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Agences de l’Etat : L’IRA de Bastia menacé par la fusion annoncée des cinq IRA nationaux ?


Nicole Mari le Mercredi 14 Mai 2025 à 20:04

Laurent Marcangeli, ministre de la Fonction publique, a annoncé, le 7 mai dernier, la fusion des cinq Instituts régionaux d’administration (IRA) en une entité unique, sans plus de précision. Cette annonce inquiète fortement les personnels de l’IRA de Bastia, qui pourrait voir remis en cause son autonomie et même être à terme menacé de disparition. Relayant cette inquiétude, le député de la 1ère circonscription de Haute-Corse, Michel Castellani, a posé une question écrite au ministre. Sans réponse pour l’instant.



Photo CNI.
Photo CNI.
L’annonce a été faite, le 7 mai dernier, par le ministre de l'Action publique, de la fonction publique et de la simplification, Laurent Marcangeli, lors de son audition par la Commission d’enquête du Sénat sur les agences de l’Etat. Revenant sur la méthode du gouvernement pour réaliser 2 à 3 milliards d’économies sur lesdites agences dans le cadre de la réduction du déficit budgétaire, le ministre a annoncé la fusion des cinq Instituts régionaux d’administration (IRA) en une entité unique. Sans donner plus de précisions. La fusion des IRA ouvre le champ des possibles et, donc, génère, beaucoup d’inquiétude, notamment à l’IRA de Bastia où les personnels ne savent pas à quelle sauce, ils vont être mangés ! Et c’est surtout la douche froide après une embellie prometteuse. « Il y a quelques mois, on nous a annoncé une volonté de renforcer les recrutements des cadres formés dans les IRA. Cela a donné lieu à une massification des effectifs d’élèves que nous avons accueillis notamment en janvier dernier. Des travaux d’extension et des investissements ont été faits en conséquence, donc l’IRA de Bastia avait de beaux jours devant lui », explique Laura Ferrucci, déléguée du personnel CFDT. Les promotions de l’IRA de Bastia ont alors atteint plus de 160 élèves avec la possibilité de monter à 180 élèves par an et par formation. Les effectifs d’encadrement ont été renforcés avec le recrutement de deux agents par IRA. Le premier couac intervient en février dernier avec la création d’un IRA au sein de l’université Paris-Nanterre qui pompe l’augmentation des effectifs et récupère pour fonctionner les deux postes qui avaient été créés dans chaque IRA. Viennent ensuite des rumeurs de mutualisation : « Notre tutelle d’administration centrale, la DGFP, nous avait annoncé, il y a quelques semaines, une mutualisation des cinq IRA. Elle nous avait rassuré, on ne parlait pas de fusion, mais plutôt de mutualisation dans des logiques de simplification. Pas d’inquiétude à ce stade parce que nous étions plus dans des logiques de partage de pratiques et éventuellement de recentralisation de certaines fonctions », poursuit Laura Ferrucci.
 
Une bombe à retardement
Dans ce contexte, l’annonce du ministre fait l’effet d’une bombe : « L’annonce de Mr Marcangeli de fusionner les cinq IRA et la création d’une école unique inquiètent le personnel de l’IRA de Bastia pour plusieurs raisons. On va nous demander, du coup, de rendre des effectifs. Ensuite, nous sommes un peu en première ligne en raison de notre situation géographique. Notre crainte serait de perdre la régionalisation des postes de sortie IRA puisque nos élèves à l’IRA de Bastia ont jusqu’à présent la garantie d’être prioritaires sur les postes du grand Sud, c’est-à-dire de la Corse, de la région PACA et de l’Occitanie. Ce serait une perte d’attractivité, si la fusion des cinq IRA en une école unique remettait en question ce système d’affectation », déplore Laura Ferrucci. La perte de la régionalisation des postes serait catastrophique pour l’IRA de Bastia dont c’est la principale attractivité. Le risque est d’autant plus grand que l’idée avait déjà été envisagée, il y a quelques temps, avant d’être bloquée. La fusion des IRA pourrait remettre en cause la répartition des postes par région en la remplaçant par un tronc commun où les élèves choisirait sans garantie. « On a essayé au niveau syndical d’alerter, dans un premier temps, le ministre. On a formulé à plusieurs reprises une demande d’audience. Sans réponse à ce jour », indique la déléguée CFDT. Laurent Marcangeli, qui a déjà visité des IRA sur le continent, n’est pas venu à Bastia.
 
Le spectre d’une disparition
L’inquiétude vient non seulement de la soudaineté et de la brièveté de l’annonce ministérielle, mais aussi du fait que les IRA n’ont été consultées, ni sur les modalités, ni sur le calendrier, et qu’elles n’ont, à ce stade, aucune information sur leur devenir. La crainte, qui se profile, à terme est même, reconnaît Laura Ferrucci, la disparition de l’IRA de Bastia. « Cela n’a pas été annoncé clairement à ce stade. Notre tutelle se veut rassurante, mais le risque est quand même majeur. Le premier risque d’une école unique, qu’importe sa localisation, ne serait pas la disparition de l’IRA de Bastia. La première étape serait peut-être une perte d’autonomie dans nos modalités de fonctionnement, c’est-à-dire la recentralisation des fonctions support comme la paie et les ressources humaines avec un impact sur des agents qui travaillent à temps plein sur ces fonctions-là. Egalement une perte d’autonomie pédagogique puisqu’on est une école de formation, et donc aussi une perte d’intérêt. Notre seconde crainte, dans un effet domino, serait la suppression complète de l’IRA de Bastia. En raison de sa situation géographique, c’est un IRA qui est toujours regardé un peu du coin de l’œil, notamment pour des questions budgétaires ». Aujourd’hui, les paies du personnel et des élèves sont faites par chaque IRA. Le concours, qui avait été déconcentré, il y a 20 ans, pourrait être reconcentré sur Paris. La crainte pèse aussi sur les personnels qui, pour l’instant, ne semblent pas menacés, mais pourraient finir par l’être pour des raisons économiques avec un risque de perte d’intérêt de leur mission, voire de mutation. « Pour faire tourner cet établissement unique, il faudra y mettre des moyens financiers. A mon avis, on va les puiser dans les ressources déjà déployées sur le terrain. Pour l’IRA de Bastia, ça va être compliqué. On ne pourra pas, par exemple, muter des personnels de Bastia à Paris ». Et la déléguée syndicale de conclure : « A ce stade, nous n’avons pas de précision. Nous craignions de ne pas être associés aux décisions et, au final, de juste payer les pots cassés ».
 
Le député Castellani interpelle le ministre
Relayant cette inquiétude, le député Femu a Corsica de la 1ère circonscription de Haute-Corse, Michel Castellani, a posé une question écrite au ministre sur la situation des IRA. Se positionnant « sans ambiguïté pour le maintien total des fonctions, des compétences, et des moyens de l'IRA de Bastia, dont il connaît l'utilité pédagogique, mais également le rôle social et sociétal qu'il remplit en faveur de Bastia et de la Corse », le député bastiais demande au ministre « quelle sera demain la place réservée à l'IRA de Bastia dans un système centralisé qui ne prend pas en compte les réalités locales ». Il s'interroge également « sur l'avenir des personnels et des élèves d'un institut dont l'autonomie et la singularité seraient niées ». Comme il l’explique dans un tweet :

L’IRA de Bastia, créé en 1980, a un budget de 9 millions €, réinjecté à 90% dans l’économie locale. Sa suppression aurait aussi un impact sur la ville. Laurent Marcangeli a précisé devant les Sénateurs que les plans ministériels seraient finalisés à la mi-juin et qu’ils pourraient donner lieu, dans la foulée, à un projet de loi. Affaire à suivre...
 
N.M.