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"Architecture, transition énergétique, écologique et changement climatique : le rôle clé des architectes"


le Mardi 20 Octobre 2015 à 23:03

C'est le titre du colloque tenu à Corte, ce mardi 20 octobre, organisé par la Maison de l’Architecture de Corse en partenariat avec la ville de Corte, la Faculté des Sciences, le Conseil pour l'International des Architectes français (CIAF), l'Ordre des Architectes de Corse, la DRAC et l'Office de l'Envirronement.



"Architecture, transition énergétique, écologique et changement climatique : le rôle clé des architectes"
Cette manifestation, ouverte à tous, s’articulait autour de deux événements : une exposition "Matières en lumière" présentée dans le hall de l’IUT di Corsica (Campus Grimaldi) et une session de conférences et de débats à partir de 15 heures au sein de l’amphithéâtre G.-B. Acquaviva à l'IUT di Corsica, sur le Campus Grimaldi.
Plus de cent experts, architectes, ingénieurs, mais aussi des responsables politiques insulaires, étaient invités pour parler de leur travail à travers leurs différents projets liés à l'urbanisme ou à la politique de l'habitat. Une problématique liée à l'écologie, au développement durable, pour construire une ville nouvelle , répondant à la fois aux besoins des habitants mais en préservant  l'environnement.
En effet, les ressources de la planète ne sont pas inépuisables. Mais il faut pourtant se loger, se déplacer, etc. Or, la construction, la maintenance et la transformation des bâtiments sont responsables de 19% des gaz à effet de serre et de 40% de l’énergie consommée au niveau mondial. 


À toutes les étapes du cadre bâti, de la ville au bâtiment, les architectes ont la responsabilité de proposer des solutions centrées à la fois sur le bien-être des usagers et adaptées à la culture du contexte local. Ces préoccupations sont depuis longtemps au cœur de la réflexion des architectes, conscients de la nécessité de devoir apporter des solutions innovantes pour répondre aux enjeux de ces transitions sociales. 
Les architectes, les urbanistes et tous ceux qui interviennent sur la ville et les territoires vont devoir, avec les responsables politiques, mettre en place une nouvelle politique de l’habitat, en concevant des bâtiments capables de s’adapter aux nouveaux modes de vie ainsi qu’aux évolutions environnementales. 
Au cours de cette journée, architectes, militants, décideurs politiques locaux ont échangé et débattu  autour des solutions concrètes qui s’imposent aujourd’hui dans notre région corse. Comment construire un modèle sociétal répondant aux besoins des populations, tout en préservant l’environnement et en apportant une contribution significative à la lutte contre le changement climatique ? Comment organiser une ville "durable" en plaçant l’humain au cœur des projets urbains? Comment construire et rénover des bâtiments pour réduire leur impact sur les émissions de CO2 et de gaz à effet de serre ?...


 Si l’on veut que la très récente loi sur la transition énergétique « change la vie des gens » comme  l’a annoncé la ministre de l’Écologie, il faut montrer comment cette loi va améliorer leur vie, leur confort, leur quotidien... Il faut réussir à concrétiser des projets architecturaux qui ne visent pas seulement l’amélioration de la performance énergétique, mais aussi l’amélioration du bâti, de son image, et il faut encore que ces projets soient en adéquation avec les modes de vie contemporains.
Pour répondre à cette problématique sociétale, était notamment invité Christophe Ouhayoun, architecte à l'agence KOZ à Paris et qui travaille souvent à l'international. Interrogé sur la nécessité de changer de mode de construction, voici sa réponse : "L'architecture ne peut pas se limiter à un aspect technique ou mécanique, l'idée c'est d'impliquer tout le monde dans la filière. De générer une nouvelle façon d'habiter, une nouvelle façon de faire participer les gens à l'habitat, et évidemment, une nouvelle façon de construire. L'idéal c'est d'utiliser un matériau qui ait un bilan carbone qui soit très bon, le bois c'est notre solution à nous mais il y en a d'autres. Mais d'abord, je pense qu'il faut que les gens soient très impliqués en amont dans la manière dont on va construire, la prise de conscience commence là. "
 

Pour aider aussi à cette prise de conscience, il y avait aussi une exposition. Conçue pour le stand français du Conseil pour l’International des Architectes Français (CIAF) au Congrès International des Architectes de Durban en 2014, l’exposition «Matières en lumière » met en exergue la démarche prospective des architectes français. Dominique Gauzin Muller, architecte et rédactrice en chef de la revue EcologiK (devenue EK), en est la commissaire. 
L’exposition est présentée à travers des tablettes numériques interactives. Face à une architecture internationale qui privilégie des réponses standardisées, les concepteurs des bâtiments présentés dans cette exposition sont attentifs au site, à sa population, à son histoire et à ses matières premières, sans renoncer à la modernité. De plus en plus d’architectes français sont fidèles aux quatre piliers du développement durable : écologie, économie, social... et culture. Ils empruntent cette voie responsable pour concevoir et mettre en œuvre des bâtiments ingénieux avec des matériaux locaux bio-sourcés en circuit court : terre, bois, paille, chanvre… Matériaux vieux comme le monde, que l’on redécouvre après des années d'oubli et de mépris. Renouvelables, recyclables produits de notre région, de nos carrières ou de nos forêts, ces matériaux valorisent nos ressources tout en créant des emplois en milieu rural. Pourtant cette évidence ne s'impose pas d'elle même et il faut faire oeuvre de pédagogie auprès des utilisateurs éventuels, des décideurs, mais il faut aussi former des jeunes. Les former et leur ouvrir la voie vers des métiers spécialisés et hautement qualifiés, une voie d'avenir. C'est ce que rappelle en substance Olivier Caujard, charpentier et ingénieur en construction en bois, il est chargé de la promotion du bois pour l'Interprofession du bois Legnu vivu mais il enseigne aussi depuis 8 ans à l'IUT de Corse auprès des étudiants en Haute Qualité Environnementale du bâtiment. S'agissant de l'usage de la matière première locale, le bois par exemple ou encore la paille, il explique : " qu'il faut convaincre le maître d'ouvrage que c'est une opportunité, que cela préserve l'aspect culturel, que c'est un progrès des connaissances pour un usage différent et très pointu qui respecte l'éco-système. Il faut aussi convaincre les entreprises, les concepteurs, les bureaux d'études. "

C'est un point de vue que partage également Paola Navari, architecte et chargée de communication auprès de la Maison de l'Architecture de Corse, qui résume l'ensemble de la problématique  de l'exposition : " Le but de cette exposition, c'est de montrer que lorsque l'on arrive sur un site, on a déjà des matières premières : de la terre, du bois, de la fibre, de la paille... Ce genre de matériaux là, ce que l'on appelle le tout-venant, peut très bien permettre de construire un bâtiment. C'est possible." 
Et la jeune femme présente ainsi le colloque dans sa globalité : " Il fallait expliquer qu'aujourd'hui, les réglementations que l'on nous impose ne sont pas des contraintes. Lorsque vous venez nous voir, nous, architectes, nous pouvons concevoir un habitat agréable à vivre, sans polluer et sans surcoûts."


Au delà de la question écologique, à la clé de ces savoir-faire, de l'utilisation des ressources naturelles locales, c'est évidemment l'économie qui transparaît et qui sera sans doute l'élément déterminant d'un nouveau choix de société. Notamment sur l'utilisation de la matière première au plus près de sa source, ainsi l'exemple du bois, de la forêt corse, à travers un arbre mythique : le pin laricio. Autrefois objet d'un commerce fructueux, aujourd'hui peu ou mal exploité, avec une filière porteuse d'emplois qualifiés qui tente de lui redonner ses lettres de noblesse. C'est ce que tente l'interprofession du bois Legnu vivu à travers son plan de relance . Mais en attendant , peut être que la commande publique pourrait donner l'exemple en utilisant davantage de bois ?