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Ajaccio : Le coup de colère de Mossa Paisana


Maria-Serena Volpei-Aliotti le Jeudi 17 Octobre 2019 à 18:50

Ce jeudi matin, une vingtaine de membres du syndicat "Mossa Paisana" ont occupé les locaux de l'Agence des Services de Paiement d'Aiacciu.
Par cette action, les agriculteurs souhaitaient dénoncer le "piège" tendu par l'État français aux agriculteurs corses, et la forte pression engendrée par ses contrôles massifs.
Jean-Luc Albertini, membre de Mossa Paisana revient pour Corse Net Infos sur cette mobilisation.



Le syndicat Mossa Paisana a occupé, ce jeudi 17 octobre, les locaux de L'ASP, Agence des services de paiments et de la DDTM, Direction Départementale des Territoires et de la Mer d'Aiacciu. 
"L'ASP et la DDTM sont les relais de l'État en Corse. Ils gèrent le dossier agricole. Aujourd’hui, la France décide, par ses contrôles massifs, de mettre tous les agriculteurs dans le même sac, soi-disant pour lutter contre la fraude. Nous n’acceptons pas d’être traités comme des voleurs. Nous savons qu’il y a une minorité d'éleveurs qui ne jouent pas le jeu depuis 2015  " explique Jean-Luc Albertini. "Ainsi, par cette action, Mossa Paisana souhaitait dénoncer une situation insoutenable et inadmissible." 

Des contrôles "instaurés directement par l'État, contrairement à ce que demandait L'ASP" qui ne donnent pas la réalité des terrains et plus de deux mois de retard sur les paiements, voilà ce quels dénoncent les membres de Mossa Paisana.

"En règle générale, les contrôles débutent au mois de juillet et les paiements se font le 16 octobre. Cette année, les contrôles ce sont faits 15 jours avant les paiements" précise J.-L. Albertini.
[...]. 
 

"En Corse, l’État français a mis en place un système mafieux"

Lors de la nouvelle PAC, Politique Agricole Commune, de 2015, "il y a eu un changement d’orientation et sur les surfaces". Ainsi, le taux de chargement a été supprimé. " Avant, pour pouvoir déclarer 1 ha en plaine, il fallait une vache ou sept chèvres. En retirant cette contrainte, les déclarations ont explosé". Elles sont passées de 160 000 ha en 2014 à 240 000 l'année d’après. 80 000 ha supplémentaires en une année. "En un an, il y a eu l’équivalent de 800 exploitations agricoles qui se sont développées de manière exponentielle, puisque tout était éligible. C'était un beau piège tendu par la France[...]. 
Mossa Paisana alertait déjà à cette époque les dangers d'une telle suppression. " Il fallait maintenir les taux de chargement d’une surface maximum déclarée. Dans toutes les régions d'Europe, il y a des commissions de contrôle sur le foncier, sauf en Corse. Elle n’a pas été volontairement mise en place par l'État. Ils ont laissé faire. [...]. 
"Ils ont ouvert une boîte de Pandore pour mettre l’ensemble de la profession à genoux, une entreprise de destruction massive de la culture et de l'identité Corse." 
Neufs cents contrôles par ans pendant trois ans, contre 90 auparavant
. "Les années précédentes, il y en avait quatre-vingt-dix contrôles. En raison de cet épouvantail mafieux, le peuple corse s’est détourné de ses agriculteurs. Qui sont considérés comme des voleurs.
Nous n’avons plus le soutien de la population. Et sans soutien de la population, pas de soutien des politiques. Ils ne nous aident pas et nous laissent crever. Aucun mot de la part de l'Exécutif. Aucune réunion de crise sur le problème l’agricole". poursuit, amer, Jean-Luc Albertini
La Corse compte à ce jour environ trois mille agriculteurs qui se partagent une dotation européenne fermée de 36 millions d'euros par an. 
" Bruxelles a demandé des comptes à la France qui gère le 1er pilier de la PAC**. Aujourd'hui, pour ne pas payer d'amende, elle a décidé de sacrifier le berger corse, en tapant sur les élevages caprins. 
Comme si en Corse, il était impossible d'élever des chèvres. " 

Ce que Mossa Paisana demande

La France gère le 1er pilier de la PAC, celui qui gère les dotations pour les paiements des surfaces. La Corse gère le second pilier, celui du rural.
"Nous prônons un changement de système. Nous demandons la gestion des deux piliers de la PAC pour éviter le filtre parisien et pour qu'enfin nous puissions gérer nous même notre dossier sur l'agriculture. Arrêtons les déclarations de six cochons sur huit-cents ha. Un taux de chargement minimum et un plafonnement des surfaces déclarées. Aujourd'hui, la directrice de la DDTM à dans un premier temps refusé de nous recevoir en nous empêchant d'entrer. Elle nous a finalement reçu. Elle nous a stipulé qu'elle ferait remonter nos observations à l'État. 
Mais la grande question que nous nous posons: si les prochaines personnes qui vont négocier la prochaine PAC et le prochains PDR, sont les mêmes qui ont négocié les précédents, ceux qui nous ont mis dans la m..., y aura-t-il des solutions pour arranger la situation ? 
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*Le taux de chargement : Le rapport entre les animaux de l’exploitation sur la surface déclarée. 
*L'Agribashing 
Le bashing, ( frapper violemment), est une forme de défoulement. Dénigrer collectivement une personne ou un sujet.
**Les deux piliers de la PAC. 
Le premier pilier, le plus important puisqu’il représente environ 80% des dépenses de la PAC, porte les mesures de soutien aux marchés et aux revenus des exploitants agricoles. Ce premier pilier est entièrement financé par un fonds européen, le Fonds Européen Agricole de Garantie (FEAGA), géré par l'État français 
Le second pilier est le développement rural, géré par la Corse. ( https://www.supagro.fr)