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Arrêtés Miot : L’Assemblée de Corse veut reprendre la main


Nicole Mari le Jeudi 12 Septembre 2013 à 22:34

Une réunion de la Commission mixte, Finances/Compétences législatives et règlementaires, s’est tenue, jeudi après-midi, à Corte, pour faire le point sur la problématique des droits de succession dans l’île. Neuf mois après la décision du Conseil constitutionnel d’abroger les Arrêtés Miot et la mise en place d’un groupe de travail à Bercy pour trouver une solution, rien n’a évolué. Afin de vérifier l’état d’avancement des travaux, les élus ont auditionné les quatre experts insulaires, membres du groupe de travail qui se réunira, de nouveau, le 17 septembre à Bercy. Antoine Orsini, président de la Commission des Finances, explique, à Corse Net Infos, que l’Assemblée de Corse (CTC) entend reprendre la main sur ce dossier et contre-argumenter pour convaincre l’Etat de l’absolue nécessité d’une fiscalité insulaire spécifique.



Antoine Orsini, président de la Commission des Finances de  l’Assemblée de Corse.
Antoine Orsini, président de la Commission des Finances de l’Assemblée de Corse.
- Quel est l’objet de cette réunion ?
- C’est la 1ère réunion que nous faisons depuis la censure, par le Conseil constitutionnel, de la dérogation dont bénéficiait la Corse en matière d’exonération totale des droits de succession. Dans la foulée, un groupe de travail, composé d’experts techniques dont 4 experts insulaires, s’est mis en place à Bercy. Comme les élus territoriaux n’en font pas partie, nous voulons, par cette réunion, reprendre la main au plan politique parce que la solution, même si elle a des soubassements techniques et juridiques, ne viendra que du politique. En même temps, nous faisons un point sur l’argumentaire sur lequel s’est appuyé le Conseil constitutionnel pour, le 29 décembre 2012, rejeter les dispositions adoptées par l’Assemblée nationale et accordant une prorogation supplémentaire au régime dérogatoire insulaire.
 
- Qu’avez-vous fait depuis la censure ?
- Nous avons travaillé. Nous attendions que le groupe de Bercy se réunisse pour enrichir ses réflexions et nous permettre d’imaginer d’autres solutions, remises au goût du jour et tenant compte de l’argumentaire opposé par le Conseil constitutionnel. Notre but est de présenter, à la CTC, une nouvelle proposition qui soit, à la fois, compatible avec nos objectifs initiaux et acceptable par l’Etat sur le plan juridique et constitutionnel. Nous ne voulons pas risquer d’essuyer un nouveau refus, une nouvelle censure du Conseil constitutionnel.
 
- Pouvez-vous détailler cette proposition ?
- Non. Cette proposition n’est pas encore finalisée. Nous avons des pistes de travail. Nous sommes toujours axés sur la demande, que nous faisons depuis deux ans, de transfert de fiscalité en matière de succession, transfert du régime et du produit fiscal de l’Etat à la CTC. Nous n’avons toujours pas reçu de réponse de la part du gouvernement. Sur le court terme, nous travaillons sur une nouvelle demande de prorogation des Arrêtés Miot, plus et mieux argumentée que celle qui a été censurée. Le Conseil constitutionnel a estimé que notre demande de prorogation était sans fondement légitime. Nous allons établir une argumentation pour montrer que la prorogation est légitime.
 
- Qu’attendez-vous des réunions de Bercy ?
- Le groupe de travail est un groupe purement technique qui, de ce que l’on sait, va se limiter à faire un constat partagé, un diagnostic argumenté, étayé et chiffré de la situation du foncier et du droit de propriété en Corse.
 
- Avez-vous des nouvelles ? Savez-vous ce qui s’y passe ?
- Nous avons quelques informations. Nous attendons la fin des travaux qui devrait être imminente, courant septembre. Et, surtout, le rapport, qui en sortira. Il sera la base sur laquelle nous nous appuierons, non seulement pour refaire nos propositions, mais aussi pour convaincre à tous les niveaux de l’Etat et notamment au niveau du Conseil constitutionnel que nous avons des raisons pour demander des dérogations. Celles-ci nous permettront d’établir, en Corse, des droits de propriété équivalents à ceux du continent. Ce qui n’est pas le cas aujourd’hui.
 
- N’avez-vous pas le sentiment que rien n’a évolué depuis 9 mois ?
- Sur le plan des propositions et des décisions, effectivement, rien n’a évolué. Ce que nous espérons et ce à quoi nous travaillons, c’est de parvenir à une prise de conscience partagée par l’Etat central, l’administration fiscale et le gouvernement qu’il y a bien une situation particulière et défavorable à la Corse. C’est ce qui a manqué jusqu’ici ! Le Conseil constitutionnel a argumenté sur l’égalité des citoyens devant l’impôt et les charges publiques. Nous ne sommes pas en situation d’égalité. Mais, contrairement à ce que l’on peut couramment penser, dans ce cas, les Corses ne sont pas privilégiés, mais pénalisés.
 
- En quoi sont-ils pénalisés ?
- Ils sont pénalisés par la situation des droits de propriété : manque de titres, biens non délimités, cadastres non mis à jour, etc. Une situation que l’on ne retrouve pas dans les autres régions de France métropolitaine. Il faut remettre à niveau tout un ensemble de choses qui concernent le foncier et les droits de propriété. Pour le faire, nous avons besoin de temps et d’incitations fiscales. C’est la conclusion intermédiaire à laquelle nous aboutissons aujourd’hui. A partir de cela, nous ferons d’autres propositions au gouvernement. Mais, il est important que l’Etat central prenne conscience qu'il ne peut pas, au nom de privilèges que nous n’avons pas, censurer des dérogations fiscales qui nous ont été données depuis longtemps, à la faveur des Arrêtés Miot.
 
- Le temps file. Dans quelle situation se trouvent les Corses qui doivent engager des successions pour des décès intervenus depuis le 1er janvier ?
- En l’état actuel des choses, la solution de demi-régime d’exonération s’applique. Du fait que le Conseil constitutionnel a censuré la prorogation de l’exonération totale, le régime prévu par le processus de Matignon est effectif depuis le 1er janvier. Ainsi, les droits de succession s’appliquent sur la moitié de la valeur des biens. Les Corses bénéficient d’un sursis pour faire la déclaration de succession : le délai, au lieu d’être de 6 mois, est de 2 ans.
 
- Cela signifie-t-il que toutes les successions, intervenant depuis 9 mois, sont bloquées ?
- L’administration fiscale a, de toute façon, des difficultés pour établir des taxations. Comment faire des taxations sans titre de propriété ! Elle est donc bien consciente que la situation est problématique même pour l’Etat, et pas seulement pour les Corses. Il y a, donc, convergence d’intérêts à sortir de cette situation juridique intenable qui existe en Corse depuis des décennies.
 
- Pensez-vous obtenir une exonération totale ?
- Sans doute, non ! Nous devons tenir compte du fait qu’il sera difficile d’obtenir une exonération totale. Il faut, donc, peut-être, imaginer un nouveau dispositif fiscal avec une exonération autre que totale, sans doute partielle. Nous y travaillons. La Commission mixte se réunira, à nouveau, dans les semaines qui viennent, afin d’être en mesure de proposer un rapport à la CTC à la session prévue fin octobre.
 
- L’Etat, à priori, ne semble guère prêt à accepter la moindre dérogation au droit commun. N’êtes-vous pas inquiet ?
- Nous verrons ! Nous restons ferme sur notre volonté politique d’aller de l’avant et de trouver une solution durable à la question des droits de propriété en Corse. Fut-ce au prix d’une solution transitoire et temporaire qui prorogerait l’exonération dont nous avons bénéficiée par le passé ! Cette solution donnerait le temps au régime civil de droits de propriété, notamment en matière de titrisation, de revenir au niveau normal français. En même temps, elle nous permettrait d’avancer sur la question du transfert de fiscalité, que nous avons demandé par délibération de la CTC, il y a maintenant déjà deux ans.
 
- Fin septembre, le rapport sur la réforme constitutionnelle sera en débat à la CTC. La question des Arrêtés Miot y sera-t-elle abordée ?
- Les 26 et 27 septembre, la session de la CTC portera sur les questions constitutionnelles et institutionnelles. Nous ne discuterons pas de la problématique de fond des droits de succession car ce n’est pas l’objet de la session. Par contre, dans le corps du rapport de Pierre Chaubon, notamment dans le chapitre portant sur la révision constitutionnelle, un paragraphe fait mention de cette problématique des droits de succession pour justifier la demande de révision constitutionnelle, notamment en ce qui concerne le transfert de fiscalité.
 
Propos recueillis par Nicole MARI