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Antulugia, l'ouvrage de référence pour les amoureux de la littérature corse


Livia Santana le Jeudi 3 Décembre 2020 à 15:15

Après trois ans de travail minutieux Petru-Santu Menozzi, doctorant à l'Ecole des hautes études en sciences sociales, Ange-Toussaint Pietrera docteur en histoire et le journaliste Julian Mattei dévoilent ce vendredi 4 décembre une anthologie de la littérature corse aux éditions Albiana. L'ouvrage de 2 000 pages recense près de 150 auteurs de l'époque médiévale, en passant par le riacquistu jusqu'à nos jours.
Auteurs qui les ayant marqué, textes à côté desquels il ne faut pas passer, avenir de la littérature : CNI est allé à la rencontre des jeunes auteurs d'Antulugia.



Julian Mattei, , Ange-Toussaint Pietrera et Petru-Santu Menozzi
Julian Mattei, , Ange-Toussaint Pietrera et Petru-Santu Menozzi
- Comment a débuté votre collaboration ?
- Petru Santu Menozzi : Par une passion commune pour la littérature mais aussi par un projet commun lancé par l’Université de Corse. En 2014, nous avons été contactés par le professeur Gherardi pour travailler sur une anthologie. Pendant deux ans il y a eu un gros travail de collectage des textes qui allaient y figurer. En 2016, le projet s’est arrêté brutalement, on a attendu quelques temps. A ce moment, nous l’avons repensée et changé la façon dont elle serait composée.

- Comment les auteurs et textes ont été choisis et sur quelle période ?
- Ange-Toussaint Pietrera : Il y a toujours une part de subjectivité lorsqu’on choisi un texte. Nous avons fait en fonction de l’importance de l’auteur, en fonction de sa productivité et, bien sûr, de son talent. Cela va par exemple de quelques textes à une quinzaine suivant les écrivains. On a commencé dès la fin du Moyen-Age avec les chroniques médiévale Pietro Cirneo qui marque les premiers textes littéraires en langue corse, jusqu’à nos jours. La dernière anthologie corse, celle de Mathieu Ceccaldi datait de 1973. La nôtre est la première a répertorier des textes de la période du Riacquistu.

  - A quel public s’adresse-t-elle ? 
A tout le monde vraiment sans exception. Ceux qui aiment la littérature ou ceux qui veulent apprendre. On a essayé de faire un appareil critique simple où chacun peut lire par la porte d’entrée qu’il veut. Si une période intéresse le lecteur il peut la retrouver facilement.  Si c'est un auteur, il y lira certains de ces plus beaux textes. Nous avons balisé le parcours, par des thématiques pour que cela soit accessible. 

- Si vous deviez choisir un texte qui vous a beaucoup marqué ?
Ange-Toussaint Pietrera : C'est compliqué de choisir un texte. Je dirais une période à laquelle je suis très attachée : la période d’expression de poésie italienne du début du19 ème siècle car il y avait de vrais genres héroïcomiques que j'apprécie beaucoup. 
- Petru Santu Menozzi : Une poésie de Ghjacumu Fusina, À a sbunurata car c’est une poésie qui est d’une grande simplicité mais qui dit des choses essentielles. Pour moi elle représente vraiment l’essence de la poésie.
- Julian Mattei : Pour moi c'est le recueil de Ghjuvan Ghjaseppiu Franchi, Vis cosmica qui dresse des passerelles entre les peuples, c'est ce qui fait l’universalité de l’œuvre. J'aime cette fibre humaine particulièrement fine et juste que l'on retrouve dans ces poèmes.

- L’auteur qui pour vous a marqué la littérature corse ?
A-T.P : Petru Matteu Lucciana dit Vattelapesca, c'est un auteur de pièces de théâtre bastiais dont les pièces sont aujourd'hui méconnues mais qui n'ont pas perdu en modernité. Je pense qu'il serait temps de les republier.
P-S.M : Ghjacumu Thiers, parce que c’est un auteur qui s'est essayé à tous les genres avec une qualité certaines dans toutes ses œuvres. Il a fait rentrer le roman en langue corse dans la modernité avec une écriture qui réfléchit et fait réfléchir.
J.M : Anton’Francescu Filippini, c'est un des plus grands poètes corses. Il maîtrise les rimes avec finesse et il arrive à retranscrire l’imaginaire insulaire de la fin 19ème siècle à merveille.

  - L'auteur peu connu qu’il faut à tout prix lire ?
A-T.P : Anton-Luigi Raffaelli, auteur italien de poèmes du 19 ème siècles qui écrit sur sa femme décédée tragiquement.
P-S.M : Antone-Saraffinu Versini, un écrivain des années 1920-1930 qui n'a jamais publié de livre mais écrivait dans des revues. Sa poésie est presque moderne pour l’époque, c'est très musical avec de belles images.
J.M :  Plutôt que citer quelqu'un je dirai que la littérature des blogs n'est pas assez connue. Il y a beaucoup d'auteurs qui s’expriment sur le numérique dans une langue corse qui s’est adaptéeà notre époque. Cela sort de l’imaginaire traditionnel et les écrivains cherchent d’autres thématiques plus provocatrices par exemple sur Tonu è Timpesta, le blog de Marcu Biancarelli.

  - Aujourd’hui qui représente pour vous le mieux la littérature corse contemporaine ?
- A-T.P : Marco Biancarelli et son œuvre Murtoriu m'ont beaucoup marqué. Ses oeuvres ont jalonné et influencé toute une génération postérieure.
P-S.M : Paul Desanti, parce que c’est quelqu’un qui n’est pas dans la critique directe de la société mais qui la regarde avec ironie et qui porte un regard sur l’époque à laquelle on vit.
J.M :  Alain di Meglio. Pendant le Riacquistu, il a apporté un regard différent grâce à un style bien à lui. Aussi, son œuvre est assez large. Elle va de la prose à la nouvelle en passant par la poésie... même en tant que parolier il a donné de très belle chansons à la langue Corse.

  - Quel avenir pour la littérature corse ?
- A-T.P : Il est prometteur parce que les nouveaux auteurs sont très jeunes et produisent de très belles choses. Toutefois, il faut qu’ils soient soutenus par les pouvoirs publics et que leurs livres soit valorisés d'autant plus qu'en langue corse, le lectorat est difficile à conquérir. La sensibilisation du public doit passer par le milieu associatif. Il faut remettre la place de la littérature corse au centre de la vie sociale.
P-S.M : Je suis très optimiste. Le constat que l'on peut faire aujourd'hui, c’est qu’on a jamais autant écrit. De plus en plus de jeunes écrivent. On vit un moment riche avec des styles différents et des sujets très variés.
- J.M : Il faut sortir du discours de lamentation autour de la perte de la langue corse, celle qui se meurt. Cela fait des années que l'on dit ça mais elle est toujours là. La production n'a jamais été aussi riche que depuis une cinquantaine d’années. D'ailleurs, dans cette anthologie, 800 pages sont consacrées à la période du Riacquistu, des années 70. Il y a une véritable créativité en langue corse. Le tableau n’est pas aussi noir que ça.

Antulugia parait ce vendredi 4 décembre aux éditions Albiana
Antulugia parait ce vendredi 4 décembre aux éditions Albiana