget avant la collectivité unique se débat entre contraintes et espoirs !
C’est le second et dernier débat d’orientations budgétaires (DOB) de la courte mandature nationaliste, mais aussi le dernier de la collectivité territoriale de Corse. En 2018, sera débattu le premier budget de la nouvelle Collectivité unique si le calendrier de sa mise en œuvre est respecté. Le premier DOB de la mandature, qui avait été présenté en mars 2016, s’était focalisé sur les dérives financières et l’énorme passif de 107 millions d'euros, légués par l’équipe Giacobbi. Un héritage catastrophique qui a obligé l’Exécutif à contracter un prêt pour le solder et a plombé ses marges de manœuvre pour l’année qui vient de s’achever. S’annonçant sous des auspices moins troublés, cet exercice est, néanmoins, tout aussi incertain que le précédent, période électorale oblige, et la situation toujours préoccupante et difficile. Un exercice inédit, explique, d’emblée, le président de l'Exécutif, Gilles Simeoni : « Ce ne sera pas un exercice comme les autres pour trois raisons : une raison politique, une raison plus conjoncturelle vu que l’exercice sera aussi le dernier, et une raison liée au passif. Il est difficile d’introduire des réformes de fond avec un calendrier assez contraint. 2017 succède à l’exercice budgétaire 2016 hors norme qui a suscité un certain nombre de choix qui pèseront sur les années à-venir. Il a été nécessaire d’apurer le passif qui ne finit pas de se révéler ».
 
Un nouveau trou !
Gilles Simeoni annonce la découverte en fin d’année de nouveaux trous financiers : « 3 millions € dans les comptes de l’Office de l’environnement qui n’apparaissaient pas dans la comptabilité, 3,7 millions de recettes indument portées au budget et qu’il a fallu annulées, soit, au total, 6,7 millions € à ajouter au passif de plus de 100 millions €. La prise en compte de cette situation est une exigence de chaque instant, la remise à niveau financière s’impose. Dans ces conditions, nos marges de manœuvre restent étroites ». Il se félicite, ensuite, des résultats positifs enregistrés dans l’effort de redressement des comptes et dans certains secteurs : « Nous avons strictement respecté les engagements budgétaires que nous avons pris devant cette assemblée. Nous avons dégagé de nouvelles recettes, limité de la façon la plus stricte possible les dépenses de fonctionnement. En 2010, les dépenses de personnels représentaient 49,3 millions €, elles ont atteint 61,85 millions € en 2015, soit une augmentation de +5,13% par an. Nous avons plafonné ces dépenses à 62,3 millions €, soit seulement une augmentation mécanique de 0,73%. Nous avons diminué la masse salariale sans toucher à la qualité de service public. Nous avons réalisé 6 millions € d’économies en charges générales, soit une diminution de + 20%. Cet effort exceptionnel a été fait grâce à des redéploiements et des mutualisations. Nous avons mobilisé l’emprunt au strict niveau nécessaire de 155,8 millions €, il reste plus de 17 millions que nous n’avons pas mobilisés ».
 
Un travail de bénédictin
Ces efforts ont permis de dégager des marges budgétaires pour décliner des orientations politiques, que l’Exécutif qualifie de « stratégiques » en matière de transports, de schéma économique, de modernisation et du renforcement des équipements structurants, d’équilibre territorial, d’enseignement secondaire, de culture, d’innovation, de langue corse, du numérique… « Ce que nous avons réussi en 2016 doit être reconduit en 2017. Nous devons être très prudent, très rigoureux dans les dépenses et les engagements. C’est un véritable travail de bénédiction que l’Exécutif fait au quotidien pour contenir les dépenses par une gestion au plus près des acteurs et par une vision stratégique et pluriannuelle ». Les dépenses de fonctionnement seront contenues entre 1,5 et 2%, les dotations des agences et offices, maintenues au strict minimum, les programmes, toilettés et les aides, redéployées dans un cadre redéfini. L’emprunt reste contenu entre 50 et 60 millions €. L’objectif est de majorer les recettes : « Nous nous sommes battus pour la territorialisation de la TVA (Taxe sur la valeur ajoutée). Ce que nous demandions pour la Corse est devenue une mesure d’ordre nationale ! La Corse bénéficiera de 800 000 € en 2017 et un million d’euros en 2018 ». L’Exécutif fait le choix d’augmenter de façon très significative l’investissement. « Là où l'ancienne mandature a investi entre 185 et 190 millions € par an en moyenne, nous voulons investir 240 millions € ». Ces objectifs dépendront de la qualité des projets proposés. « Nous avons fait des choix de raison et de passion pour la Corse, fondés sur notre vision politique que nous commençons à mettre en œuvre, même si cette entreprise prendra plusieurs années pour être menée à bien ».
 
Un autre partage des richesses 
Fait inhabituel, c’est l’opposition de Gauche qui ouvre le bal des critiques avec Dominique Bucchini, qui, comme à son habitude, tire à boulets rouges sur les politiques nationale et internationale d’austérité : « L’effet d’optimisme ne peut pas prévaloir. L’objet du débat est que ce DOB continue dans l’austérité, non dans la solidarité. Avec 21 000 chômeurs en Corse, la précarité et les bas salaires, la perspective est sombre. Les pauvres, chez nous, deviennent de plus en plus pauvres. Ce n’est pas l’accroissement de population qui nous sauvera, il posera des problèmes d’un type nouveau ! ». Le président du groupe Front de Gauche met en cause « la constitution dans des conditions contestables d’un oligopole, Corsica Linea, avec un chiffre d’affaires de 1 milliard € ». Décriant « une époque libérale, un tournant néo-conservateur », il demande un autre partage des richesses : « Si on ne fait pas attention, on va se retrouver dans dix ans avec une augmentation de la fracture sociale et territoriale ». Dans son viseur, également la politique de l’Office foncier : « Combien de logements sociaux va-t-on créer ? Pas beaucoup ! La revitalisation de l’intérieur ? Ce n’est pas la déspécialisation de l’enveloppe sur les routes, la loi sur la montagne qui permettront de faire quoi que ce soit ! ».
 
Pas de moyens identifiés
Un parti-pris social qu’enfourche, également, l’élue de Prima a Corsica, Maria Guidicelli, qui s’efforce, à son habitude, de réhabiliter l’ancienne mandature : « Vous avez pris le parti d’investir pour relancer l’économie insulaire. C’est bien ! C’est un levier ! Mais, nous n’avons pas encore la démonstration que ces investissements se traduisent en emplois créés ». Elle émet des doutes sur les objectifs liés au ratio de désendettement, sur la prise en compte de la nouvelle donne budgétaire que dessinera, en 2018, la nouvelle collectivité, et sur l’engagement en faveur de la précarité. « Les choix budgétaires, que vous avez faits, auraient du avoir la nécessité absolue d’accompagner la structuration de projets majeurs sur le territoire, sur l’intérieur et sur des territoires fragilisés, de mettre en place des stratégies territoriales concertées avec des moyens spécifiques indentifiables. Nous ne voyons pas se dégager des moyens financiers sur les logements, l’office foncier est en deçà de ce qu’il peut faire. En matière de santé, de social et de précarité, le budget est en diminution de 2%. Nous aurions voulu voir apparaître des actions concrètes et budgétisés. En mutualisant des actions transversales, on finit pas ne plus agir ! ».
 
Au bord de l’abîme
Le credo de la non-anticipation de la future collectivité unique est repris par le groupe de droite Le Rassemblement pour qui « La situation est grave ! ». S’il reconnaît les efforts faits par l’Exécutif, Xavier Lacombe regrette « les incertitudes et le prévisionnel aléatoire, loin de la réalité », notamment en matière d’infrastructures de transport. « Vu l’ampleur de l’immense chantier qui reste à engager dans les ports et aéroports et des travaux de plusieurs millions d’euros à réaliser d’urgence ». Il craint un saupoudrage. « Nous soutenons que les territoires ruraux doivent bénéficier d’un soutien financier par le biais d’une enveloppe pérenne et spécifique plutôt que par le biais de certains reliquats. L’île-montagne n’est encore qu’à l’état de concept ». Il affirme que les dépenses de fonctionnement ne diminueront pas : « C’est un leurre ! Je salue l’effort qui est fait pour les contenir, mais les économies réalisées ne sont pas acquises dans le temps ! Nous restons très réservés sur la mise en œuvre du budget. Nous sommes arrivés à saturation de l’emprunt. Les exercices futurs seront très complexes ». Et ne cache pas son inquiétude : « Si l’effort est incontestable, d’autres choix politiques doivent être évoqués. Nous continuons au bord de l’abîme sans savoir ce que sera la collectivité de demain ! ».
 
Des choix politiques
Ces critiques font bondir la majorité qui fustige le comportement jugé « politicien » de l’opposition au regard du contexte tant politique que financier. « Ce DOB répond à l’effort de redressement des comptes de notre collectivité et de redressement national que nous portons depuis un an, les deux sont liés. Ce que nous faisons ici, impacte déjà la collectivité unique. Nous nous inquiétons d’un certain nombre de comportements qui visent à dilater la méthode de travail. Nous devons avoir une vision générale de ce que sera la Collectivité unique. C’est notre responsabilité commune de mettre en place une collectivité qui répond aux enjeux, n’obère pas l’avenir et met en œuvre une politique au service du peuple corse », réplique Petr’Anto Tomasi, président du groupe Corsica Libera. Des choix d’investissements défendus, aussi, par Guy Armanet, élu du groupe Femu a Corsica : « Malgré la rigueur, ce DOB nous amène à avoir quelques ambitions à faire valoir et nous allons les faire valoir. Fixer le cap, c’est fait ! Les orientations stratégiques sont les marqueurs de la politique que nous voulons insuffler. C’est exactement ce que le peuple corse attend ! ».
 
Un débat politicien
Le président du groupe, Jean Biancucci, enfonce durement le clou en renvoyant l’opposition à ses responsabilités : « Le coût des emprunts toxiques, contractés sous les majorités précédentes, est de 300 millions €, plus 100 millions € d’arriérés. Et on nous reproche aujourd’hui d’aller vers l’emprunt pour sortir la Corse de la situation dans laquelle elle est ! On peut être contre tout ! Mais si tout est noir aujourd’hui, la situation était tout aussi noire avant, les problèmes de logement étaient les mêmes, le chômage a augmenté. Pourquoi ne l’avez-vous pas dénoncé alors ? Nous sortons du Moyen-âge budgétaire, du gaspillage, de la politique à l’aveuglette ». S’il reconnaît que « la route est difficile. Il y a tant à faire » et qu’il « ne faut pas masquer les difficultés, il ne faut pas non plus relativiser les efforts poursuivis. On est beaucoup plus dans un débat politicien que dans un débat politique ! ».
 
Un procès injuste
Plutôt étonné par la teneur de la polémique, Gilles Simeoni récuse, lui aussi « les procès fondamentalement injustes ». Sur le social ? « Nous avons agi plus que l’ancienne mandature. Les chiffres parlent d’eux-mêmes : 7,3 millions en 2015 contre 8 millions € en 2016, une progression de 10% ». Sur l’Office foncier ? « Les dossiers ont été votés à l’unanimité par les administrateurs au nombre duquel Dominique Bucchini. Il est contre la politique de l’Office, mais pas au point de voter contre les projets soumis. A Belgodère, le projet porte à 100 % sur des logements sociaux ». Sur la précarité ? « Nous sommes la première collectivité à la définir comme un projet politique global ». Il annonce un rapport sur le sujet. Sur la Collectivité unique ? « Je ne comprends pas la référence à 2018. Nous avons construit le DOB en 2016 en faisant face à l’urgence. Nous continuons sur cette trajectoire vertueuse en 2017 pour consolider la construction de la collectivité unique. Vous entendre dire à nous qu’il fallait présenter les budgets de la CTC et des deux Conseils généraux de façon mutualisée, ça ne manque pas de sel ! Quand on a fait cette proposition dans une charte, on nous a voués aux gémonies, on a eu une interdiction formelle du président du Conseil général de Corse du Sud ! Si nous l’avions fait malgré tout, qu’est-ce que vous nous auriez dit ! ». Et de conclure : « La réalité qu’on a découverte au plan budgétaire, c’est un problème de défaillance grave, d’impayés et d’irrégularités. Qu’au moins, on nous donne acte que les choses étaient difficiles à faire, que nous les avons faites et bien faites ! ».

Le budget primitif sera présenté à la prochaine session de février.

N.M.