Les rideaux rouges sont installés, la chapelle Sixtine prête à se refermer. À partir de 16h30 mercredi, les 133 cardinaux électeurs de moins de 80 ans se réuniront dans le plus grand secret pour désigner le successeur du pape François, décédé le mois dernier. Dans cette assemblée venue de 69 pays, l’Europe reste la plus représentée avec 52 cardinaux, dont cinq pour la France. Parmi eux, deux Corses : le cardinal Dominique Mamberti, préfet du Tribunal suprême de la Signature apostolique, et le cardinal François-Xavier Bustillo, évêque d’Ajaccio depuis 2021, nommé cardinal par François en 2023.
En Corse, où le souvenir de la visite historique du pape François à Ajaccio en décembre dernier reste encore forte, l’élection du nouveau souverain pontife suscite une vive attention. À la veille du scrutin, l’heure est à la réflexion et à la prière dans les paroisses insulaires. « Ce que j’attends, c’est un pape dans la ligne de François, mais avec plus de poigne encore », glisse Antoine, 62 ans, croisé à la sortie de la messe à Saint-Jean à Bastia. « Il faut continuer à défendre les plus faibles, les migrants, l’environnement. Mais aussi remettre un peu d’ordre dans l’Église. »
Même conviction pour Camille, étudiante à Corte : « J’aimerais que le prochain pape parle davantage aux jeunes. On est nombreux à chercher du sens. Il doit faire le lien entre tradition et présent. »
Pour de nombreux fidèles, cette échéance suscite fierté et espoir. « Il nous faut un pape enraciné dans le réel, pas un théologien coupé du monde », estime Daniel, retraité bastiais. « François avait ouvert des portes. Le prochain ne doit pas les refermer. » À Corte, Anne-Marie, mère de famille, espère que « l’esprit de dialogue, de paix et de simplicité qui a marqué le pontificat de François perdurera. On n’a pas besoin de rigidité, mais d’écoute. » D’autres souhaitent une Église plus engagée. Vincent, 22 ans, étudiant en philosophie à Paris : « Il faut aller plus loin. L’Église doit peser davantage sur les questions sociales et écologiques. » Même attente chez Lucie, bénévole ajaccienne : « Il faut un pape qui parle à tous. L’Église doit être capable de répondre aux questionnements contemporains, sans moraliser. »
« Ce que nous attendons, c’est un pasteur à l’image du Christ », souffle l’abbé Constant, vicaire général du diocèse d’Ajaccio. « L’Église doit continuer à marcher dans la clarté et la vérité. Tous les pasteurs doivent s’engager sur ce chemin, pour qu’elle soit encore plus libre et qu’elle témoigne de l’Évangile auprès des plus petits, des plus démunis, et de tous ceux dont la dignité est ignorée. Nous espérons que le Seigneur offrira à son Église un homme de paix et de lumière. »
Le cardinal Bustillo, une fierté insulaire
Même s’il ne figure pas parmi les papabili les plus cités à Rome, le cardinal François-Xavier Bustillo reste une figure centrale dans les conversations des fidèles corses. Nommé cardinal en 2022, il est devenu un visage d’une Église soucieuse de proximité et de simplicité évangélique. Sa participation au conclave est vécue comme une fierté. « Il a su incarner une Église moderne et proche lors de la venue du pape à Ajaccio. Pour nous, il est déjà un symbole »,confie Gabrielle, paroissienne de Saint-Paul à Ville-di-Pietrabugno.
Beaucoup évoquent encore le 15 décembre 2024, lorsque le pape François, à l’invitation directe de Bustillo, avait foulé le sol corse pour une visite pastorale inédite. « C’est un homme de terrain, mais aussi un homme d’Église qui connaît Rome, qui connaît les dossiers. Sa parole porte », note Pierre, paroissien à Bastia. « Qu’il représente la Corse dans la chapelle Sixtine, c’est fort symboliquement. Cela montre que notre Église locale compte. »
S’il ne fait pas partie des favoris pour être élu pape, à en croire les bookmakers romains, Bustillo incarne pour beaucoup une fidélité à l’héritage de François et une capacité à penser l’avenir. « Savoir qu’il votera, c’est important pour la Corse », conclut Lucie. « C’est une voix qui nous ressemble, et qui parlera aussi pour nous. »