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Aiacciu Lochi di mimoria : Promenade à la maison des Milelli


José Fanchi le Vendredi 3 Août 2018 à 09:54

Sur la route menant à Alata, aux premières boucles de la route, un croisement à gauche conduit à l'ancienne maison de campagne des Bonaparte, les Milelli. Cette vieille demeure qui se dresse fièrement dans un cadre enchanteur, domine le golfe d’Ajaccio de son oliveraie d’environ treize hectares. Il s’agit de la résidence d’été de la famille Bonaparte qui s'y rendait lors des fortes chaleurs



Il s’agit d’une maison assez grande, édifiée sur quatre niveaux, avec un four et un authentique moulin à huile situés dans l’ensemble du rez-de- chaussée. Cette grande bâtisse était surnommée la "Badine". Dans un premier temps, elle fut léguée aux jésuites. Après l’expulsion de France par Louis XV, elle redevint la maison familiale au terme d'une longue procédure menée par Charles Bonaparte, père de Napoléon. Elle servira d’ailleurs de refuge lors des révoltes paolistes de 1793. Les Bonaparte y trouvent alors refuge et vivent sur place jusqu’au jour où ils quittent la Corse.
Grâce à sa superbe oliveraie, cette résidence constituait une des principales ressources des Bonaparte. D'autres propriétés assuraient la subsistance de la famille, la Sposata ou la Casseta pour les vignes, les Salines où l'on cultivait les mûriers, ainsi que des terres à Ucciani, Bastelica et Bocognano. Le niveau de vie de la famille Bonaparte, en dépit de toutes les légendes sur leur pauvreté, était plutôt aisé pour la Corse. Ils faisaient partie des nantis de l'île, cela sans aucun luxe superflu. Dans ses cahiers de Sainte-Hélène, Napoléon décrit avec précision le système d'approvisionnement de la famille essentiellement basé dans ce milieu rural sur les récoltes et les échanges.
Mais pour l’enfant d’Ajaccio, il s’agissait surtout d’un coin à part, un endroit où Napoléon aimait se reposer et flâner. Il séjournera d’ailleurs à son retour d'Egypte. Aujourd'hui  la propriété des « Milelli" est un musée ouvert à la visite. Sur deux étages, mobiliers et objets de la vie quotidienne du XIXème sont exposés.
 

Les précieux cahiers de Saint Hélène…
 
Dans ses courriers cahiers qu’il écrivit à Saint Hélène, Napoléon aimait à raconter la vie organisée autour de la propriété. Il insistait sur le fait de ne pas dépenser inutilement. Il écrivait notamment : « Dans ma famille, le principe était de pas dépenser. Jamais d'argent que pour les objets absolument nécessaires, tels que les vêtements, meubles, etc., mais pas pour la table, excepté l'épicerie : le café, sucre, riz qui ne venaient pas en Corse. Tout le reste était fourni par les terres. »
La famille avait un moulin banal où tous les villageois allaient moudre et payaient avec une certaine quantité de farine, l’usage d’un four banal se payait avec des poissons. On récoltait le raisin et on faisait le vin. On apportait le lait, les fromages de chèvre, même la viande de boucherie ne se payait pas. On avait un compte avec le boucher, et on donnait en échange de la viande de boucherie tant d'équivalence en moutons, agneaux, chevreaux ou même bœufs.
L'important était de ne pas dépenser d'argent. L'argent était fort rare. C'était une grande affaire que de payer avec de l'argent comptant.
Il n'y avait à Ajaccio que deux jardins d'oliviers : l'un appartenait à la famille Bonaparte, l'autre aux Jésuites. Depuis, ils se sont multipliés. L'usage était que les proches parents, oncles, tantes, cousins germains ou grands pères venaient y faire leur provision d'huile, lors de la récolte. Le dimanche, jour où venaient les paysans avec leurs chèvres, le fromage, le lait, etc. il était organisé alors de grosses agapes qui duraient jusqu'au lendemain et le surlendemain en hiver ; en été, on faisait des cadeaux aux parents, cela pour éviter d’acheter des cadeaux, c'eût été mal vu. La famille tenait à l’honneur de n'avoir jamais acheté ni pain, ni vin, ni huile».
D’ailleurs, les visites à la résidence des Milleli constituaient pour Napoléon un lieu d’escapade idéal et chaque fois qu’il revenait au pays, il ne manquait jamais d'aller l'inspecter les lieux. C’est d’ailleurs là-bas qu’à son retour d’Egypte, en 1799, il passa les journées des 2 et 3 octobre en compagnie de Murat, Lannes et du contre-amiral Gantheaume.
Deux jours plus tard, Napoléon quittait la Corse pour ne plus jamais y revenir. Les Milelli ont abrité dans les années soixante-dix et quatre-vingt une partie de la collection ethnographique de Louis Dozan aujourd'hui exposée au Musée de la Corse à Corte.
 

L’arboretum des Milleli
 
 Des cèdres de l'Himalaya au milieu du maquis corse. L'image peut paraître inattendue, mais c'est une réalité depuis la création de l'arboretum des Milelli, à Ajaccio. Très méconnu des locaux, celui-ci reste un endroit à part, préservé de l'urbanisation du nord de la ville. Situés dans un grand parc aménagé au cœur des pins maritimes, ces jardins abritent la maison de campagne des Bonaparte. Il vous faut la dépasser pour arriver, en contrebas, à la petite porte en bois de l'arboretum. « Ici la nature est reine, merci de respecter les lieux. » Le panonceau de bienvenue vous met tout de suite en garde. Dès les premiers mètres du sentier, vous comprenez rapidement que l'endroit est une ode au voyage, au-delà des frontières de la Méditerranée. Des marronniers d'Inde aux arbres de Judée en passant par les cèdres du Liban et de l'Atlas, votre curiosité trouve réponse dans les petites pancartes disséminées le long du parcours balisé.
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Cette évocation est tirée du Livre « Aiacciu, lochi di mimoria » à paraître prochainement.
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 (Photos collection Philippe Martinetti)