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Boris Cyrulnik à Ajaccio : "ceux qui sont prisonniers du passé se préparent à des guerres chroniques"


Julia Sereni le Samedi 3 Octobre 2020 à 19:59

Le célèbre neuropsychiatre a tenu une conférence ce samedi 3 octobre à l’espace diamant à Ajaccio, à l’invitation d’ « histoires d’oeuvres », une initiative de l’association « Racines de Ciel », animée par le journaliste et écrivain José Lenzini. Grand spécialiste du concept de résilience, Boris Cyrulnik l’applique à la relation France-Algérie dans l’ouvrage « Résilience et réconciliation en Méditerranée », issu d’une réflexion menée avec l’écrivain algérien Boualem Sansal.



Boris Cyrulnik à l'espace diamant à Ajaccio.
Boris Cyrulnik à l'espace diamant à Ajaccio.
« Tous les pays ont une histoire tragique » lance Boris Cylrulnik. Pourquoi alors avoir voulu s’intéresser à la relation France-Algérie ? « J’ai surtout souhaité réfléchir à la réconciliation » explique t-il , « car ceux qui sont prisonniers du passé se préparent à des guerres chroniques ».
 
Revenant sur les nombreux conflits qui ont opposé la France à d’autres peuples, qu’il s’agisse des Allemands, des Anglais, des Espagnols, ou, et c’est l’objet du livre « Résilience et réconciliation en Méditerranée », des Algériens, le neuropsychiatre dresse un constat : pratiquement toutes les guerres sont déclenchées par des problèmes passés. « Les Serbes ont envahi le Kosovo pour récupérer une terre perdue par une guerre contre les musulmans au 15ème siècle et cela a provoqué une ruine des deux peuples, beaucoup de souffrances, beaucoup de morts et cela n’a rien réglé du tout, puisque les kosovars n’ont qu’une idée en tête aujourd’hui, c’est de prendre leur revanche. J’ai vu des mères habiller leurs petits garçons en soldats et les préparer à cette revanche » raconte t-il.
 
Pour sortir de cette impasse, il pose une alternative : « Ou bien on se rend prisonnier du passé et dans ce cas-là on a tous des comptes à régler, les protestants devraient faire la guerre aux catholiques, les musulmans devraient faire la guerre aux vénitiens qui ont permis de faire les croisades, les femmes devraient faire la guerre aux hommes… », ou bien, on va vers la réconciliation. La fameuse résilience, que son inventeur définit comme « la reprise d’un nouveau développement après un traumatisme ». Mais comment faire ? « Il faut faire une réflexion, mais ne pas vouloir régler les comptes avec le passé ». Est-ce si simple ? Oui, répond Boris Cyrulnik : « Cela se fait très facilement, mais il y a des gens qui ne veulent pas le faire » conclut-il.