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CTC – Fonds européens : Les étranges contradictions de l’Exécutif


Nicole Mari le Lundi 29 Juillet 2013 à 20:44

L’Assemblée de Corse (CTC) a débattu, lors de sa dernière session, de la gouvernance, pleine ou partielle, des fonds européens que l’Etat propose, dorénavant, aux régions d’exercer. L’Exécutif s’est, étrangement, dans un 1er temps, défaussé de cette compétence nouvelle avant de proposer un amendement rectifiant le tir. Une frilosité qui n’a pas manqué d’étonner nombre d’élus territoriaux tant du côté nationaliste que de la gauche progressiste, au moment où la CTC aurait du débattre de la réforme institutionnelle.



CTC – Fonds européens : Les étranges contradictions de l’Exécutif
Etrange débat qui s’est tenu, jeudi dernier, à l’Assemblée de Corse. La question de la gouvernance de la gestion des programmes européens a donné un avant-goût de celle de la réforme institutionnelle qui aurait du être débattue au même moment et qui fut escamotée quelques heures avant, sans que l’on comprenne vraiment pourquoi ! Pourtant, le sujet aurait du être consensuel dans un contexte de demandes de transfert de compétences, notamment fiscales, et de réforme constitutionnelle consécutive. L’Exécutif, qui aurait du accueillir à bras ouverts un transfert de gestion que l’Etat octroie légalement à toutes les régions dans le cadre de l’acte III de la décentralisation, s’est soudain montré très frileux. Le rapport devait être présenté à la session du 5 juillet, avant d’être retiré sans explication à la dernière minute. L’Exécutif l’a remis à l’ordre du jour de la dernière session, mais, sentant la fronde se lever face à un choix difficile à assumer, il a ajouté, en urgence, avant même l’ouverture des débats, un amendement à son propre texte. Bien lui en a pris, parce que l’étonnement et l’incompréhension ont prévalu dans l’hémicycle, et pas seulement sur les bancs nationalistes ! 
 
Une incompréhensible hésitation
Difficile à dire ce qui motive une telle hésitation de la part de l'Exécutif ! A priori, pas de quoi fouetter un chat ! Un projet de loi français, en attente au Sénat, prévoit la possibilité pour les régions d’être désignées, par transfert ou par délégation, autorité de gestion de la prochaine génération des quatre fonds européens, actuellement en cours de discussion pour la période 2014-2020. La CTC est la seule région de France qui possède, déjà, l’autorité de gestion du FEADER (Fonds européen agricole pour le développement rural). Elle est organisme intermédiaire pour 50% de l’enveloppe du FEDER (Fonds européen de développement régional) et 30% de celle du FSE (Fonds social européen). Ayant déjà une expérience de gestion directe, le transfert total de la gestion de ces deux derniers crédits n’aurait pas du, à priori, susciter d’hésitation de l’Exécutif territorial. Mais ce dernier argue que, pour des raisons de gestion et de nécessité de transfert de personnels compétents de l’Etat à la région, il est nécessaire de procéder de façon graduelle et pragmatique. Il était, donc, prêt à renvoyer à plus tard la gestion de plein exercice des crédits du FEDER et à déléguer cette gestion à l’Etat. Une prudence que ne partage pas les autres régions puisque la totalité des régions françaises a choisi de gérer en direct, sans intervention de l’Etat, les crédits européens.
 
La fronde nationalo-progressiste
Comme on pouvait s’y attendre, ce sont les Nationalistes modérés de Femu a Corsica qui ont ouvert le feu, pointant les contradictions de l’Exécutif. « Nous déplorons le manque d’ambition de la CTC dans ce dossier. A l’heure où la Corse demande le transfert de la compétence fiscale, le statut de résident et une réforme constitutionnelle pour un nouveau statut, nous ne comprenons pas comment elle peut faire la fine bouche sur le transfert de l’autorité de gestion des fonds européens», lance, d’emblée, Fabienne Giovannini.
Gilles Simeoni enfonce le clou : « Il est évident que la CTC, qui bénéficie déjà d’un statut particulier et qui va demander une évolution constitutionnelle, ne peut pas se situer en deçà des autres régions. Je me demande pourquoi le Conseil Exécutif propose de ne prendre qu’une gestion partielle, à hauteur de 50 %. Y-a-t-il des difficultés techniques qui empêchent de demander une gestion pleine et entière immédiatement ? Il n’y a rien de tel dans le rapport ! L’Exécutif a réfléchi et a proposé un amendement de dernière minute. S’il ne l’avait pas fait, nous l’aurions fait, de toute façon ! ».
Même ahurissement de Jean-Guy Talamoni, élu du groupe Corsica Libera : « La CTC est d’avantage qu’une région. Or, dans ce rapport, elle aura moins de compétences et sera moins bien lotie que les autres régions qui ont un statut inférieur au nôtre. Les autres régions revendiquent l’autorité de gestion pleine et entière et vont l’avoir. Et nous, qui sommes une collectivité territoriale, nous ne la demandons pas ! »
 
Une demande de plein exercice
La fronde gagne également les bancs progressistes de la majorité territoriale, tant du côté du Parti socialiste que de Corse Social Démocrate. « Cela fait longtemps que j’entends dire que la Corse a trop souffert de passer par le prisme de Paris ! Là, nous avons une occasion donnée d’exercer une gestion directe. Même s’il faut rester vigilant sur les transferts de personnels et notre capacité de gestion, l’obtenir est une avancée positive pour la CTC », s’exclame Jean-Charles Orsucci, vice-président de la CTC et élu PS.
« Même s’il faut poser un principe de précaution important avec la demande de transfert des personnels compétents de l’Etat à la région, nous assumons déjà la gestion pleine et entière des fonds FAEDER. Le plein exercice de la gestion des autres fonds nous donne une plus grande autonomie de gestion, que nous demandons par ailleurs », renchérit Antoine Orsini, président de la Commission finance et élu Corse Social Démocrate.
Tous demandent le transfert total de l’autorité de gestion de plein exercice dès 2014.
Sans surprise, seul le groupe de la gauche républicaine, par la voix de Pascaline Castellani, prône le transfert graduel « pour une meilleur efficacité car, en cas d’erreur de gestion, c’est la CTC qui paye ! ». La droite ne participe pas au débat.
 
Une volonté mise en doute
Le président de l’Exécutif, Paul Giacobbi, reconnait « qu’il ne sera pas facile d’être en arrière de la main avec ce que nous revendiquons ». Il justifie, de nouveau, la graduation du transfert par des raisons techniques : « Le transfert de compétence nous donne une responsabilité morale et financière. Avons-nous les moyens d’assurer techniquement ce transfert ? Non ! Il faut être prudent, d’où notre demande de transfert progressif ». L’amendement proposé subordonne le transfert total de gouvernance au transfert de personnels compétents, sous peine « d’être en porte-à-faux ».
Ce transfert de personnels est une procédure classique qui est déjà intervenue pour la gestion des fonds FEADER. Aussi, malgré les explications malaisées du président Giacobbi, la décision initiale de l’Exécutif de refuser une compétence supplémentaire par peur d’en assumer les risques reste-t-elle un mystère ! Comment peut-il, dans ce cas, revendiquer des transferts de compétences qui engageront encore plus de responsabilités et de risques ? Une contradiction lourde de symboles, qui jette la suspicion sur la volonté réelle de la majorité territoriale à mener à bien les réformes qu’elle prétend imposer et donne du grain à moudre à un Etat rétif, voire hostile à tout transfert supplémentaire de compétences.
 
N.M.