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Après la réunion à Beauvau, les réactions de groupes nationalistes d'opposition à l'Assemblée de Corse


le Vendredi 24 Février 2023 à 20:23

Ce vendredi marquait la reprise du processus de discussions entre la Corse et le Gouvernement. Une délégation d’élus insulaires a été reçue place Beauvau durant toute la journée pour évoquer l’avenir institutionnel de l’île. Une réunion à laquelle le Président de la République, Emmanuel Macron, a pris part ce matin. Qu’en ont retenu les représentants des groupes nationalistes d’opposition à l’Assemblée de Corse ? Retrouvez leurs réactions ci-dessous.



Crédit photo AFP
Crédit photo AFP

Paul-Félix Benedetti (Photo : Archives Michel Luccioni)
Paul-Félix Benedetti (Photo : Archives Michel Luccioni)
Paul-Félix Benedetti, le président du groupe Core in Fronte, retient avant tout de cette journée place Beauvau la visite « en personne du Président de la République qui n’est pas venu pour un simple salut ». « Il a porté un message politique et annoncé une feuille de route, avec un constat que c’est cette année écoulée, faite de turbulences et de confrontations, qui a amené à la prise en compte réciproque – et il parlait ainsi aussi du niveau de l’État- du besoin pour la Corse d’avoir un niveau de dialogue fort et une évolution politique à la hauteur des enjeux du passé, de l’Histoire et des contraintes », pose-t-il. « À ce titre, il a dit qu’il n’était pas hostile à une évolution institutionnelle et constitutionnelle très forte, et que si elle devait se faire, il fallait que nous terminions nos travaux préparatoires à la fin de l’été 2023 pour que le projet puisse être présenté pour la fin de l’année, afin qu’il soit validé par le Congrès qui réunirait le Parlement et le Sénat au début de l’année 2024 ».
« Il a dit que dans le cadre d’une mise à parité avec l’espace méditerranéen dans lequel s’inscrit la Corse, un statut d’autonomie ne serait pas injuste et que c’est quelque chose qui rentre dans cette logique », note-t-il par ailleurs en déroulant : « Quand on regarde ce type de propositions venant du plus haut niveau de l’État, je pense qu’il faut considérer que l’on est sur la bonne voie et que la perspective d’avoir cette première étape de souveraineté qu’est l’autonomie est aujourd’hui plus que plausible. Il nous appartient de continuer à travailler, à être persuasifs, d’être sincères et je crois qu’à la fin il y aura le juste dû de tant d’années de sacrifices et de combats acharnés ». 

 

Jean-Christophe Angelini (Photo : Archives Michel Luccioni)
Jean-Christophe Angelini (Photo : Archives Michel Luccioni)
Jean-Christophe Angelini, le leader d’Avanzemu, marque lui aussi son « sentiment incontestablement positif » au sortir de ces réunions. « La présence du Président de la République n’était ni annoncée, ni prévue et elle a donc donnée une dimension particulièrement forte à la suite de nos échanges, et plus généralement au processus. Il faut quand même noter que c’est la première fois qu’à ce stade d’une discussion entre Paris et la Corse, l’intervention d’un Président de la République est de cet ordre », explique-t-il en premier lieu.
Sur le fond, il souligne que les sujets du jour ont été « abordés de manière adaptée ». « Il était question durant la matinée des institutions insulaires de manière comparative, et durant l’après-midi du foncier et du logement, qui sont, on le sait bien, au cœur de la problématique corse depuis des décennies, et notamment au cœur des revendications du mouvement national. Donc cela nous a permis de poser des constats de manière sereine, objective, et en même temps d’amener des solutions, des pistes de travail. Nous avons un nouveau rendez-vous d’ici un mois, un mois et demi sur ces questions et nous allons être en mesure d’avancer de manière significative », se réjouit-il en notant avec satisfaction que le calendrier proposé par le Gouvernement est conforme à ce que le le PNC et Avanzemu proposaient hier lors d’une conférence de presse à Ajaccio.
« Au vu de la confirmation du calendrier que nous avons proposé, de la présence du Président de la République, que nous interprétons comme un signe politique fort, et de la méthode adaptée sur les enjeux du jour, il y a une satisfaction, mais l’idée est de continuer dans cette voie et de valider cet état d’esprit lors des prochains rendez-vous », ajoute-t-il encore.
Il affirme par ailleurs que les lignes rouges posées par le Président de la République, par lesquelles il a réaffirmé son exigence de maintien de « la Corse dans la République » et le « refus de créer deux catégories de citoyens », ne semblent pas être de mauvais augure pour la suite. « Elles ont été accompagnées d’autres affirmations. S’il a été rappelé que la Corse devait rester dans la République, il a été dit en même temps qu’il n’y a aucun tabou. Et s’il a été dit qu’il ne saurait y avoir deux catégories de citoyens au sein d’un même ensemble, il a été également rappelé les différenciations juridiques permises par la Constitution et déjà à l’œuvre dans ce même ensemble. Donc même si ces rappels peuvent sembler douloureux dans la mémoire des Corses, il ne me semble pas, à ce stade, ni rédhibitoires ni gênants », précise le président d’Avanzemu.

 

Josepha Giacometti-Piredda (Photo : Archives Michel Luccioni)
Josepha Giacometti-Piredda (Photo : Archives Michel Luccioni)
Pas tout à fait l’avis de Josepha Giacometti-Piredda, la seule représentante de Corsica Libera à l’Assemblée de Corse, qui fait part de ses réserves après cette journée d’échanges. « Dès ce matin, le Président de la République française a reposé des lignes rouges. J’ai eu l’occasion de dire que cela vidait de son essence le contenu même d’un statut acceptable pour la Corse, puisque nous renoncerions alors à l’ensemble des droits du peuple corse, et notamment la question du statut de résident. C’est une chose sur laquelle j’ai pu revenir cet après-midi, puisque nous avions un atelier sur le foncier et l’urbanisme. J’ai reposé de nouveau la question de savoir si, par dogmatisme, le statut de résident est écarté, alors qu’il est central. Ce n’est pas le seul dispositif, mais c’est celui sans lequel on ne pourrait pas lutter efficacement contre la dépossession programmée. Le ministre de l’Intérieur a eu une réponse plus vague et moins tranchée, selon le désormais célèbre « en même temps ». Je crois qu’il nous appartient dans les prochaines semaines de remettre cette revendication au centre du jeu, et surtout placer au bon niveau ce qui pour une évolution statutaire, a été annoncé aujourd’hui comme l’un des horizons possibles. Le Président de la République s’est également exprimé dans le sens d’une évolution statutaire possible. Il a dit que l’évolution constitutionnelle était l’un des horizons possibles. Il va falloir qu’il soit le seul objectif atteignable. Je crois que c’est politiquement qu’il faut engager le rapport de force nécessaire pour que cela puisse se faire », livre-t-elle.

Pour l’élue indépendantiste, la reprise des discussions reste donc teintée de doutes. « Pour l’heure je reste avec les mêmes interrogations et la même volonté de faire en sorte que d’un simple cycle de discussions qui pourrait aboutir à une décentralisation améliorée, nous soyons véritablement dans un processus qui nous amène vers une évolution statutaire d’un bon niveau. Nous devrons donc s’affranchir de cette ligne rouge comme horizon indépassable. Je crois que le chemin reste à parcourir et non parcouru », souffle-t-elle encore.